Identification

Essais

Anatomie de l’horreur, Stephen King (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 03 Février 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Fantastique, Albin Michel

Anatomie de l’horreur, 2018, trad. anglais (USA) Jean-Daniel Brèque, 620 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Stephen King Edition: Albin Michel

 

Adulé par le public, mais longtemps boudé par les critiques qui écrivent dans les suppléments littéraires des quotidiens, Stephen King a consacré sa carrière à un sous-genre considéré (à tort) comme mineur, voire infréquentable : le roman d’horreur. Il s’intéressa également au cinéma, à la fois comme spectateur de films et lorsque le 7ème art vint frapper à la porte de son bureau pour transposer ses livres (King semble un des rares écrivains satisfaits des adaptations cinématographiques de leurs œuvres. Il est vrai que John Carpenter, Brian De Palma et surtout Stanley Kubrick ne sont pas les premiers venus).

Anatomie de l’horreur fournit une occasion privilégiée d’ouvrir la porte de ce bureau et d’y jeter un long regard. King y présente le bilan d’une vie de lecture et d’écriture, à travers les œuvres qui l’ont marqué et non sans insister sur les différences radicales entre la littérature et le cinéma (les œuvres les plus « littéraires » étant les moins « cinématographiques », comme l’ont montré les échecs répétés – quand on a seulement tenté l’entreprise – des adaptations de Cervantès, Proust, Borges ou Joyce).

Le trésor des humbles de Maurice Maeterlinck : une poésie de l’occulte. (par Sophie Galabru)

Ecrit par Sophie Galabru , le Lundi, 27 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Grasset

Le trésor des humbles, Maurice Maeterlinck Edition: Grasset

 

Prix Nobel de littérature 1911, Maeterlinck est notamment l’auteur du Trésor des humbles où il se fait poète de l’occulte. Paru en 1896, l’année de la mort de Verlaine, la prose poétique de Maeterlinck est encore d’un langage symboliste, tout en s’en dégageant déjà. Témoin des énigmes, Maeterlinck lie l’infini et le fini, la mort et le sens, les évènements et leur vérité, notre ignorance et le secret de nos lignes de vie. Poète d’un monde invisible, cet écrivain belge écrit avec une conviction spirituelle : « Nous vivons à côté de notre véritable vie et nous sentons que nos pensées les plus intimes et les plus profondes ne nous regardent pas, que nous sommes autre chose que nos pensées et nos rêves » (p. 47). Nous ne pouvons donc pas comprendre Maeterlinck si nous n'acceptons pas l'idée selon laquelle « c’est par distraction que nous vivons nous mêmes » (ibid). Certain que de nous détenons plus de vérités que nous l’imaginons, l'auteur s’essaye à décrypter la vie souterraine et aérienne de nos âmes ; celle que l'on vit en toute absence à soi.

Un coup de dés, Claude Minière (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 24 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tinbad

Un coup de dés, novembre 2019, 51 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Claude Minière Edition: Tinbad

 

« Pourquoi écrit-il sous le manteau ? Parce qu’il craint que ses pensées lui échappent. Pensée échappée, je la voulais écrire : j’écris au lieu qu’elle m’est échappée. Quand il écrit, sa pensée ne lui échappe pas ».

« Quiconque n’ayant plus que huit jours à vivre ne jugerait pas que le parti de croire que tout cela n’est pas un coup de hasard, aurait entièrement perdu l’esprit. Or si les passions ne nous tenaient point, huit jours et cent ans sont une même chose », Pensées, Blaise Pascal (1).

Pour saisir la force qui se dégage d’un livre, son pouvoir de séduction, il convient parfois de reprendre à son compte ses premières phrases. « Celui qui écrit pose la main sur un grand son. Cette simple feuille de papier est déjà traversée de roulements sonores, de batailles passées et d’appels insoupçonnés », c’est ainsi qu’un Un coup de dès s’ouvre à nous. Comme pour un opéra, ou un standard de jazz, les premières mesures dévoilent les lignes et les couleurs qui vont ensuite se développer, s’épanouir.

Sartre (1905-1980), Annie Cohen-Solal (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 24 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Sartre (1905-1980), Annie Cohen-Solal, Folio avril 2019, nouvelle édition augmentée d’une préface de l’auteure [première parution en 1985], 992 pages + 24 p. hors texte, 56 ill., 14,20 €

 

Bienheureux Flaubert ! La grande œuvre de Jean-Paul Sartre restera L’idiot de la famille, en trois volumes (Gallimard, collection Tel, 1983). Mais Les Mots, ce n’est pas mal non plus. Quelques mois après la publication de ce récit autobiographique, en octobre de l’année 1964, prix Nobel. Pour « l’œuvre » de Sartre « qui, par l’esprit de liberté et la recherche de la vérité dont elle témoigne, a exercé une vaste influence sur notre époque », suivant les termes de l’annonce. Sartre est content ? Pensez-vous. « Coup double pour Jean-Paul Sartre, titre L’Aurore. 1) Il a le Nobel 2) Il le refuse ». Si ce refus est une grande première, pour ce qui est de l’Académie Nobel, l’on ne peut pas dire que Sartre ne soit pas coutumier du non (sans pour autant atteindre, dans ce domaine, la dextérité laconique et inébranlable qu’atteindra Michaux) : refus de la Légion d’honneur après la guerre, refus d’une chaire au Collège de France dans les années 50… Mais est-ce vraiment un coup double ? L’Aurore a tort. Sartre n’a pas recherché cette publicité (la plus grande, la plus « royale » qui puisse être). Il n’en voulait pas : ayant appris, par un article du Figaro littéraire, que le jury Nobel s’apprêtait à le couronner, Sartre « prit sa plus belle plume pour annoncer aux Suédois son intention irréversible de refuser le prix et les prier de renoncer à cette décision, de ne pas la rendre publique », écrit Annie Cohen-Solal.

Le Guérisseur des Lumières, Frédéric Gros (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 21 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Le Guérisseur des Lumières, août 2019, 172 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Frédéric Gros Edition: Albin Michel

 

Le nom de Franz Anton Mesmer n’est pas tout à fait oublié. Il survit dans les limbes de la culture générale. Les anglicistes savent que le verbe to mesmerize (avec ses dérivés) est un synonyme de to hyponotize. En français, l’importation lexicale n’a jamais pris (le malsonnant mesmériser est un anglicisme à l’état pur). Cette simple différence linguistique est à elle seule représentative de la postérité du docteur Mesmer, à qui l’Angleterre fit un bel accueil (Paris ne l’avait pas ignoré, loin de là, mais ce fut une mode qui dura ce que durent les modes).

Avec bonheur, Frédéric Gros redonne vie à un genre littéraire qu’on pouvait à bon droit croire périmé : le roman épistolaire. Son Guérisseur des Lumières se présente sous la forme de dix lettres, plus ou moins longues, adressées entre janvier et mars 1815 par Mesmer à un correspondant et confident. Le médecin avait alors 81 ans – un fort bel âge à son époque et, à toutes les époques, un âge où il est temps de mettre en ordre ses affaires et ses souvenirs. Ces dix lettres sont l’occasion de revenir sur ce qui fut la grande affaire de sa vie : la théorie du magnétisme.