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Essais

Précis de Foutriquet, Pierre Boutang (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 27 Juin 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Précis de Foutriquet, Pierre Boutang, éditions Les Provinciales, mars 2022, 190 pages, 18 €

 

La campagne présidentielle de 1981 opposa, le tri étant fait des candidats plus ou moins fantaisistes dont personne, pas même eux, ne pensait qu’ils pussent atteindre le second tour (Huguette Bouchardeau, Arlette Laguiller, Marie-France Garaud, Michel Crépeau, Brice Lalonde, etc.), le président de la République sortant, Valéry Giscard d’Estaing, à son adversaire socialiste, François Mitterrand. Dire que l’un était de droite et l’autre de gauche eût été aller vite en besogne tant, à cette époque déjà, ces repères idéologiques a priori simples avaient commencé à se brouiller. Mitterrand était parvenu à s’imposer comme le champion des socialistes, en faisant oublier qu’il n’était pas issu de leurs rangs et en jetant le voile de l’oubli (qui se déchirera plus tard) sur les amitiés et les engagements de sa jeunesse. Quant à Giscard, aucun droitard digne de ce nom ne pouvait le considérer comme un des siens. Droitard, maurrassien, monarchiste, Pierre Boutang le fut autant qu’on pouvait l’être, qui dirigea jusqu’en 1967 un hebdomadaire, La Nation française, où s’exprimèrent des écrivains aussi doués qu’Antoine Blondin, Roger Nimier, Philippe Ariès ou Louis Pauwels.

Reconnaître le faux, Umberto Eco (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 22 Juin 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, Italie

Reconnaître le faux, mars 2022, trad. italien Myriem Bouzaher, 64 pages, 6 € . Ecrivain(s): Umberto Eco Edition: Grasset

 

Dans l’œuvre du sémioticien qu’était Umberto Eco, la question du faux est centrale, ceci depuis au moins son Traité de sémiotique générale (1975) – d’ailleurs, l’auteur le mentionne lui-même dès les premiers mots de la présente conférence : il y disait que « nous devrions considérer comme signe tout ce qui peut être utilisé pour mentir ». Mais il précise aussitôt, nuançant, et cela est d’importance à toute époque : dire le faux n’est pas mentir, ni falsifier, et mentir n’est pas falsifier. Néanmoins, le faux est bel et bien au centre de ses préoccupations, comme le sait quiconque a lu Le Nom de la Rose (1980) ou les essais réunis en français sous le titre La Guerre du faux (1985) – le faux, parce que peut-être la falsification présente un rapport bien plus biaisé à la vérité que le mensonge.

L’argument de vente du présent opuscule est bien sûr lié à l’actualité : à l’époque des « fake news », relire Eco est indispensable. À ceci près que celui-ci inciterait plutôt à relire Machiavel, Platon, Aristote, Thomas d’Aquin, Bacon, Benedetto Croce ou Baltasar Gracián – mais pas Kant, du moins dans le présent contexte, dû à « la capacité que ce grand homme avait de dire de temps en temps des âneries ».

La Pensée de Carl Schmitt (1888-1985), David Cumin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 30 Mai 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Harmattan

La Pensée de Carl Schmitt (1888-1985), David Cumin, décembre 2021, 1020 pages, 2 volumes, 45 €, 42 € Edition: L'Harmattan

 

Dans un volume hommage à George Steiner (Avec George Steiner, Les chemins de la culture, Albin-Michel, 2010, p.96), Jeffrey Mehlman a raconté comment, en 1979, le philosophe et talmudiste Jacob Taubes (1923-1987), fils du grand-rabbin de Zurich, passa les fêtes du Nouvel An juif en compagnie d’un antisémite notoire, qui « était, hélas, le grand penseur politique du XXe siècle ». Comme avec le fameux « Victor Hugo, hélas ! » de Gide, tout est dans l’interjection.

À l’instar de Heidegger, avec qui il possède plus d’un point commun (entre autres le goût de la poésie – il fut fasciné par l’immense épopée de Theodor Däubler, Nordlicht, qu’il qualifiait de « grand cours d’eau qui emporte tout sur son passage : du limon, des troncs d’arbres, des chats crevés, mais aussi des pépites d’or », propos cité par Nicolaus Sombart, Chronique d’une jeunesse berlinoise, trad. O. Mannoni, Quai Voltaire, 1992, p.308), Carl Schmitt – c’est de lui qu’il s’agissait – se tient à la limite entre canonisation et exécration.

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Mai 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck, Éditions du Sandre, mars 2022, 102 pages, 9 €

 

Une silhouette voûtée par l’âge appuyée sur une canne de bois. Une longue barbe blanche, des yeux d’enfant derrière des lunettes à monture métallique, l’ébauche peut-être d’un sourire. Un vêtement qui ressemble à une robe de bure, le capuchon relevé sur la tête. L’homme parlait aux plantes, distillait de l’eau-de-vie et rédigeait dans la solitude des milliers de pages dont il brûla une partie. Un personnage à mi-chemin entre Merlin et un rabbin de l’ancienne Russie, d’où était venu son père (disparu dans les chambres d’Auschwitz). Ainsi apparaissait, sur une des dernières photos qui aient été prises de son vivant, Alexandre Grothendieck (disparu en 2014), médaille Fields (le Prix Nobel des mathématiciens) 1966.

Comme le sont les recherches des mathématiciens de premier plan, les travaux scientifiques d’Alexandre Grothendieck demeurent obscurs au profane. Son évolution intellectuelle fut en revanche limpide, à défaut d’être linéaire. Né en 1928, il grandit dans un milieu libertaire et marginal.

Penser la perception, Jean Daive (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 23 Mai 2022. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arts

Penser la perception, Jean Daive, L’Atelier contemporain, février 2022, 320 pages, 25 €

 

La prose du monde.

De par son titre, cet ouvrage volumineux de Jean Daive vise tout un programme et en même temps il soulève une somme de difficultés. Vaste programme, en effet, que d’envisager le monde qui est là devant nous, d’en rendre compte, de le « penser » et de savoir lire nos sensations dans toutes leurs richesses. Mais, difficulté majeure, comment peut-on traduire ce monde complexe dans lequel nous baignons ? Peut-on le « penser » comme tel ? « Penser » et « perception » ne sont-ils pas deux mots antinomiques ? Peut-on ranger la perception sous l’ordre de l’entendement ou d’une quelconque faculté intellectuelle ? N’est-ce pas alors enrégimenter ce que nous sentons, le calibrer, biffer tout ce qui fait sa variété ? Vouloir introduire la pensée reviendrait alors à définir la perception comme un exercice du jugement tel que le souhaitait la philosophie classique, de Descartes à Alain.