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Essais

Cette maudite race humaine, Mark Twain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 14 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Babel (Actes Sud)

Cette maudite race humaine, mai 2020, trad. anglais (USA) Isis von Plato, Jörn Cambreleng, 80 pages, 5,80 € . Ecrivain(s): Mark Twain Edition: Babel (Actes Sud)

De la virulence dans l’écriture

En abordant un essai polémique, on s’attend à découvrir un opus radical, combatif, parfois violent dans ses propos, ou encore à suivre les sinuosités subtiles de l’ironie, ou bien à rencontrer un auteur qui s’adresse à nous, l’insulte à la bouche, un esprit brillant mais « vachard ». C’est comme si un virus entêté s’était introduit dans la littérature. On est loin d’une littérature tiède, fade et édulcorée, recherchant le consensus mou. Il y a un peu de tout cela en ouvrant le livre de Mark Twain, Cette maudite race humaine. On pense d’ailleurs à la grande tradition des polémistes et on a en tête des noms comme ceux de Bloy, Bernanos, Berl, tous des esprits qui ne s’en laissaient pas conter et aptes aux duels verbaux.

L’ouvrage de Mark Twain est modeste dans sa dimension, une soixantaine de pages, mais son intention est bien explicite, vu le titre ; l’auteur réprouve avec la plus grande force l’espèce humaine. Le livre comporte cinq essais (écrits à la fin de sa vie mais publiés d’une manière posthume) dont deux sont particulièrement intéressants, celui qui ouvre le recueil et celui qui le referme : Le monde a-t-il été fait pour l’homme ?, et L’animal inférieur.

Paris-Berry Nouvelle Vague, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Paris-Berry Nouvelle Vague, La Thébaïde, juin 2020, 109 pages, 12 € . Ecrivain(s): Thomas Morales

 

« Le lecteur n’attend pas une leçon de morale vaseuse ou un tirage à la ligne fainéant. Il veut que les mots s’entrechoquent, que la phrase ne soit pas en salle de réanimation, que l’article suspende le temps, durant juste quelques minutes. C’est trop demander, j’en conviens, nous sommes à l’ère du formatage en cascade et des réciteurs subventionnés. Longtemps dans nos journaux, il y eut des feuilletonistes qui piquaient notre curiosité à vif, ils nous prenaient à rebours et nous aimions ça ».

Thomas Morales, grand lecteur de Vialatte, de Bernard Frank, de Jules Renard, s’est retiré le temps du confinement dans sa campagne berrichonne. Il s’est mis au vert, le temps d’écrire ce petit livre intempestif, au style affûté comme celui de Serge Blanco, que l’on surnommait le Pelé du rugby quand il portait le numéro 15 de l’équipe de France de Rugby. Et comme l’ancien joueur du Biarritz Olympique, il possède l’art de l’évidement, du contre-pied, l’art de s’intercaler, de prendre de la vitesse et de laisser ses adversaires perdre pied, devant sa vélocité lyrique.

Le Labérynthe, Mireille Huchon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Labérynthe, Mireille Huchon, éd. Droz, décembre 2019, 300 pages, 22,80 €

Le petit milieu des spécialistes universitaires du XVIe siècle abrite la même proportion de génies, de crapules, de bons, de brutes, de justiciers, de traîtres et de saints que n’importe quelle autre communauté professionnelle. Il se livre aux mêmes activités que tous les universitaires du monde : enseigner (ou essayer de le faire), publier, organiser des colloques, chercher des financements, se chamailler par revues interposées. C’est également un milieu savant où (à l’instar des études grecques, par exemple), le temps des grandes découvertes est passé. La probabilité de découvrir un roman inconnu de Rabelais ou des essais inédits de Montaigne est virtuellement nulle. Exhumer ne serait-ce qu’un quatrain de Ronsard qui eût échappé aux investigations antérieures relève déjà de l’exploit.

Auteur de la remarquable édition de Rabelais dans La Bibliothèque de la Pléiade, Mireille Huchon a, voici quelques années, brisé un tabou – au sens anthropologique du mot – en affirmant que Louise Labé n’a pas existé (Louise Labé, Une créature de papier, Droz, 2006) ou, en tout cas, que si une nommée Louise Labé, qu’elle eût ou non été prostituée de luxe, a réellement parcouru les rues du vieux Lyon, elle n’est pas l’auteur du très mince recueil (662 vers) paru sous son nom en 1555.

Activer les possibles, Isabelle Stengers (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 08 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Activer les possibles, Isabelle Stengers, Esperluète, Coll. Orbe, 2018, 144 pages, 12 €

 

Singulier singulière. Étonnement. Blanc.

Souffle. Sève. Deuil. Plaisir. Contrainte.

Résister. Retournement. Traduction.

Nommer. Tissu. Secret. Aspérité.

Perception. Fiction. Intriquer. Effet.

Ces mots, ce sont ceux que Frédérique Dolphijn a choisi de proposer à Isabelle Stengers pour Activer les possibles, un entretien paru aux éditions Esperluète dans la Collection Orbe, qu’elle dirige avec Anne Leloup et qui présente des rencontres dialoguées entre un écrivain, un artiste… et elle-même. L’objet de ces entrevues est le rapport de ces artisans à lecture et à l’écriture : ce que ces activités engagent, requièrent, accomplissent en, pour et par eux. Le modus operandi est le suivant : les mots retenus par Frédérique Dolphijn jouent le rôle de déclencheurs. L’invité les pioche à l’aveugle l’un après l’autre, et le propos se tisse au gré de leur succession hasardeuse.

De l’Angleterre et des Anglais, Graham Swift (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 07 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Récits, Folio (Gallimard)

De l’Angleterre et des Anglais, juillet 2020, trad. anglais, Marie-Odile Fortier-Masek, 368 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans ce recueil de 25 nouvelles très courtes, Graham Swift fixe avec un œil d’une précision extrême le destin d’autant de personnages, qui, sans son habileté d’écrivain, sa sensibilité et son regard teinté d’une ironie souvent bienveillante, n’auraient eu que peu de chances de retenir notre attention. Tous ou presque sont issus de la middle-class britannique, anglais de pure souche ou représentants de ce que l’Empire a colonisé pendant plusieurs siècles aux quatre coins du globe et vivent éparpillés sur une grande partie du territoire britannique, tous sont décrits à un moment de leur histoire personnelle où ils se trouvent en grande vulnérabilité tant sur le plan psychologique, qu’affectif, voire matériel.

Lire ce recueil de nouvelles revient à comprendre comment passionner son lecteur lorsque les héros sont d’une banalité affligeante, qu’ils se complaisent dans une forme de désespoir tranquille, glissent de l’ennui vers une résignation emplie de souvenirs à ressasser, essaient de comprendre quand et pourquoi ils en sont arrivés à leur état actuel avant l’inéluctable pirouette vers le néant.