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Critiques

Capital Risque, Manuel Antonio Pereira (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 12 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Capital Risque, Manuel Antonio Pereira, janvier 2020, 100 pages, 15 € Edition: Espaces 34


En 1972, Michel Vinaver, homme d’entreprise et auteur de théâtre publiait Par-dessus bord : le capitalisme et son économie devenaient fable dramatique. En 2019, Manuel Antonio Pereira aborde, longtemps après le krach pétrolier, la crise de 2008, la question de la formation dans les grandes écoles de commerce françaises, HEC, l’ESSEC, de ceux qui « managent » le monde financiarisé. Capital Risque relève d’une certaine façon d’une sociologie contemporaine.

L’auteur d’ailleurs juge nécessaire de donner une bibliographie de ses sources « savantes » en fin d’ouvrage. Ses personnages de jeunes gens avancent comme un échantillonnage d’individus représentatifs d’une donnée sociale. La liste des personnages se présente en 2 ensembles : tout d’abord, un groupe de lycéens entreprenant des études supérieures commerciales (grandes écoles plus ou moins renommées dans la région parisienne ou en Province), ou étudiant la psychologie, ou encore ayant abandonné les études après le bac, et d’autre part un groupe plus informel réunissant des individus n’ayant pas fréquenté le même lycée clermontois, et également des parents.

Absalon ! Absalon !, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 11 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Gallimard

Absalon ! Absalon !, (Absalom ! Absalom !, 1936), trad. américain, René-Noël Raimbault, 432 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Gallimard

On est toujours intimidé quand on projette de parler d’un des plus grands romans de l’histoire littéraire. Comment ne pas l’être tant ce livre est désormais installé – au-delà de la littérature – dans le domaine des mythologies occidentales. Claude Lévi-Strauss nous a appris à l’envi qu’une des caractéristiques fondatrices d’un mythe est sa répétition, la superposition dans la mémoire des peuples et tribus de plusieurs versions de la même histoire, avec, à chaque fois, quelques détails qui changent. C’est le choix narratif de Faulkner dans ce roman. Il reprend encore et encore la même histoire, mais avec des points de vue différents, des changements de narrateurs, des faits « oubliés » ou racontés avec un autre relief. Ce qui est sûr, c’est que les points de changement, les variations narratives, les détails différents, apportent toujours un approfondissement des personnages, une accentuation des flux de conscience qui mène à la construction d’une narration et de personnages vertigineux. William Faulkner tresse ici, jusqu’à l’obsession, les fils de ses obsessions justement. Celles qui fondent son œuvre et qui hantent la littérature du Sud : la chute, la dépravation, le mal. Quentin, le narrateur inaugural, fait ainsi la présentation de Sutpen – on notera que Faulkner adopte alors une langue purement poétique, comme pour nourrir d’emblée son projet de bâtir un mythe, par un chant homérique.

Terra Incognita, Une histoire de l’ignorance, Alain Corbin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 11 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Albin Michel

Terra Incognita, Une histoire de l’ignorance, février 2020, 282 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Alain Corbin Edition: Albin Michel

 

Au VIIe livre de son Histoire naturelle, Pline l’Ancien a formulé le problème en des termes définitifs et qui traverseront les siècles : l’être humain est dépourvu de tous les moyens d’attaque et de défense dont disposent les autres animaux. Il n’a ni griffes, ni rostre, ni carapace, ni même les tentacules urticants de la plus modeste des méduses (qui n’ont pourtant ni cerveau, ni cœur). Il ne possède pas non plus de véritable instinct, de sorte que chaque génération doit laborieusement tout réapprendre. De là le langage, d’abord oral, ensuite écrit, seul moyen de transmettre l’expérience de nos prédécesseurs. Et ce qui vaut pour l’individu vaut pour le genre humain en entier. Au début étaient l’ignorance et donc la peur, semblables à un océan qui recouvrait tout. Puis, petit à petit, des îlots émergèrent, qui devinrent des îles, parfois reliées entre elles par des isthmes. L’espèce humaine avait appris et elle se souvenait. Elle ne sait pas encore tout (serait-ce seulement possible ?), mais – à condition qu’elle ait la sagesse de les conserver – elle dispose des trésors de savoir accumulés au long des siècles dans les bibliothèques.

Le Travail du monde, Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 11 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Le Travail du monde, éditions L’herbe qui tremble, octobre 2020, 132 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour

 

Le « Travail du Monde » : celui que font les Hommes ; celui qui fait de ses ouvriers, des Hommes… Dans Le mémo d’Amiens, publié aux éditions Henry en 2014, J.-L. Rambour offrait le « Poème-photo » contemporain des gens ordinaires de la Picardie, plus précisément de la ville d’Amiens, observés en leur réalité quotidienne dans leurs faits et gestes. Ici, dans Le Travail du monde, J.-L. Rambour nous offre de lire et entrevoir en « 100 poèmes-diapos » la lutte laborieuse des prolétaires, après les Trente-Glorieuses, en prise avec les effets dévastateurs du progrès industriel sur leurs conditions de travail.

 

Autour du tracteur Mac Cormick, ils sont encore

à regarder sereins le travail s’accomplir.

Mais il leur faut des années pour comprendre

qu’ils ont trop chanté l’arrivée de ces engins :

Paul-pris-dans-l’écriture, Barbara Polla (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 11 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Paul-pris-dans-l’écriture, Barbara Polla, éd. Le Bord de L’eau, Coll. La Muette, octobre 2020, 128 pages, 20 €

 

Paul Ardenne revisité par Barbara Polla

Dans un essai brillant sur Paul Ardenne, enrichi de textes inédits du sujet de sa quête, Barbara Polla n’emprisonne pas celui-ci mais le saisit en tous ses angles pour tenir compte des ombres portées et libérer les formes de l’œuvre qui demeurent encore inconnues du public.

Elle refabrique au fil du temps de la vie du créateur et de la gestation de ses œuvres un théâtre « optique » qui brouille la trivialité de leur quotidien pour en soutirer du sens comme dans un vivier et une ménagerie de verre.

Cet enchaînement des textes critiques aux documents inédits créent un volume qui s’avère être représentatif de la méthode de Barbara Polla. C’est toujours pour elle une tentative de dépasser la réalité pour la construire autrement. Elle double donc l’œuvre d’Ardenne en inventant ses propres règles.