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Essais

Récoltes et semailles, Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Alexandre Grothendieck (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 11 Juillet 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

Récoltes et semailles, Réflexions et témoignage sur un passé de mathématicien, Alexandre Grothendieck, Gallimard, Coll. Tel, janvier 2022, 1932 pages, 29,50 € Edition: Gallimard

 

 

Dans sa biographie (Alexandre Grothendieck, Sur les traces du dernier génie des mathématiques, Allary, 2016) alerte et bien écrite, Philippe Douroux plaçait le grand mathématicien sous l’invocation de Baudelaire (« Tout le chaos roula dans cette intelligence, / Temple autrefois vivant, plein d’ordre et d’opulence, / Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui. / Le silence et la nuit s’installèrent en lui, / Comme dans un caveau dont la clef est perdue ») et formulait un jugement peu amène sur Récoltes et semailles : « Il a jeté les mots, les a empilés sans se soucier de savoir si ces bouffées de textes aux dimensions gargantuesques, ces orgies monstrueuses de mots, restaient accessibles à un lecteur normalement outillé. Il a oublié que jamais il n’avait travaillé seul. Il avait été guidé et il guidait une cohorte de compagnons. Quand il s’enferme, il se perd » (p.241). Il est désormais possible d’en juger sur pièces.

Hot Stuff, Les Rolling Stones en 18 leçons, Milan Dargent (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 07 Juillet 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Arts, Le Mot et le Reste

Hot Stuff, Les Rolling Stones en 18 leçons, Milan Dargent, mai 2022, 134 pages, 15 € Edition: Le Mot et le Reste


Ce petit ouvrage n’est pas un énième livre sur les Stones, sur lesquels tout a été dit ou presque, il y a là des réflexions qui tentent de comprendre pourquoi tant d’années après, les vieux ados adulent toujours « the greatest rock’n’roll band in the world », pourquoi aussi ce groupe est toujours là, comme hors du temps, pourquoi les « glimmer twins » fascinent encore, pourquoi…

Les réponses sont faites de rappels de certains faits, de certains gestes ou comportements des Stones, mais aussi, avec une dose d’autodérision des raisons plus personnelles que l’auteur esquisse, invoquant la façon dont les mots et les gestes des cinq gaillards entrent en résonance avec nos attentes, nos espérances, notre avidité aussi de se saisir pour un temps, (celui d’une chanson, ou simplement d’un solo, ou d’un refrain) de ce que les musiciens vivent, ne serait-ce que sur scène, puisque c’est là que tout se joue, que tout se montre, que les excellences mais aussi les carences se font jour.

Éloge de la baleine, Camille Brunel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 04 Juillet 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Histoire, Rivages

Éloge de la baleine, Camille Brunel, avril 2022, 208 pages, 17 € Edition: Rivages

 

Moby Dick ne commence ni par une épître dédicatoire adressée à un maître ou à un ami de l’auteur, ni par la traditionnelle préface, où Melville expliquerait ses intentions, mais par deux sections avec lesquelles l’auteur prend ses distances, les attribuant à « un pion de collège » et à « un très obscur bibliothécaire ». La première est étymologique et vaguement linguistique, qui se réduit à douze langues (dix en réalité, puisque l’hébreu et le grec pourtant annoncés sont absents) ; la seconde consiste en un relevé (évidemment non exhaustif) de citations, allant de la Genèse aux chansons de marins que Melville avait pu entendre dans les ports américains, en passant par Rabelais, Shakespeare ou Cuvier. Ces pages érudites et borgésiennes avant l’heure rappellent le long compagnonnage de l’être humain avec les cétacés, particulièrement les plus grands d’entre eux, et la fascination qu’ils exercent (Camille Brunel ajoute dans son livre un hommage mérité à Jules Verne, p.153). Mais cette fascination à la fois est récente (il y a moins de trois siècles encore, la mer faisait peur) et n’est plus aussi « innocente » (au sens originel) que celle éprouvée par les écrivains de la Bible ou de l’Antiquité grecque, car l’humanité a fini par se rendre compte du profit économique qu’elle pouvait retirer de ces immenses créatures.

Poulidor enfin !, Christian Laborde / Sport, je t’aime moi non plus, Robert Redeker (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 01 Juillet 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Poulidor enfin !, Christian Laborde, Mareuil Éditions, juin 2022, 92 pages, 12 €

Sport, je t’aime moi non plus, Robert Redeker, Entretiens conduits par François L’Yonnet, Insep-Robert Laffont, juin 2022, 112 pages, 10 €

 

Pour bien écrire sur le sport, la bicyclette par exemple, il faut y avoir goûté, pour l’un, Christian Laborde, avoir souvent dégusté les cols des Pyrénées, l’Aubisque par exemple, ou le col de Marie-Blanque, pour l’autre, Robert Redeker, avoir roulé, jusqu’à huit cents kilomètres chaque semaine, confiant à la poche arrière de son maillot ses livres de philosophie, il pédalait pour apprendre à philosopher, et il philosophait entre deux échappées heureuses.

« 15 juillet 1974

ils arrivent ils sont là / c’est le groupe de tête / les plus forts les meilleurs / tous laqués de sueur / à l’orée de la pente / maçons au pied du mur / ô vélos ô taloches / ô bitume bancroche / ici le dur commence il en finira pas » (Poulidor enfin !, Christian Laborde).

Technique du coup d’état, Curzio Malaparte (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 29 Juin 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Technique du coup d’état, Curzio Malaparte, Grasset, Les Cahiers Rouges, mars 2022, trad. italien, Juliette Bertrand, 216 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: Grasset

« Je hais ce livre. Je le hais de tout mon cœur. Il m’a donné la gloire, cette pauvre chose qu’on appelle la gloire, mais il est en même temps à l’origine de toutes mes misères ». Ainsi Malaparte ouvre-t-il une préface rédigée en 1948 pour la réédition de Technique du coup d’état, à l’occasion du centenaire du Manifeste communiste ; il est vrai que ce bref essai, publié d’abord en France en 1931, aura connu nombre d’avanies, de l’interdiction en Italie au bûcher hitlérien, et en aura valu de multiples à son auteur, persécuté par Mussolini – alors que Malaparte fut du fascisme de la première heure, en lequel il voyait le levier nécessaire à la révolution sociale qu’il espérait. Puis la réalité du régime mussolinien, son embourgeoisement, sa brutalité bête…

Mais pourquoi tant de haine ? Parce que Malaparte est clairvoyant, parce qu’il se fait historien du présent en analysant sept coups d’état contemporains, plus un vieux d’un peu plus d’un siècle alors, celui 18 Brumaire, afin de démontrer que prendre le pouvoir à l’époque moderne consiste à suivre « la nouveauté introduite par Trotski dans la tactique insurrectionnelle [:] négliger absolument la situation générale du pays ». Ce faisant, Malaparte se met à dos les communistes et les fascistes, et puisqu’il analyse le rapport au pouvoir d’Hitler avant que celui-ci l’ait pris, il en vient à prédire l’avenir (l’élimination de la SA) en suivant une logique simple et moderne. En cela, il est agaçant, du moins pour ceux qui ont pris le pouvoir.