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Biographie

Baudelaire et Jeanne, L’amour fou, Brigitte Kernel (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 10 Juin 2021. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Baudelaire et Jeanne, L’amour fou, Editions Écriture, mars 2021, 296 pages, 21 euros . Ecrivain(s): Brigitte Kernel

 

Mois après mois, Brigitte Kernel nous donne un compte rendu vivant et minitieux, fictionnel et documenté de l’évolution des relations amoureuses de Charles Baudelaire et de sa maîtresse Jeanne Duval, la « mûlatresse » native de La Réunion, de Saint-Domingue ou de Saint-Barthélémy – on ne sait – et comédienne sans beaucoup de succès, mais femme libre et à forte personnalité, sans doute un peu plus âgée que le poète. Ce qui caractérise la relation étonnante qui unit Charles à Jeanne, c’est la dépendance sexuelle et affective : toujours Charles sera « en manque » de Jeanne Duval, malgré les critiques récurrentes de son entourage – sa mère d’abord, Caroline Aupick, qui jamais n’acceptera l’union déclassante de son fils avec cette catin, prostituée bisexuelle, à peau noire et sans morale, et ses amis, tels Nadar ou Manet qui ne l’aiment pas. Ruptures et périodes de vie commune ne cessent d’alterner au cours des 25 années que durera leur liaison, jusqu’à la mort de Baudelaire, aphasique et paralysé, en août 1867.

Mauro Bolognini, une histoire italienne, Michel Sportisse (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 09 Juin 2021. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Mauro Bolognini, une histoire italienne, Michel Sportisse, éditions Le Clos Jouve, décembre 2020, 155 pages, 24 €

 

« Il parvient à concilier les exigences en apparence contradictoires : celles d’une esthétique patiemment mûrie et celles de la liberté, de l’imprévu, de la miraculeuse naissance » (Michel Sportisse).

« Quand je sais que tout est en place, alors je me sens libre. Je ne recherche jamais les belles images, les beaux cadrages » (Mauro Bolognini).

« Il y a chez lui une démarche proustienne de reconstruction du passé dans un mélange de mémoire individuelle et de mémoire sociale, mais cette façon de revisiter le XIXe siècle et le XXe siècle n’est jamais une fin en soi, c’est une approche indirecte qui renvoie toujours à une méditation contemporaine » (Jean A. Gili).

Mauro Bolognini, une histoire italienne est un livre de cinéma, le livre d’un critique inspiré, comme le fut en son temps André Bazin (1) – le meilleur « écrivain » de cinéma : François Truffaut – ou Gérard Legrand (2). Le critique inspiré possède trois grandes qualités : la description précise des films, leur fine analyse, et la plus parfaite connaissance des cinéastes.

Carnets 1933-1963, Yasujiro Ozu (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 26 Février 2021. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Japon

Carnets 1933-1963, Yasujiro Ozu, Carlotta, novembre 2020, trad. japonais, Josiane Pinon-Kawataké, 1280 pages, 50 €

 

Mine extraordinaire sur le parcours d’un cinéaste majeur, que ces Carnets tenus durant trente ans, qui offrent, au-delà du regard unique du réalisateur, un contrepoint à sa carrière, un supplément d’âme par des notes régulières, souvent elliptiques, du début de sa carrière à la dernière période – celle du Goût du saké, son ultime chef-d’œuvre.

Issu d’une famille nombreuse (deux frères, deux sœurs), Ozu perd son père en 1934, sa mère, l’année juste avant sa disparition.

Le cinéaste, né et mort un 12 décembre, respectivement en 1903 et 1963, qui consacra tant de films à la cellule familiale, entame son « journal » par cette phrase : Le cœur de la maison est toujours l’endroit le plus sombre de la pièce la plus sombre (7 août 1933).

Chaque année du journal reçoit une petite introduction bien utile pour voyager dans les activités multiples d’Ozu.

Le regard inconnu, Silvia Baron Supervielle (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 05 Janvier 2021. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le regard inconnu, octobre 2020, 110 pages, 12 € . Ecrivain(s): Silvia Baron Supervielle Edition: Gallimard

 

Une femme à sa fenêtre

Ecrire n’est venu à l’esprit de celle qui était encore adolescente que progressivement : « J’écrivais des poèmes et des contes en espagnol, mais je ne pensais pas sérieusement à écrire ». C’est même après son arrivée en France que tout commence réellement et ce, au moment où elle passe de sa langue maternelle au français : « J’ai pas mal tardé à changer de langue. Pour faire plaisir à mes amis, qui voulaient lire quelque chose de moi, je me suis mise à écrire en français. Ça m’a beaucoup plu, je voyais les choses d’une autre façon ».

Le passage d’une langue à l’autre en effet n’est jamais de l’ordre du simple transfert mais de l’infusion. Et l’auteure dans sa nouvelle langue donne à sa langue de jeu un caractère moins baroque. Cela resserre sa pensée là où comme chez Beckett s’instruit un travail d’économie lexicale et aussi de solitude essentielle que fomente l’exil. Toutefois il n’exclut pas l’autre mais l’appelle.

Les Vies d’écrivains (1550-1750), Contribution à une archéologie du genre biographique, Élodie Bénard (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 08 Décembre 2020. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Les Vies d’écrivains (1550-1750), Contribution à une archéologie du genre biographique, Élodie Bénard, Droz, 440 pages, 39 €

Nous avons l’habitude, lorsque nous prenons un livre, de trouver quelque part, au dos du volume ou dans un pli de la couverture, la photographie de l’auteur et quelques lignes de biographie. Ces deux éléments sont si communs que c’est leur absence qui finit par surprendre et par sembler suspecte. Les maisons d’édition doivent aussi veiller à cela et savent bien que rien n’est pire qu’un cliché pris dans ces cabines automatiques, qui donnent au plus paisible des individus l’allure d’un repris de justice.

Cette coutume tenace de la photographie et de la biographie express montre surtout que la leçon de Proust dans son Contre Sainte-Beuve n’a pas été « reçue », à la manière d’une puissante émission radio qui se serait perdue dans l’immensité de l’univers. Or il y a aussi peu de rapport entre la photographie d’un écrivain et son œuvre qu’entre le visage d’un cuisinier et ses plats. « L’histoire d’un auteur est proprement l’histoire de ses ouvrages, comme l’histoire d’un héros est celle de ses actions. La vie privée d’un homme de lettres est quelque chose de bien sec et souvent bien petit : les événements en sont trop peu considérables pour mériter l’attention d’un lecteur », écrivait Jean-Baptiste Rousseau en 1730 (cité p.225). Et il avait raison.