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Les Livres

Ce monde disparu, Dennis Lehane

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Roman, La rentrée littéraire, Rivages/Thriller

Ce Monde disparu (World gone by), Octobre 2015. Traduit de l’américain par Isabelle Maillet. 348 p. 21 € . Ecrivain(s): Dennis Lehane Edition: Rivages/Thriller

 

Dennis Lehane creuse le sillon ouvert par son dernier opus « Ils vivent la nuit » (voir la critique de cette œuvre dans la Cause Littéraire), explorant l’univers du gangstérisme. C’est d’ailleurs Joe Coughlin, plus vieux de 15 ans, que l’on retrouve ici.

La présentation de ce roman le rapproche du « Parrain ». Le lien est d’autant plus incontestable que l’on pourrait aussi faire au livre le reproche – ce sera le seul - qui a été fait au film de Coppola : la nostalgie de ce « monde perdu » charrie forcément un discours ambigu sur le gangstérisme et ses figures. Les personnages – y compris les pires – sortent un peu « blanchis » du récit, la poétisation romanesque jouant le rôle d’une absolution des méchants. Malgré la mise à distance à laquelle procède Lehane par l’ironie qui s’insère dans les propos des personnages.

« On décide de notre façon de vivre, on établit nos règles, on se comporte en hommes. (il se pencha en avant.) Ça me botte d’être un gangster, merde ! »

« Je n’ai jamais gagné honnêtement un seul dollar, et je n’ai pas l’intention de commencer un jour ».

Têtes blondes, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Têtes blondes, éd. Lunatique, juillet 2015, (en couverture La Main de Gaïa, photo d’Isabelle Vaillant), 80 pages, 8 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

Abus, abandon, aliénation, agression, dépression, démence, isolement, paranoïa, peur, violences psychologiques, physiques et ce jusqu’à ce que mort s’ensuive… On retrouve dans ce recueil de nouvelles, au titre faussement léger, les thématiques qui travaillent la plume de Perrine Le Querrec, la vase où elle va puiser. Ces têtes blondes, tantôt victimes, tantôt bourreaux, parlent d’enfance, de jeunesse saccagée par la folie des uns ou des autres, dans un climat toujours très oppressant, « comme à la maison où on doit sculpter sa place dans le marbre des cris », se dit la petite fille dans Fourmilière.

Difficile de respirer, Perrine le Querrec écrit une langue d’apnée. Le lecteur est pris au piège.

La première nouvelle nous happe dans un tourbillon de parures, de boutiques, de cabines d’essayage, et une enfant putain de sa mère qui n’a qu’un souhait, disparaître, petite lolita contrainte par une mère toxique, on pense à Irina Ionesco et sa fille Eva.

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, Darragh McKeon

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Belfond, La rentrée littéraire

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, août 2015, traduit de l’anglais par Carine Chichereau, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Darragh McKeon Edition: Belfond

 

« Le passé exige qu’on lui soit fidèle.

Je me dis souvent que c’est la seule chose qui nous appartienne vraiment ».

 

Le premier roman de l’Irlandais Darragh McKeon se situe sur fond brouillé de notre mémoire et déjà oublié, même si Fukushima est passé par là. Toile de la catastrophe de Tchernobyl, de la remise en question forcée de l’empire soviétique, de l’insouciance des hommes à accepter l’inévitable, c’est-à-dire leur insondable stupidité face à tout pouvoir qui vous empêche de voir, de vivre la réalité d’un monde plus respectueux des hommes et de la nature. Mais cette peinture a visiblement disparu de notre regard, obsédé par notre image de Dorian Gray. Ou peut-être que notre génération n’est pas digne des meilleurs lendemains. Il faut dire que nous ne chantons plus, nous nous taisons et nous mourons tel un asticot pendu à l’hameçon de nos péchés, sans aucun souvenir de notre sacrifice !

Chantiers, Marie-Hélène Lafon

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Editions des Busclats

Chantiers, août 2015, 120 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marie-Hélène Lafon Edition: Editions des Busclats

 

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ». C’est cette phrase de Pierre Soulages qui sert d’exergue à Chantiers, le dernier ouvrage de Marie-Hélène Lafon publié en août 2015 aux éditions des Busclats.

On comprend aisément les raisons du choix de cette phrase car elle résume pleinement la façon dont elle travaille. En effet, cette femme a le corps et l’esprit constamment en alerte et chacun de ses ouvrages creuse encore plus profondément ses champs d’exploration. Elle pourrait tout aussi bien retourner cette formule en énonçant : « Je cherche, donc j’apprends ». Dans son œuvre, Marie-Hélène Lafon fait feu de tout bois. Tout lui sert à élargir son investigation de l’âme humaine et à échafauder un jeu de piste car ce sont bien toutes les étapes d’un jeu de piste qui se dévoile à nous dans ce livre qui n’est ni un essai, ni un ouvrage de fiction mais qui est un texte hybride dans lequel on se laisse emporter à revisiter chaque étape de son chemin semé de petits cailloux où elle pose son pied pour traverser le gué. Elle ne se refuse pas de nous convoquer à la suivre dans cette traversés en déployant tous les genres avec une égale jubilation pour elle et pour nous lecteur.

Eloge du bistrot parisien, Marc Augé

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Payot

Eloge du bistrot parisien, mars 2015, 112 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marc Augé Edition: Payot

 

Voici un livre que, malgré son titre, on ne doit pas se sentir obligé de lire dans un des lieux dont il parle. Guère besoin en effet de s’installer à une table ou au comptoir d’un bistrot parisien pour le lire, tout en vérifiant que ce qu’on lit est bien ce que l’on voit et vit (et que l’on ne vit plus vraiment, parasité par la lecture). Outre que cela serait une bien étrange démarche qui aurait sans doute pour premier effet de surprendre le tenancier du lieu comme ses habitués ou ses clients de passage, elle serait surtout inutile tant l’auteur sait les faire revivre à travers sa prose, ses digressions et ses souvenirs. Cet Eloge du bistrot parisien ne se présente pas comme une érudite analyse de l’espace et de l’imaginaire du lieu, même si, chemin faisant, l’auteur d’Un ethnologue dans le métro éclaire avec justesse et profondeur la nature de ce lieu si littéraire et si trivial à la fois. Le registre est celui d’une ethnologie sensible autant que d’une sociologie du sensible (ou des sensations) qu’il pratique avec un rare bonheur. Cette façon de partager observations, souvenirs, émotions, références littéraires a le don de nous éclairer sur notre quotidien, de nous permettre de mieux le voir (et non seulement de le percevoir), d’y être plus attentif et sensible. Comme un Pierre Sansot, qui pratique le même art avec un tout aussi réjouissant bonheur, Marc Augé nous invite à une flânerie qui sait être savante sans être pédante, qui sait nous faire comprendre sans nous alourdir d’académiques explications.