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Les Livres

De nos frères blessés, Joseph Andras

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 30 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Actes Sud

De nos frères blessés, mai 2016, 144 pages, 17 € . Ecrivain(s): Joseph Andras Edition: Actes Sud

 

Lettre posthume imaginaire de Fernand Iveton ou Le soleil oublie parfois de donner le change :

« Quand la Justice s’est montrée indigne, la littérature peut demander réparation » peut-on lire sur la quatrième de couverture (Actes Sud) de Nos frères blessés, titre de l’ouvrage que Joseph Andras a magistralement consacré à ma vie et à toutes ces années que la France m’a volées, celles avec mon amour, Hélène, « un sacré bout de dame… Belle, belle à se crever les yeux de crainte de la voir s’en aller, se perdre, filer dans d’autres bras », et avec mon fils adoptif, Jean-Claude. Elle ne figurait pas sur l’édition algérienne (Barzakh). Mes frères algériens, mes compagnons de lutte ne se la seraient jamais posée. J’en ai souri tristement. Ce qu’ils ont subi dans leur chair avant et durant la guerre pour notre indépendance ne peut s’effacer par un trait de plume de la mémoire, la leur et la collective, bien que depuis ces événements dramatiques, gouvernement après gouvernement, le mensonge hypocrite soit présenté comme une vérité historique. Circulez, il n’y a rien ni à reconnaître ni à dire.

Chemins ouvrant, Yves Bonnefoy, Gérard Titus-Carmel

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Vendredi, 30 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, L'Atelier Contemporain

Chemins ouvrant, Yves Bonnefoy, Gérard Titus-Carmel, préface de Marik Froidefond, 152 pages, 20 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

« Je ne peins pas l’arbre qui se trouve devant moi mais seulement l’espace qui me sépare de lui », Claude Monet

 

Ce très bel ouvrage propose un dialogue entre Gérard Titus-Carmel et Yves Bonnefoy, présenté en préface par Marik Froidefond. Il contient également quelques reproductions ; les textes qui se croisent témoignent de la grande et profonde amitié qui unissaient les deux hommes. Dès sa première visite en 2003, Yves Bonnefoy écrira de très belles pages sur l’œuvre de Titus-Carmel.

« Selon Bonnefoy, écrit Marik Froidefond dans une préface qui tient la moitié de l’ouvrage ici, l’œuvre de Titus-Carmel s’ancre dans l’expérience première d’un désarroi radical que l’artiste partage avec quelques grands esprits du siècle – Giacometti, Beckett, Bataille, Freud, Kafka et d’autres encore, comme lui témoins du “négatif”, grevés du “sentiment de n’être plus”, dans l’espace du langage, que les visiteurs désemparés d’une maison désertée […] dont les portes béantes donnent sur le vent et la nuit ».

6 Moments Musicaux, Hoffmann et al.

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 30 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Folio (Gallimard), Anthologie

6 Moments Musicaux, Hoffmann et al., janvier 2016, 240 pages, 7,10 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Tout l’art de l’anthologie réside en deux points essentiels : choisir un thème probant et choisir les œuvres idéales pour aborder ce thème, ou du moins les bons extraits. A ce compte, les 6 Moments Musicaux proposés par Sylvain Ledda dans la collection FolioPlus Classiques remportent pour l’essentiel les suffrages du lecteur.

La thématique est plus qu’intéressante : l’écriture de la musique, en particulier par les auteurs romantiques, représentés par cinq d’entre eux : Hoffmann, Janin, Balzac, Berlioz et Sand. Cela donne des pages oscillant entre le fantastique (la nouvelle signée Hoffmann, Le Chevalier Gluck, est exemplaire à ce titre, ainsi que celle signée Sand, bien qu’elle soit tardive – 1873) et l’émerveillement, ainsi que des tentatives éblouissantes de mettre la musique en mots – avant tout dans la nouvelle qui sert de pièce de résistance à cette anthologie, Gambara (1837) d’Honoré de Balzac, où l’auteur rend au passage hommage au génie de Beethoven.

Je selfie donc je suis, Elsa Godart

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 30 Septembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Albin Michel

Je selfie donc je suis, mai 2016, 209 pages, 16 € . Ecrivain(s): Elsa Godart Edition: Albin Michel

 

Faut-il s’inquiéter des selfies ? De ce moi jetable et de toutes ces émotions capturées dans des images standardisées ? Derrière le phénomène superficiel du selfie, se cache en réalité un changement radical de notre rapport au monde et aux autres. Elsa Godart tente de décoder dans ce livre ce que nous révèle l’ère des selfies, cette nouvelle communication facile et instantanée, qui nous rend immanents dans l’espace et le temps, mais qui peut appauvrir dangereusement notre capacité à communiquer de façon rationnelle et critique.

Dans le virtuel, l’espace et le temps sont enfermés dans nos téléphones, ce qui réduit notre monde à deux dimensions. Le lointain est devenu le proche, le tout à l’heure est devenu le maintenant et l’invisible est devenu le visible (avec Skype). Le temps virtuel ne connaît que l’immédiateté. Elsa Godart appelle ce phénomène le « hic et nunc ». Cette immédiateté, certes attractive, peut néanmoins sérieusement mettre à rude épreuve notre capacité à supporter la frustration et à s’ouvrir aux autres.

"Birthday Letters" et "Contes d'Ovide" de Ted Hughes

, le Jeudi, 29 Septembre 2016. , dans Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Poésie, Gallimard, Contes

Birthday Letters, trad. anglais et préface, Sylvie Doizelet, et Contes d’Ovide, Phébus, trad. anglais et présentation, Patrick Reumaux . Ecrivain(s): Ted Hughes Edition: Gallimard

 

Ted Hughes, né en 1930, marié à Sylvia Plath de 1956 jusqu’au suicide de celle-ci en 1963, poète officiel de la cour d’Angleterre, est l’une des grandes voix du vingtième siècle. La parution simultanée de ces deux recueils d’une rare densité, publiés peu avant sa mort survenue en 1998, atteste l’intérêt que lui porte l’édition française. Les Lettres d’anniversaire ont connu un succès sans précédent ; ces deux cent-trente pages-là se sont en effet vendues à cinq cent mille exemplaires, outre-Manche. Quant aux Contes, ils revisitent si bien tout ce que notre Occident répudie, le sacré par-dessus tête, qu’ils participent d’une nécessité en apparence distincte, mais tout aussi puissante.

Le suicide de la mère de ses deux enfants, à qui le poète dédie le monument funéraire que constituent ces Lettres, avait fait l’objet d’un silence irréfragable. Ce livre rompt trente-cinq ans de mutisme qu’aucun venin, aucune hyène n’avaient pu forcer. Mais la surprise, le goût pour le mystère dépecé n’expliquent pas à eux seuls un tel élan pour des poèmes. Si la lecture paraît à la portée de tous, le monde auquel renvoie celle-ci reste sans concession. Ces Lettres rebroussent la mort ; elles retrouvent la morte telle qu’elle n’a jamais cessé d’être aux yeux de ceux qui l’ont aimée : vivante. L’amour vibre et siffle entre les vers – seul oxygène que la mort ne ravit pas.