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Rivages

Et au milieu coule une rivière, Norman MacLean

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Novembre 2017. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Et au milieu coule une rivière, novembre 2017, trad. américain Marie-Claire Pasquier, 174 pages, 19 € . Ecrivain(s): Norman MacLean Edition: Rivages

 

La rivière du sixième jour, l’étrange et beau titre original français de ce roman mythique, rend bien compte d’une dimension essentielle de l’œuvre, la dimension biblique. Elle traverse ce roman de part en part, dès l’incipit, inoubliable, qu’il faut citer en intégralité :

« Dans notre famille, nous ne faisions pas clairement la distinction entre la religion et la pêche à la mouche. Nous habitions dans l’ouest du Montana, au confluent des grandes rivières à truites, et notre père, qui était pasteur presbytérien, était aussi un pêcheur à la mouche qui montait lui-même ses mouches et apprenait aux autres à monter les leurs. Il nous avait expliqué à mon frère et moi, que les disciples de Jésus étaient tous des pêcheurs, nous laissant entendre – ce dont nous étions persuadés tous les deux – que les meilleurs pêcheurs du Lac de Tibériade étaient tous des pêcheurs à la mouche, et que Jean, le disciple préféré, pêchait à la mouche sèche ».

Paris-Austerlitz, Rafael Chirbes

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Novembre 2017. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne

Paris-Austerlitz, octobre 2017, trad. espagnol Denise Laroutis, 180 pages, 20 € . Ecrivain(s): Rafael Chirbes Edition: Rivages

 

L’écriture a quelque chose du supplice de Tantale.

Rafael Chirbes (Télérama, 2009)

 

L’espace diégétique est résumé en une phrase : « Paris, c’est comme ça, chacun pour soi », l’explication franche de la pyramide des inégalités sociales au sommet de laquelle, bien logés, pleins de ratiocinations, les nantis se pavanent, écrasant en bas « des poches de misère ». Les échos de la capitale résonnent, souffrances comparables à celles que subit l’homme solitaire et étranger dans l’appartement du Locataire filmé par Polanski. Le « je », l’instance énonciatrice, parle à l’imparfait. Les lieux sont glauques, l’ambiance pessimiste, des ombres perdues rencontrent d’autres ombres fantomatiques. Les attitudes restent codées entre « le mec qui parlait une langue apprise au lycée français de Madrid (…), le groupe des petits caïds (…) l’indic de la police et le journaliste ».

Sucre noir, Miguel Bonnefoy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Octobre 2017. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

Sucre noir, août 2017, 207 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy

 

Ce roman est une intense célébration des sens. Et du sens olfactif en particulier. Les parfums s’y organisent en réseaux serrés, en échos déferlants, en une valse obsédante, enivrante.

L’histoire commence dans un arbre. C’est un vaisseau qui est posé dans un arbre ! Ce qui nous vaut un incipit inoubliable :

« Le jour se leva sur un navire naufragé, planté sur la cime des arbres, au milieu d’une forêt. C’était un trois-mâts de dix-huit canons, à voiles carrées, dont la poupe s’était enfoncée dans un manguier à plusieurs mètres de hauteur. A tribord, des fruits pendaient entre les cordages. A bâbord, d’épaisses broussailles recouvraient la coque ».

Ainsi commence la légende du capitaine Henry Morgan dans les Caraïbes, légende qui s’accompagne – comment en pourrait-il être autrement ? – d’un trésor mirifique enterré quelque part.

Vera, Karl Geary

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Août 2017. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire

Vera (Montpelier Parade), 30 août 2017, trad. anglais (Irlande/USA) Céline Leroy, 254 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Karl Geary Edition: Rivages

 

Un livre débordant d’amour, délicat, touchant sans une once de pathos, est un objet rare en littérature. C’est avec un talent exceptionnel et un humanisme sans fond que Karl Geary vient occuper cet espace avec ce roman superbe qui laisse le cœur du lecteur tourneboulé.

Sonny est un jeune garçon né dans une famille très pauvre de Dublin. Il va au lycée et donne des coups de main dans une boucherie le soir et le samedi, ou à son père, maçon, à l’occasion. Geary nous emmène, avec force et conviction, dans un univers à la Ken Loach. La brutalité fruste des relations familiales, les difficultés de la vie, n’empêchent pas un amour profond pour la mère, distante mais aimante, pour le père surtout, géant taiseux qui ne peut cacher, malgré sa pudeur, son affection paternelle. On est là au cœur de ce roman : ce n’est pas l’amour qui manque mais le pouvoir, le courage, l’envie de le dire, de le mettre en mots, de l’annoncer à l’autre. L’amitié de Sonny avec Sharon, petite jeune fille délurée, solitaire, écorchée vive, est le sommet de cette impossibilité de dire l’amour, comme s’il s’agissait d’une faute inexpiable que d’aimer.

Algorithme éponyme, et autres textes, Babouillec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Rivages, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Récits

Algorithme éponyme, et autres textes, 138 pages, 15 € . Ecrivain(s): Babouillec Edition: Rivages

 

Je viens enfin de terminer un livre de Babouillec. En fait, je ne savais pas exactement ce que j’allais lire mais je savais que ce serait une claque et puis au final c’est une formidable résonance. Je retrouve tellement de mes propres ressentis, de mes questionnements, mes révoltes même, dans ses mots, que je me dis que moi aussi je dois être autiste, camouflée derrière une apparente normalité et que nous sommes même peut-être tous des autistes plus ou moins intégrés dans la normalité, et alors la question s’impose : qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ? La question que nous posent, parfois comme un flingue sur la tempe, tous les dits « anormaux », tous les « différents », peut-être pour nous montrer à quel point nous sommes éloignés, coupés de nous-mêmes, de notre être véritable, unique et extraordinaire dans son anormalité.

Qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ?

C’est la question qui vient nous remettre en question justement, qui vient nous réveiller. Une question qui dérange notre sommeil, une sorte de sommeil collectif hypnotique.