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Critiques

L’Ile des esclaves, Marivaux (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 09 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Folio (Gallimard), Théâtre

L’Ile des esclaves, Marivaux, juillet 2020, 128 pages, 2,95 € Edition: Folio (Gallimard)

 

L’Ile des esclaves met en scène la situation suivante : échoués sur une île, quatre protagonistes, deux maîtres et deux valets, sont avertis par Trivelin, le gouverneur de l’île, qu’ils doivent échanger leurs statuts, leurs noms et leurs habits pendant une durée de trois ans. Ainsi, Arlequin et Cléanthis prennent les rôles et les apparences de leurs maîtres, le général athénien Iphicrate (qui signifie « celui qui gouverne par la force » en grec) et l’aristocrate Euphrosine (prénom de l’une des trois Grâces de la mythologie grecque, qui signifie « joie »), ces derniers devenant leurs valets.

On pense aux fêtes romaines des Saturnales, qui se déroulaient en décembre pendant une semaine et pendant lesquelles les barrières sociales disparaissaient, maîtres et esclaves étaient égaux et s’offraient des cadeaux, organisaient des réjouissances. Mais Marivaux va plus loin puisqu’il propose une véritable inversion des rôles : on est au XVIIIe siècle et la révolution française n’est pas loin.

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon, Christophe Chomant Editeur, septembre 2020, 138 pages, 19 €

La mélancolie au long cours

Michel Bourçon, que je suis depuis une petite douzaine de recueils, parmi lesquels Ce peu de soi (éd. La tête à l’envers) reste l’incontournable opus, tient un journal poétique en prose de plus de deux années. Il livre patiemment ses observations, ses états d’âme, ses réflexions, poète climatique, apte à saisir « le ciel dans les moindres » mouvements, poète atmosphérique du cœur et des yeux, prélevant au réel scruté et ressenti, des pépites, en dépit de « l’effondrement du jour », et du passage du temps, lui, privé « de s’envoler ».

Le maître de l’interstice, de l’entre, du vide d’espacement, Pessoa, a dû durablement inspirer à notre ami nivernais une bonne dose de désenchantement et le pousser à un indécidable mouvement d’esprit : on hésite à vivre, on ne sait comment, on ignore tant de choses, « on frémit », c’est tout, enfouissant journée après nuit, ce réel impratique devant lequel on est juste impuissant. Une phénoménologie des instants perçus ou désirés, des départs pressentis, assure à ces textes une vibration existentielle inouïe.

Aux antipodes, Jacques de Loustal (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 08 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, La Table Ronde

Aux antipodes, Jacques de Loustal, septembre 2020, 192 pages, 32 € Edition: La Table Ronde

 

Loustal paysagiste

Jacques de Loustal, né à Neuilly en 1956, a étudié l’architecture, et publié, tous genres confondus, plus de 80 ouvrages. Bédéiste, illustrateur, Loustal nous offre son nouveau livre, Aux antipodes, qui fait l’objet d’une exposition à Bruxelles (chez Huberty & Breyne Gallery, du 5 au 26 sept. 2020). L’album, splendide, que l’on pourrait identifier à un carnet de voyage, est aussi un journal personnel graphique. Dans une mise en page élégante, l’on découvre des paysages mystérieux, des « terrains de jeux » jusqu’aux antipodes. À la façon de Jules Verne, nous effectuons un énigmatique tour du monde, peu peuplé, où la nature vierge domine, à travers plus de 157 tableaux originaux. Loustal cite écrivains et plasticiens qui l’ont inspiré, de Gustave Doré à Philippe Druillet (au parcours éclectique identique au sien), Yvan le Corre, Paul Theroux, etc.

Parlando, Dominique Preschez (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 08 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Z4 éditions

Parlando, mai 2020, 139 pages, 12 € . Ecrivain(s): Dominique Preschez Edition: Z4 éditions

Quand écrire acte une renaissance à la parole (Parlando s’intitule ce numéro 10 de la Collection La diagonale de l’écrivain, dirigée par Philippe Thireau, aux éditions Z4 alias Daniel Ziv, là où Louis-René des Forêts titrait l’un de ses récits liés également au silence retenu du langage, Ostinato…), l’écrivain retranscrit son propre cheminement dans le miroir brisé d’un quotidien qui réajuste ses lignes mot à mot, au cœur d’un chant polyphonique plus proche d’un concerto que d’une symphonie.

« À force d’être toujours vivant », à la suite d’un AVC et d’une mort clinique intervenus en 1992 et 1993, Dominique Preschez nous livre, après la somme mémorielle Le Trille du diable parue chez Tinbad en 2018, un retour aux surfaces ondulatoires du monde extérieur et à ses siphons vertigineux, un retour tenté au pays des hommes, ces « autres » semblables

Retour ? sur le seuil, où accueillir l’étranger

&, ne rompre la chaîne vitale, à ne pas trahir

son prochain…

Français langue morte, suivi de L’Anti-Millet, Richard Millet (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 07 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Français langue morte, suivi de L’Anti-Millet, éditions Les Provinciales, mars 2020, 170 pages, 18 € . Ecrivain(s): Richard Millet

 

« Précarité orthographique, pauvreté lexicale, misère syntaxique, dénuement spirituel… » (Français langue morte).

« Ce n’est pas la langue française qui est ma patrie : ce sont plutôt le silence et la hauteur que j’établis en elle » (Français langue morte).

« Que j’aie été écrivain n’implique pas que je ne le sois plus, de même que la mort médiatique n’empêche pas de vivre dans le plein emploi du silence » (L’Anti-Millet).

Tout bascule en 2012 pour Richard Millet, lors de la publication de Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d’Anders Breivik (1) (Pierre-Guillaume Roux). Le livre suscite une vive polémique dans les colonnes du journal Le Monde, une polémique en forme d’exécution sans procès, avec un écrivain en l’habit de procureur, soutenu par nombre de professionnels de la profession, dont un futur prix Nobel de Littérature. Il est question d’un acte politiquement dangereux, d’une dérive étrange et très inquiétante.