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Essais

Bâiller devant Dieu, Journal, 1999-2010, Iñaki Uriarte (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 17 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Séguier

Bâiller devant Dieu, Journal, 1999-2010, Iñaki Uriarte, octobre 2019, préface Frédéric Schiffter, trad. espagnol Carlos Pardo, 292 pages, 21 € Edition: Séguier

 

« L’autre soir, au dîner, j’ai semé le trouble. En affirmant que la grossièreté et l’incompétence de nombre de journalistes des pages culture ne seraient jamais admises au sein de la rubrique sportive du journal. Personne ne peut faire un papier sur un match de football sans y avoir assisté. Il serait immédiatement démasqué ».

Bâiller devant Dieu est le journal grinçant et amusé d’un moraliste qui ne prend rien très au sérieux, sauf Borges, son chat, et les plages de Benidorm. Iñaki Uriarte est un expert en étude de lui-même, qui sait que pour bien écrire, il faut bien se connaître. Il se fréquente, s’examine, se traque, de sa plage, de son lit ou d’un fauteuil où il sommeille, explore ses réactions et ses humeurs. Il n’est donc pas surprenant qu’il fréquente avec assiduité Montaigne, son maître en introspection : « Toute la gloire, que je prétends de ma vie, c’est de l’avoir vécue tranquille ».

L’État secret, Jacques Follorou (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fayard

L’État secret, Jacques Follorou, 282 pages, 20 € Edition: Fayard

 

 

Dans les démocraties numériques, les citoyens ordinaires renoncent à une part croissante de leur intimité, de leur privauté (le mot ne traduit qu’imparfaitement l’anglais privacy, « l’arrière-boutique » de Montaigne), à travers les « réseaux sociaux », qui réalisent le vieux rêve de Bentham (à moins qu’il ne s’agisse d’un cauchemar), le panopticon, la prison de verre où l’on peut tout savoir de tout le monde à chaque instant. Il faut préciser que ce renoncement à la vie privée est volontaire. Il ne résulte pas d’un espionnage généralisé et coercitif, exercé par l’État (comme chez Orwell), même si – dans la pratique – le résultat est identique. Que deviennent toutes les données que nous déversons librement sur la Toile ? La question est régulièrement posée. On devine qu’elles ne sont pas perdues pour tout le monde.

Bleuets, Maggie Nelson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Vendredi, 10 Janvier 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Biographie, Editions du Sous-Sol

Bleuets, Maggie Nelson, Editions du Sous-sol, août 2019, trad. anglais (USA) Céline Leroy, 112 pages, 14,50 € Edition: Editions du Sous-Sol

 

Du bleu au cœur

Etes-vous déjà tombé amoureux d’une couleur ? Maggie Nelson, oui, et c’est le sujet de Bleuets, bref et dense ouvrage traduit et publié par les Editions du sous-sol, dix ans après sa parution aux Etats-Unis, en 2009. Mêlant essai et autobiographie, il raconte l’histoire d’une passion, d’une fascination, d’un envoûtement même, qui a suscité l’« illusion choisie » que chaque objet bleu serait un « buisson ardent » ou un « code secret » à décrypter. L’auteure, après avoir mené tous azimuts une quête des bleus, se propose d’expliquer ce que cette couleur signifie et représente pour elle, à côté de ses significations et connotations admises. Son livre prend la forme de 240 fragments, de longueur irrégulière, au contenu hétéroclite mais reliés par un fil céruléen parfois ténu, parfois lâche, mais jamais coupé. Les épisodes autobiographiques, qu’ils concernent ou non la déliquescence d’un amour qui, pour être né avec la cueillette de bleuets, n’a rien d’un conte bleu, nous ont semblé d’un intérêt inégal – peut-être parce que, ne connaissant pas Maggie Nelson, nous n’entretenons pas – ou pas encore – avec elle cette intime et ancienne familiarité qui nous lie aux écrivains aimés, et qui rend curieux de leur vie aussi bien que de leur personne.

Bernard Noël, François Lunven (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 17 Décembre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Bernard Noël, François Lunven novembre 2019, 88 pages, 19 € Edition: Fata Morgana

 

Bernard Noël : portrait d’un artiste maudit et saint.

Poussé par son amitié et la fascination qu’il éprouvait à son égard, mais pas seulement, Bernard Noël a écrit les plus belles pages sur un artiste « maudit » qui se suicida à 31 ans : François Lunven. Ces textes collationnés et réunis permettent un « turn-over » sur l’homme et l’œuvre aussi habités par Satan Trismégiste que sacrés (mais c’est un peu la même chose).

Avec le poète et un autre graveur (Ramon Alejandro), le trio iconoclaste – comme le rappela ce dernier – redéfinissait la position du diable « dans le livre des Etudes carmélitaines que nous étudiions assidûment en nous esclaffant de rire devant l’autorité bafouée de notre sainte Mère défunte ».

Eloge des fantômes, Portraits, Jean-Michel Olivier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 06 Décembre 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Âge d'Homme

Eloge des fantômes, Portraits, Jean-Michel Olivier, octobre 2019, 200 pages, 22 € Edition: L'Âge d'Homme

 

« Pour un écrivain, Paris est peuplé de fantômes. Des fantômes familiers, silencieux, bienveillants. Nous sommes dans l’ancien hôtel particulier de Beaumarchais, où l’écrivain, musicien, homme d’affaires, mais aussi marchand d’armes et espion, aimait se réfugier quand les fâcheux le harcelaient » (Simone Gallimard).

Eloge des fantômes est un merveilleux livre, habité de fantômes admirés, rendus à la vie par la plume miraculeuse de Jean-Michel Olivier. Des portraits d’écrivains, de penseurs, d’éditeurs, de graveurs que l’auteur a croisés, longuement ou furtivement, et admirés. Des artistes devenus des amis d’un temps passé, des complices en lettres, et en art éphémère, dont il a partagé des instants de complicité, de travail, qu’il décrit comme l’on décrit un miracle, une visite, un éblouissement, mais aussi une profonde tristesse lorsqu’il apprend leur disparition.