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Critiques

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Fata Morgana

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin, juillet 2020, dessins Alexandre Hollan (80 pages/15 €, et 64 pages/14 €) Edition: Fata Morgana

 

En mémoire du passé

L’écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment la vie tue au nom du passé – entre autres, de la Shoah. Il s’agit alors d’avancer avec « à la bouche ce goût de solitude /et sur l’épaule un pâle chandail de cendres ». Existe ainsi dans l’œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne : « Visage sous le masque – tombe de calcaire où vient battre la lumière criblée //L’amour impur te cherche dans les ruines », preuve que la poésie ne se tient pas hors du « claptrap » (James McNeil Whistler), et refuse l’art pour l’art. Le goût de la ruine n’est là que pour souligner les émotions et devient en quelque sorte le stimulant de la vie.

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Grasset, Jeunesse

Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee, Grasset Jeunesse, août 2020, trad. anglais, Christian Demilly, 48 pages, 15,50 € Edition: Grasset

Grand Soleil

Lim Heng Swee, originaire de Kuala Lumpur en Malaisie, est un auteur illustrateur qui a commencé par créer des paysages minimalistes où la courbe domine. S’inspirant des estampes japonaises, reprenant librement La grande vague de Kanagawa d’Hokusai, il a figuré également dans ses perspectives des chats blancs – des maneki-neko (chats porte-bonheur) – se fondant, se révélant ou se dissolvant au sommet de la houle de l’océan et des montagnes enneigées. Dans ce tout récent album, Apolline et la vallée de l’espoir, Lim Heng Swee campe l’histoire d’une petite fille solitaire habitant au fond d’une vallée, Apolline, au prénom de la martyre chrétienne d’Alexandrie, morte en 249. Une menace terrible vient assombrir l’univers pacifique de la petite semeuse et planteuse de tournesols. Ainsi, les très jeunes lecteurs vont apprendre que la particularité du tournesol, appelé Hélianthe ou Grand Soleil, plante annuelle, se trouve dans le fait qu’il se tourne le long de la journée vers le soleil, d’où son héliotropisme. Dans le langage des fleurs, en Chine, le tournesol est une nourriture d’immortalité. Le jus de sa tige apporte la sagesse.

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé, éditions Lieux-Dits, Coll. Les Cahiers du Loup bleu, juillet 2020, 32 pages, 7 €

Dans un double mouvement, ce livre se déploie entre vie et mort, entre mal qui ronge le corps et souffrance terrible imposée brutalement à l’autre. Rose a été tuée, à 97 ans, par un terroriste dans la synagogue de Pittsburgh avec dix autres personnes, pour le seul « motif » d’être née juive : l’horreur radicale, qui remémore tous ces actes nazis et autres !

Étrange, premier volet d’une douzaine de poèmes, incise l’appréhension de la vie, de la douleur, du corps souffrant, dans le double sens du terme : prendre en compte et craindre. Le poème soulage-t-il de la dire cette douleur ressentie au plus nu ? En septains jouant de l’anaphore « étrange vie », le poète dissèque sa « douleur », « mienne » jusqu’au plus dur et incisif du mot : avec l’effort qu’il faut pour baliser la souffrance pour mieux la maîtriser, avec le « ricanement » perçu au plus profond, avec ce lot de déplaisantes manifestations du corps souffrant (vomissement, plainte, « vie maladive », ah ! cette « sœur d’abîme », sublime image d’un soi blessé au cœur de ce corps). Dans une description sans complaisance, le poète se met à la place de tout souffrant, quel qu’il soit, dont il éprouve jusqu’à l’os le malaise de vivre et la lueur qui, quoi qu’on ressente, subsiste, en dépit de tout.

Le Dormeur, Didier Da Silva (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 01 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Le Dormeur, Didier Da Silva, Marest Editeur, octobre 2020, 128 pages, 14 €

 

La réalité est parfois déroutante. C’est l’été 1974 et ils sont nombreux à se précipiter au cinéma pour aller voir Emmanuelle. Dans les salons, on discute de L’Archipel du goulag de Soljenitsyne. Valéry Giscard d’Estaing prononce son fameux « Vous n’avez pas le monopole du cœur » et remporte l’élection présidentielle. 1974 est aussi l’année de naissance du narrateur, David Da Silva lui-même. C’est également au cours de cette année qu’a été tourné un film, baptisé Le Dormeur, réalisé par un certain Pascal Aubier que Didier Da Silva découvrira quelques années plus tard. Il subira alors un choc esthétique. Il décidera d’en tirer un livre.

Le Dormeur est une adaptation du poème de Rimbaud, Le Dormeur du val, et qui consiste en un long travelling d’un peu plus de neuf minutes dans une forêt. On aperçoit un homme étendu que l’on croit vivant, mais qui ne l’est pas. Après avoir vu ces images, David Da Silva part à la recherche du réalisateur. Ce ne sera pas le début d’une longue traque car il le retrouve facilement. Les deux hommes sympathisent, Pascal Aubier se met à raconter sa vie, les gens avec lesquels il a travaillé. Tout le gratin du cinéma français d’une certaine époque y passe.

Ce virus qui rend fou, Bernard-Henri Lévy (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 01 Octobre 2020. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

Ce virus qui rend fou, Bernard-Henri Lévy, juin 2020, 112 pages, 8 € Edition: Grasset

 

On sait BHL excité dans le sujet qu’il défend, la plupart du temps avec brio, et c’est encore le cas avec Ce virus qui rend fou. Avec ce titre a priori facile, cela annonce le « tout cuit », ce qui n’est pourtant pas le cas.

N’y voyez pas un ouvrage de vulgarisation ou force conseils pratiques. Il s’agit, à mon sens, d’un ouvrage très philosophique, voire parfois assez politique à défendre « l’esprit de la République » au sens étymologique du terme : « …Et j’ai toujours pensé que l’on ne rend service à personne quand on réduit la politique à la clinique, qu’on débite en maladies ce reste de l’homme que sont la mort et le mal et que l’on prétend, de ces maladies, guérir le genre humain ».

BHL fait la part belle à ses nombreuses références, et il faut avoir une sérieuse formation intellectuelle pour le suivre dans ses citations diverses, même si elles ne paraissent pas toujours utiles dans le sens explicatif de son sujet maîtrisé simplement et accessible au commun des mortels.