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Critiques

Une douleur blanche, Jean-Luc Marty (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 20 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Julliard

Une douleur blanche, octobre 2020, 174 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Marty Edition: Julliard

 

« Une fois, le bateau avait quitté le port pour la mer d’Irlande sous la neige. L’imaginaire de mes neuf ans avait consigné la disparition de mon père à cette marée-là. Plus tard, j’avais appris qu’au jour du naufrage, au large d’Ouessant où son chalutier avait disparu avec cinq marins à son bord, le temps était au beau fixe. J’avais aussi appris l’expression “faire son trou dans l’eau”, qui signifie mourir en mer ».

Une douleur blanche est le roman du retour, retour vers le pays de l’enfance : un port de pêche qui dérive vers la mort qui gangrène ses navires et ses quais, retour vers une mère qui s’y prépare, et les souvenirs d’un père disparu au large. Le narrateur revient en ses terres, loin de celles qui l’ont accueilli, à dix mille kilomètres de chez lui : le Brésil, qui s’infiltre dans le roman, en éclats romanesques et fraternels – « C’est une côte qui parle ma langue… Une langue morte qui renaît par surprise, au passage du fleuve à l’océan ». Une douleur blanche est aussi le roman d’une étrange rencontre sur le bord d’une route, une inconnue, sauvage, inquiétante, insaisissable, un astre étourdissant qui collectionne les bois flottés, abandonnés aux flots et au sable, aux étranges réparties : « Tu n’es pas là, dit-elle. – Comment le sais-tu ? – Parce que je ne suis pas sûre d’aimer où tu es ».

Le club des longues moustaches, Michel Bulteau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Anthologie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Le club des longues moustaches, Michel Bulteau, 208 pages, 7,30 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

On a pu oublier certains auteurs de la fin du XIXe, début du XXe, parce que de grandes pointures, comme Proust, Gide, ont certes fait de l’ombre à des écrivains talentueux, que la renommée a moins choyés.

Bulteau, amoureux de cette littérature-là, issue de poètes et de romanciers arborant de belles bacchantes, fous de l’Italie, d’une certaine manière de vivre dans de beaux hôtels, et par là-même un peu en marge des autres auteurs, en profite pour nous donner un essai qui réactualise ces moments de littérature, sauve de l’oubli nombre d’auteurs qui le méritent, et que même un Petit Robert des noms propres ne cite plus, nous plonge dans une atmosphère de la Belle Epoque et au-delà.

Si le Petit Robert aligne encore des notices relatives à Emile Henriot, Edmond Jaloux ou Henri de Régnier, Abel Bonnard, Francis de Miomandre, Jean-Louis Vaudoyer ont disparu corps et biens. C’étaient des amis, des italophiles, italianistes dans l’âme, qui ont écumé Venise, Rome, ont évoqué à grand renfort de livres de souvenirs (Esquisses… Promenades italiennes… Rome… Stendhaliana, etc.) les splendeurs intimes, cachées ou célèbres de la péninsule.

Iphigénie Agamemnon Electre, Tiago Rodrigues (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 19 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Iphigénie Agamemnon Electre, Tiago Rodrigues, octobre 2020, trad. portugais, Thomas Resendes, 160 pages, 15 € Edition: Les solitaires intempestifs


Dans le travail de Tiago Rodrigues, la part faite aux « grands textes fondateurs » du théâtre occidental est importante de Shakespeare aux auteurs tragiques grecs, ici, Euripide pour Iphigénie, Eschyle pour Agamemnon et Sophocle pour Electre. Il reprend le modèle du cycle (les Atrides) et de la trilogie, et revendique clairement une démarche de réécriture dans son avant-propos. Les trois pièces par ailleurs ont été créées sur scène au Portugal selon une programmation successive du 11 septembre 2015 pour la première, le 12 septembre pour la deuxième et le 13 septembre pour la dernière, au Teatro Nacional D. Maria II, à Lisbonne, que dirige désormais l’auteur.

L’année du Singe, Patti Smith (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 19 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Récits, Gallimard

L’année du Singe, octobre 2020, trad. anglais (USA) Nicolas Richard, 180 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patti Smith Edition: Gallimard

 

L’étreinte de la mémoire : Patti Smith

Patti Smith poursuit l’inscription de ses traversées. Elle franchit le temps sans défaillance, restaurant au besoin l’orée du réel par des épigraphes ensevelis là où le mot se déclare non définitif mais inscrit néanmoins ses sommations.

A chaque passage, ses blessures, ses murmures, ses étreintes. La créatrice coud au temps de l’année du Singe des charnelles, mais aussi mystiques intrusions en ce geste d’écrire où les mots qui scellent les défaites du monde et quelques victoires personnelles.

Ici, au reliquaire de dissonances en dissidences, en disparitions, fatale introspection que ses précédents livres incisaient, fait place une révélation plus profonde, et un élancement tourbillonne entre les rêves qui demeurent même s’il faut toujours se réveiller ensuite, comme le rappelle la dernière page du livre.

Les Lumières de Tel-Aviv, Alexandra Schwartzbrod (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 18 Novembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Rivages/noir, Israël

Les Lumières de Tel-Aviv, Alexandra Schwartzbrod, mars 2020, 288 pages, 20 € Edition: Rivages/noir

Le livre d’Alexandra Schwartzbrod est un thriller d’anticipation qui se passe à une période relativement proche de la nôtre.

Les ultrareligieux ont chassé les laïcs et les arabes de Jérusalem, en conservant toutes leurs richesses, pour se retrouver entre eux et consacrer leur temps à la prière. Ils ont fait construire un mur qui les sépare de Tel-Aviv où se retrouvent tous les impurs. Les réfugiés doivent cultiver la terre comme au temps des kibboutzim pour survire. Palestiniens et juifs laïcs vivent en bonne entente et s’entraident pour croître et multiplier.

Cependant alors que côté Jérusalem, appelé le Grand Israël, on ne semble manquer de rien, on regarde Tel-Aviv comme un lieu de péché et de débauche où les femmes vivent quasi nues et s’offrent au premier venu. Le mur ne semble donc plus être suffisant pour se protéger des impies qui pourraient être tentés par les richesses de Jérusalem (surtout qu’il permet, par ailleurs, de se garder des femmes impures qui pourraient devenir une tentation). Jérusalem qui s’est alliée aux Russes veut donc faire garder son mur par des robots tueurs. Ce qui permettrait à la ville de se préserver de l’ennemi tout en permettant aux croyants de rester fidèles à leurs lois religieuses.