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Essais

Secret défense, Hervé Temime (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 03 Décembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Secret défense, Hervé Temime, septembre 2020, 192 pages, 18 € Edition: Gallimard

 

Hervé Temime : éloge du secret et de l’ambiguïté

Hervé Temime s’est intéressé très jeune à la vie judiciaire. S’y engageant, il eut comme modèle Emile Pollak, « avocat inclassable » et défenseur entre autres de Pierre Goldman.

L’avocat pénaliste est qualifié comme avocat des riches et des stars – ce qui est réducteur et un peu court ? Et ici il explique ce qu’il en est de son travail. Il ne cherche pas à tout connaître de ses clients : il se positionne par rapport à ce qu’ils font et ce que dit leur dossier. Mais il sait éventuellement faire juste pression sur eux par la communication qu’il entretient, afin de leur arracher certaines postures impossibles à tenir lorsque les dés sont pipés pour et par eux. Ce qui parfois est impossible et l’a entraîné quelquefois à quitter une affaire.

Dictionnaire de l’autobiographie, Écritures de soi de langue française, Collectif (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 18 Novembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Honoré Champion

Dictionnaire de l’autobiographie, Écritures de soi de langue française, Collectif, Françoise Simonet-Tenant, Michel Braud, Jean-Louis Jeannelle, Philippe Lejeune, Véronique Montémont, 846 pages, 28 € Edition: Editions Honoré Champion

 

« Je… je… je… moi… moi… moi… » : qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en hérisse, l’augmentation quantitative (certains parleraient d’inflation morbide, voire de prolifération maligne) des écrits à la première personne du singulier est un trait caractéristique de la modernité (un concept moins facile à définir qu’il n’y paraît). Tout se passe comme si l’admonition de Paul Valéry (« Qui se confesse ment, et fuit le véritable vrai, lequel est nul, ou informe, et, en général, indistinct ») avait été proférée dans le vide.

Le Dictionnaire de l’autobiographie que publient les éditions Champion est, pour qui s’intéresse aux « écritures de soi » ou « du moi », un outil remarquable, appelé à devenir un usuel et à être conservé sous la main. 457 entrées rédigées par 192 collaborateurs permettent un large tour d’horizon. L’autobiographie est envisagée dans son extension chronologique (depuis l’Antiquité) et géographique (même si le sous-titre du volume indique que les textes en langue française seront privilégiés, les comparatistes trouveront leur bien dans les notices consacrées à l’Italie, aux Caraïbes, à l’Afrique ou à la Russie).

Eparpillements, Natalie Clifford Barney (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 16 Novembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Eparpillements, Natalie Clifford Barney, éditions de La Coopérative, mars 2020, 80 pages, 12 €

 

Rien n’est plus indispensable aujourd’hui que de pouvoir s’immerger dans un bain d’intelligence, d’humour et de liberté. Et c’est encore possible en lisant un petit livre d’une belle densité que rééditent avec bonheur les éditions de La Coopérative, au catalogue aussi original que varié. Je veux parler d’Eparpillements de Natalie Clifford Barney, avec une préface et de rares photographies de Jean Chalon, l’un des intimes de l’auteur.

Eparpillements se présente comme un ensemble de pensées, d’aphorismes ou de maximes répartis en cinq chapitres, que publie en 1910 une Américaine parfaitement francophone installée à Paris, Natalie Clifford Barney. Connue pour ses nombreuses liaisons féminines, muse de célébrités comme Liane de Pougy ou de la poète Renée Vivien, ou encore de la peintre Romaine Brooks, elle accède, avec cet ouvrage, à la reconnaissance des milieux littéraires grâce à l’adoubement du plus grand critique de l’époque, Remy de Gourmont, qui écrira pour elle ses Lettres à l’Amazone.

Pour Genevoix, Michel Bernard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 12 Novembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Pour Genevoix, 224 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Avant que Raboliot, Prix Goncourt 1925, ne donne à l’auteur la possibilité de vivre de sa plume et de sa retraite en bord de Loire, Maurice Genevoix avait donné des témoignages insignes sur la Grande Guerre, qu’il avait faite lui-même, pour laquelle il fut blessé, la fameuse bataille des Eparges, où périt Alain-Fournier.

Sous Verdun, et Ceux de 14, sont considérés depuis longtemps comme les meilleurs récits sur les batailles terrifiantes de la Meuse. L’auteur, né en 1890, décédé en 1980, fut considéré alors comme un témoin remarquable de la Grande Guerre, et son œuvre, d’un humanisme étincelant, au plus près des hommes et de leurs souffrances comme un chef-d’œuvre absolu de réalisme, d’émotion et de style. Il y parlait comme un frère peut parler des siens, en étant toujours juste, sans gommer la brutalité et l’absurdité de la guerre, sans mettre de côté les responsabilités des chefs et leurs dérives. L’ouvrage fut censuré par les autorités militaires. Genevoix disait la vérité difficile à entendre.

Terra Incognita, Une histoire de l’ignorance, Alain Corbin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 11 Novembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Terra Incognita, Une histoire de l’ignorance, février 2020, 282 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Alain Corbin Edition: Albin Michel

 

Au VIIe livre de son Histoire naturelle, Pline l’Ancien a formulé le problème en des termes définitifs et qui traverseront les siècles : l’être humain est dépourvu de tous les moyens d’attaque et de défense dont disposent les autres animaux. Il n’a ni griffes, ni rostre, ni carapace, ni même les tentacules urticants de la plus modeste des méduses (qui n’ont pourtant ni cerveau, ni cœur). Il ne possède pas non plus de véritable instinct, de sorte que chaque génération doit laborieusement tout réapprendre. De là le langage, d’abord oral, ensuite écrit, seul moyen de transmettre l’expérience de nos prédécesseurs. Et ce qui vaut pour l’individu vaut pour le genre humain en entier. Au début étaient l’ignorance et donc la peur, semblables à un océan qui recouvrait tout. Puis, petit à petit, des îlots émergèrent, qui devinrent des îles, parfois reliées entre elles par des isthmes. L’espèce humaine avait appris et elle se souvenait. Elle ne sait pas encore tout (serait-ce seulement possible ?), mais – à condition qu’elle ait la sagesse de les conserver – elle dispose des trésors de savoir accumulés au long des siècles dans les bibliothèques.