Pour Genevoix, Michel Bernard (par Philippe Leuckx)
Pour Genevoix, 224 pages, 7,30 €
Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon
Avant que Raboliot, Prix Goncourt 1925, ne donne à l’auteur la possibilité de vivre de sa plume et de sa retraite en bord de Loire, Maurice Genevoix avait donné des témoignages insignes sur la Grande Guerre, qu’il avait faite lui-même, pour laquelle il fut blessé, la fameuse bataille des Eparges, où périt Alain-Fournier.
Sous Verdun, et Ceux de 14, sont considérés depuis longtemps comme les meilleurs récits sur les batailles terrifiantes de la Meuse. L’auteur, né en 1890, décédé en 1980, fut considéré alors comme un témoin remarquable de la Grande Guerre, et son œuvre, d’un humanisme étincelant, au plus près des hommes et de leurs souffrances comme un chef-d’œuvre absolu de réalisme, d’émotion et de style. Il y parlait comme un frère peut parler des siens, en étant toujours juste, sans gommer la brutalité et l’absurdité de la guerre, sans mettre de côté les responsabilités des chefs et leurs dérives. L’ouvrage fut censuré par les autorités militaires. Genevoix disait la vérité difficile à entendre.
Michel Bernard, au cœur de ce sujet brûlant, nous dit tout le bien d’un Genevoix fraternel, qui relate les blessures effrayantes de ses camarades de combat.
« L’exigence de vérité qui donne leur forme, leur élan et leur style aux écrits de guerre de Maurice Genevoix est évidemment une marque de respect pour les disparus, de fidélité à leur souvenir »(p.87).
Il est si difficile de parler de l’ami que l’on perd, des tranchées dégoûtantes, de la vie, de la mort, du souffle du camarade, une seconde avant en vie, à jamais étouffé.
Au contact de la nature depuis longtemps, des bêtes, des proches, l’auteur n’a guère eu de problème pour souligner les vertus de la vie, de la modeste présence, de la fraternité ; sa vie rurale l’y avait habitué. Il retrouvait au milieu des combats des gens modestes comme lui, peut-être pas de futurs agrégés en lettres comme lui, mais des gars de la campagne, qui souffraient comme lui, et il se devait, lui survivant, de leur donner un témoignage de fidèle vérité. Ce qu’il fit.
Il exprima ainsi une « affection primitive, sauvage, d’une intensité sans pareille » (p.128) pour les combattants, les siens.
Le lieutenant Genevoix garda de la guerre et des combats un bras mutilé.
Michel Bernard raconte un Genevoix d’après cette période douloureuse. L’auteur des récits de guerre se fait vite remarquer pour ses romans, Rémi des Rauches ; Raboliot ; Rroû… L’écrivain fêté a acheté une maison en bord du plus grand fleuve de France. Ce n’est pas qu’il déserte Paris mais il retrouve là apaisement et sources d’inspiration. Plus tard, quand il sera élu par ses pairs de l’Académie Secrétaire Perpétuel, il devra vivre à Paris, quai Conti, et se contenter des jours de congé pour retrouver ses pays de Loire.
Sa vie privée, vraiment anecdotique, quoique douloureuse aussi (perte de la femme aimée), pleine de surprises (deux filles, dont l’une sur le tard), restera toujours en marge d’un parcours tout entier livré à la défense des autres et des lettres françaises. Il donna nombre de conférences à l’étranger.
L’essai de Michel Bernard, magnifiquement documenté, et illustré de photographies et de dessins de Genevoix, offre aux lecteurs l’envie de retourner à l’œuvre d’un romancier, exemplaire.
Philippe Leuckx
Michel Bernard, né à Bar-le-Duc, en 1958, est un écrivain français. On lui doit, entre autres ouvrages, des romans, des récits, des essais (Le Corps de la France ; Mes Tours de France ; La Tranchée de Calonne, etc.).
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