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Biographie

Une brûlante usure, Journal 2016-2017, Gérard Bocholier (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 06 Mars 2023. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Une brûlante usure, Journal 2016-2017, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, Coll. Les Cahiers du Silence, 2020, 152 pages, 15 € . Ecrivain(s): Gérard Bocholier

 

Auteur d’une œuvre conséquente, commencée au mitan des années 1970 et marquée de plusieurs prix et distinctions, Gérard Bocholier nous ouvre les portes de son atelier de création, là où il puise son inspiration et forge son écriture, au travers de deux années de son journal qu’il publie en 2020. Une occasion rare de pénétrer dans l’intimité du poète.

Tenir un journal pour lui, c’est d’abord, à la suite d’Antoine Emaz, écrire « un récit minimal, une autobiographie par défaut » mais c’est aussi « une autre forme de portrait ». Affaire de toute une vie (il n’a que 19 ans à peine quand il débute son premier journal), ce travail de diariste, par la force des choses, est un révélateur de soi pour les autres mais aussi pour soi-même. Ainsi, à un ami qui trouve ces pages tristes, Gérard Bocholier reconnaît « ce fonds très lourd et très opaque qui est le fondement de tout : une tristesse qui remonte à l’enfance, que rien n’a jamais pu chasser ».

Les naufragés et les rescapés, Quarante ans après Auschwitz, Primo Levi (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 03 Février 2023. , dans Biographie, Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres, Gallimard

Les naufragés et les rescapés, Quarante ans après Auschwitz, Primo Levi, Gallimard (Arcades), 1989, trad. italien, André Maugé, 200 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Primo Levi Edition: Gallimard

 

Paru initialement en 1986 sous le titre original I sommersi e i salvati, cet ouvrage est l’ultime écrit publié du vivant de Primo Levi, mort l’année suivante. Le titre ne permet pas de saisir avant lecture la thématique fondamentale de cette longue et profonde et féconde réflexion sur les raisons ou plutôt les déraisons historiques, sociologiques, politiques, qui ont provoqué la solution finale, mettant à la fois en parallèle et en opposition d’une part ceux et celles qui ont disparu dans la nuit et le brouillard de la plus horrifiante et la plus insensée des abominations mises en œuvre par l’homme contre sa propre espèce, d’autre part ceux et celles qui y ont survécu, victimes, bourreaux et complices, et posant un certain nombre d’interrogations cruciales. Il y a eu d’abord celles qui se sont imposées à l’auteur lorsqu’il a appris la parution, en 1959, en Allemagne, d’une version en allemand de Si c’est un homme.

Je me sentis envahi par une émotion violente et nouvelle, le sentiment d’avoir gagné une bataille.

[…]

Dans l’ombre de sa sœur. Le dernier secret de Colette. Françoise Cloarec (par Marie-Hélène Prouteau)

Ecrit par Marie-Hélène Prouteau , le Lundi, 09 Janvier 2023. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Phébus

Dans l’ombre de sa sœur. Le dernier secret de Colette. Françoise Cloarec, éditions Phébus, 2022. Edition: Phébus

Ce récit de la vie de Juliette, demi-sœur de Colette, s’inscrit dans la veine des ouvrages précédents de Françoise Cloarec, Séraphine, la vie rêvée de Séraphine de Senlis, L’indolente, le mystère Marthe Bonnard. L’autrice aime s’attacher à la part d’ombre et de mystère de certaines vies, sacrifiées ou tombées dans l’oubli de l’histoire.

Le livre s’ouvre sur le mariage en 1884 de Juliette, fille de Jules Robineau-Duclos. Toute la famille est là, Sidonie Landoy, dite Sido, sa mère, le « Capitaine », son beau-père, ses demi-frères Achille et Léo et la jeune Gabrielle, la petite dernière bien-aimée, la future grande écrivaine Colette. Avec pour décor la maison de Saint-Sauveur-en-Puisaye, village de Bourgogne. Par-delà cet épisode, c’est toute une saga sur trois générations qui prend vie dans ce livre. Elle campe un univers provincial fin de siècle et ancre cette biographie dans une époque, une terre et une maison de vieilles pierres. L’actuelle Maison de Colette, rue de l’Hospice, avec son jardin, ses murs, son intérieur, pôle attractif dans le livre -Françoise Cloarec s’est rendue sur les lieux pour être au plus près du réel. Ses visites ponctuent avec bonheur le fil du récit en un télescopage original entre hier et aujourd’hui.

Vagabonde, Fumiko Hayashi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 25 Novembre 2022. , dans Biographie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Japon

Vagabonde, Fumiko Hayashi, éditions Vendémiaire, septembre 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 192 pages, 20 €

 

Fumiko Hayashi fut dans les années trente une romancière à succès. Née en 1903, elle mourut en 1951. Son parcours, presque invraisemblable, la conduisit à travers le Japon, dans des périples qui lui donnèrent matière poétique et romanesque. Quel destin, que ces aventures existentielles, sentimentales d’une écrivaine, issue d’un pauvre milieu, obstinée à devenir ce qu’elle fut, une romancière et une diariste exceptionnelle.

Le texte, que nous découvrons, appartient à la veine à la fois du récit de vie et de la chronique des jours. Tout y prend place : la quête du travail, de l’argent ; les relations avec ses parents ; celles avec ses partenaires (amants, mari). C’est relaté avec réalisme et poésie. Le récit se voit ainsi truffé de poèmes et de références.

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, Richard Millet (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Novembre 2022. , dans Biographie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La Forteresse, Autobiographie 1953-1973, Richard Millet, éditions Les Provinciales, août 2022, 300 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Millet

L’œuvre de Richard Millet contient plusieurs ouvrages que l’on doit qualifier d’autobiographiques dans la mesure où, ne serait-ce qu’aux yeux de l’auteur lui-même, cet adjectif est celui qui convient (Un Balcon à Beyrouth, Brumes de Cimmérie, L’Orient désert, etc.), sans oublier trois volumes de Journal, courant de 1971 à 2003. L’apparition d’une autobiographie proprement dite ne surprend guère et ne correspond pas à une nouveauté absolue : elle met en ordre une matière éparse ailleurs, longuement décantée, y compris dans les essais. « Écrire sur soi, c’est se faire l’alchimiste de l’insignifiant, autant que du perdu : muer l’or en déchet, parce que la vérité que je cherche sur moi ne brille pas forcément, ou que sa lumière est encore de la nuit » (p.36).

La Forteresse fut achevée dans l’ambiance suspendue et dystopique (il fallait s’autosigner un document administratif pour promener son chien, tandis que les hélicoptères des forces de l’ordre traquaient d’éventuels contrevenants) du « premier confinement » (mars-mai 2020), rendue encore plus pesante pour Richard Millet par la maladie et la mort de sa seconde femme (la Covid n’y était pour rien).