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Essais

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu, éditions Droz (Genève), Coll. Bibliothèque des Lumières, juin 2021, 336 pages, 45 CHF

 

Ce que nous pouvons encore lire des littératures « anciennes » (peu importe la langue employée) est constitué par les épaves d’un immense naufrage. Seules sept tragédies d’Eschyle nous sont parvenues sur plus d’une centaine (pour Sophocle, le rapport est de huit sur cent vingt-trois). Pourquoi avons-nous conservé celles-là et pas les autres ? Étaient-elles plus mauvaises que les sept dont nous disposons encore et, dans l’affirmative, qui se serait permis d’en juger ? Nous n’en savons rien. La littérature hébraïque ancienne est en très grande partie perdue. Les écrits de controverse entre les différents courants du judaïsme antique (d’où allait s’émanciper ce qui deviendra le christianisme) n’ont pas été conservés, comme on s’en est rendu compte à la faveur de la découverte (exceptionnelle) des manuscrits de la mer Morte. Seuls des fragments ont survécu, incorporés à l’un ou à l’autre Talmud. Composa-t-on, en Terre sainte ou à Rome, des réfutations juives de l’épître aux Hébreux ou du onzième chapitre de l’épître aux Romains ? Sans doute, mais elles ont disparu aussi complètement que si elles n’avaient jamais existé.

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Grasset

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly, Grasset, janvier 2022, 133 pages, 12 €


Il faut bien qu’on finisse par entendre, derrière le sinistre brouhaha actuel, la voix de l’Histoire. Pas seulement ponctuellement après des « propos », ou vagues et bavards débats. Pas seulement par des commentaires désolés, pour autant infatigables dans les réseaux sociaux. Ce n’est pas là, temps de l’Histoire. Il faut le temps d’un livre, et le travail de démonstration précise d’un historien de métier, qui plus est, spécialiste de la période tant « revisitée » par Eric Zemmour, la seconde guerre mondiale et Vichy. Car, « jamais, en cent cinquante ans, dans notre république, à la veille d’un scrutin majeur, l’extrême droite n’aura semblé aussi forte, n’aura fait autant de bruit. Rarement, en période de paix, le système politique national n’aura paru aussi fragilisé ». Constat de départ de Laurent Joly.

À la recherche de Céleste Albaret, Laure Hillerin (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 04 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Flammarion

À la recherche de Céleste Albaret, Laure Hillerin, septembre 2021, 510 pages, 23,90 € Edition: Flammarion

 

C’est d’abord avec réflexion et circonspection, puis résolue que Célestine, dite Céleste, Gineste, née en 1891, épousera le 28 mars 1913 Odilon Albaret, chauffeur de taxi de son état. Lorsque la grande jeune femme d’un mètre soixante-douze un peu languide, apathique, est menée par son frère Paul à l’autel, elle ne sait pas quel est l’auteur du « petit bleu » que le facteur vient de remettre à Odilon dans l’église pour le féliciter de ce mariage. Elle l’apprendra plus tard, quand transportée d’Auxillac, dans la haute vallée du Lot, non loin du Gévaudan, à Paris, boulevard Haussmann, « Nymphe superbe et paisible, endormie au sein de sa chrysalide », elle fera la connaissance d’un « Marcel Proust, en négligé décoiffé et sans barbe ».

Proust lui confiera d’abord un travail de coursière, elle devra livrer aux amis de Monsieur les premiers exemplaires de Du côté de chez Swann. Elle apprendra à connaître un peu de Paris, la parcourant à pied, en taxi, en transport en commun. Entre ses livraisons, elle restera à attendre dans la cuisine du boulevard Haussmann que l’on ait besoin d’elle.

Georges Brassens, militant anarchiste, Frédéric Bories (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 28 Février 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Mot et le Reste

Georges Brassens, militant anarchiste, Frédéric Bories, janvier 2022, 190 pages, 17 €

 

Chacun ou presque a en tête un vers, voire une strophe d’une chanson de l’enfant de Sète où il vit le jour en 1921. Mais qui sait ce qui est à l’origine des textes de ses chansons, dont on saisit plus ou moins confusément un engagement lié à des convictions dont l’auteur n’use jamais pour une morale quelconque qu’il a toujours réprouvée, même s’il était un admirateur de La Fontaine ?

Frédéric Bories a consacré son ouvrage à retracer dans le détail les années, entre 1946 et 1948, que Brassens a consacrées à l’anarchisme, parce que c’est là, selon l’auteur, que se situent les éléments qui vont conditionner toute son œuvre, et au-delà, sa vie, une après-guerre vécue dans la pauvreté, avec le strict nécessaire matériel pour vivre, pas de superflu donc, mais une avidité intellectuelle qui lui fera dévorer littérature et philosophie.

Penser le communisme, Thierry Wolton (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Février 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Penser le communisme, Thierry Wolton, octobre 2021, 276 pages, 20,90 € Edition: Grasset

 

On doit à Thierry Wolton une Histoire mondiale du communisme, en trois forts volumes, véritable somme sur cette idéologie qui assombrit un siècle que certains, et non des moindres, annonçaient glorieux (on s’édifiera en relisant la section « Vingtième siècle » de la Légende des siècles : « Comme une éruption de folie et de joie, / Quand, après six mille ans dans la fatale voie, / Défaite brusquement par l’invisible main, / La pesanteur, liée au pied du genre humain, / Se brisa ; cette chaîne était toutes les chaînes ! / Tout s’envola dans l’homme, et les fureurs, les haines, / Les chimères, la force évanouie enfin, / L’ignorance et l’erreur, la misère et la faim, / Le droit divin des rois, les faux dieux juifs ou guèbres »). Si monstrueux fût-il, le nazisme (qui se revendiquait également du socialisme) dura douze ans et disparut sous les bombes. Ses principaux dirigeants se firent justice, furent exécutés ou allèrent se tapir en Amérique du Sud et plus personne n’ose s’en revendiquer publiquement. Le communisme, en revanche, paraît se porter aussi bien que possible.