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Critiques

L’amour égorgé, Patrice Trigano (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Editions Maurice Nadeau

L’amour égorgé, septembre 2020, 236 pages, 18 € . Ecrivain(s): Patrice Trigano Edition: Editions Maurice Nadeau

Certaines vies sont des romans qu’aucun écrivain n’aurait pu inventer, ou n’aurait osé mettre en œuvre. Patrice Trigano s’est intéressé à celle, passionnante, passionnée, sombre en de multiples parts, lumineuses par nombre d’autres, de René Crevel.

Qu’on ne sache rien de René Crevel, qu’on n’ait jamais rien lu de lui n’est pas rédhibitoire : on se le campera en ce récit tel un personnage romanesque attachant au destin singulier.

Qu’on connaisse un tant soit peu le mouvement dada, le surréalisme, et les principaux protagonistes de cette période extraordinairement turbulente de créativité littéraire sera néanmoins un plus. Il est toujours fascinant de voir s’animer et évoluer dans une atmosphère de fiction des célébrités telles que Breton, Aragon, Eluard, Gala, Dali, Cocteau, Gide, Nancy Cunard, Tzara, Giacometti, Eugene McCown, Duchamp, Jouhandeau, Man Ray, Zweig et tant d’autres.

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Christian Bourgois, Hermann

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun, 2018, 256 pages, 25 € Edition: Hermann

Maurice-Ruben Hayoun est professeur de philosophie, mais son livre sur Joseph n’illustre pas cette spécialité universitaire. Il s’agit d’un ouvrage au carrefour de l’exégèse et de ces études de littérature comparée qui examinent la survie (Nachleben) d’un personnage ou d’un mythe à travers les siècles. Louise Vinge et Raymond Trousson ont ainsi publié des sommes érudites sur Narcisse et Prométhée. La vie de Joseph est racontée dans Genèse/Berechit 37 à 50 et le livre se clôt avec sa mort, de même que le Deutéronome/Devarim s’achève à la mort de Moïse.

M.-R. Hayoun part, avec raison, d’un constat qui est souvent négligé : les textes de la Bible sont de grands textes au point de vue « littéraire », par leur sens de la narration et de la construction, indépendamment du fait qu’on y accorde foi ou non. Joseph a vécu l’essentiel de son existence ailleurs que sur la terre de ses pères, en Égypte, la grande puissance de la région, les États-Unis de l’époque, mentionnée à mille cinq cents reprises dans la Bible, une civilisation brillante, monumentale et hantée par la mort, une civilisation à côté de laquelle les Hébreux paraissaient à tous points de vue insignifiants.

Comme une ombre portée, Hélène Veyssier (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 18 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arléa

Comme une ombre portée, Hélène Veyssier, août 2020, 129 pages, 17 € Edition: Arléa

 

Une musique, une peinture, une sculpture. Une photographie. La pièce majeure qui suit une existence, la décrit, l’habite. Ou la fait vaciller. Comme si chacun d’entre nous avait un objet qui le bouleverse, un ou plusieurs, qui le traduit.

Ce livre, c’est un couloir d’entrée. Et une peinture. C’est une phrase qui centre et fait basculer toutes les autres. À haute voix et dans le silence. Oui lire à haute voix le silence du livre. La force des images perdues qu’il génère. La réparation qu’il induit. Les formes abominables que les blessures prennent lorsqu’elles cicatrisent.

Elles cicatrisent. 1958, 1981, 1989. Trois seuils. Trois cycles.

J’aurais pu m’arrêter là. Regretter un manque d’épaisseur. J’avais lu vite. En quelques heures j’avais traversé les murs sans l’excitation de la pièce qui suit. L’après.

Je n’avais pris aucune note. J’avais recopié une seule phrase.

Ozu, Marc Pautrel (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Arléa

Ozu, juin 2020, 168 pages, 9 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Arléa

 

A une certaine époque, bien avant la redécouverte de Yasujirô Ozu, vers les années 1978-1979, l’on connaissait très peu de films du grand cinéaste japonais, à peine six films dont Claude-Jean Philippe avait donné une bien belle lecture dans les Dossiers du Cinéma, parus en 1970 chez Casterman.

Le romancier Pautrel, par ce bref roman, donne l’occasion à un jeune public et aux fans de toujours, de revenir sur un parcours étonnant. Contrairement à ses deux pairs, Kurosawa, et Mizoguchi, de nombreuses fois primés lors des festivals européens, et ce dès 1950, à Venise surtout, Ozu avait connu un plus long purgatoire. Il fallut attendre quinze ans au-delà de sa mort en décembre 1963 pour qu’on parle enfin de cette œuvre née dans le muet, et qui trouva sa plus haute période artistique de 1949 à 1963.

Dis-moi la vérité sur l’amour, Roland Jaccard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 17 Septembre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Dis-moi la vérité sur l’amour, Editions de l’Aire, mars 2020, 90 pages, 12 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard

 

« Auden est mort à Vienne en 1973, une ville idéale pour mourir. J’y suis d’ailleurs mort plusieurs fois. Auden voulait savoir la vérité sur l’amour. Il pensait, tout en présumant qu’il avait tort, que l’amour dure toujours. Ce ne fut pas le cas » (Wystan Hugh Auden, Dis-moi la vérité sur l’amour).

Roland Jaccard met de l’ordre dans sa bibliothèque. Il note quelques brèves remarques éclairantes sur des livres anciens ou récents, qui le troublent, le renvoient à sa vie, à ses souvenirs doux et amers, à ses incertitudes, ses échecs, à ses amours perdus, une rupture entraîne le besoin de revenir sur soi-même, écrit-il, en ouverture de cette confession amoureuse.

Roland Jaccard est un oisif qui écrit de très courts romans, vifs, élancés, nostalgiques, tragiques, amoureux, des courts romans, comme l’on dit des courts métrages, qui flambent comme flambent les aphorismes de son ami Cioran, le journal d’Amiel, ou les pensées acides de Schopenhauer.