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Les Livres

Indigents, Emmanuel Darley

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 11 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Indigents, Actes Sud-Papiers, 2001, 42 pages, 7,47 € . Ecrivain(s): Emmanuel Darley Edition: Actes Sud/Papiers

 

La misère du monde

Il y eut les gueux, les misérables, les mendiants, les clochards, tous les damnés de la terre. Aujourd’hui, d’autres mots désignent ceux que nous ne voulons pas voir, les exclus, les sans domicile fixe, les poétiques hobos. La littérature les a peints, de Serena à Daeninckx ou Echenoz. Emmanuel Darley lui les nomme « indigents » comme pour déjà prendre ses distances avec une perception strictement sociale, administrative de ceux que la société a marginalisés. L’indigence dit la privation du nécessaire, une existence de l’ordre de la survie, de la « picole » consolatrice, de la biture. Une humanité réduite à être des « corps allongés dans diverses proximités, des couvertures et des cartons » (cf. didascalie inaugurale). Les personnages de la pièce installés à l’écart de la ville, du côté de la gare, lieu de l’errance par excellence, ne font que parler, mouvoir leur corps. Les uns contre les autres ; les uns avec les autres.

Les incendiés, Antonio Moresco

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Italie, Verdier

Les incendiés (Gli incendiati), août 2016, trad. italien Laurent Lombard, 187 pages, 16 € . Ecrivain(s): Antonio Moresco Edition: Verdier

 

 

Voilà sans doute l’un des plus étranges récits qu’il m’ait été donné de lire ces derniers mois. Les climats et images que nous avions découvert dans La petite lumière ou dans Fable d’amour, à cheval entre une réalité concrète, dure voire brutale, et un monde onirique voire simplement fantastique et surnaturel, sont ici dans une oscillation encore plus affirmée entre ces deux mondes. De façon encore plus puissante, plus radicale, le style, les images, nous installent dans un onirisme hyperréaliste qui n’épargne ni le lecteur, ni le narrateur, ni ses personnages.

Tout au long du récit, il semble que nous soyons dans un long écho, de plus en plus déformé, lointain, du Rêve familier de Verlaine :

Clochemerle, Gabriel Chevallier

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Clochemerle, 384 pages, 6,30 € . Ecrivain(s): Gabriel Chevallier Edition: Le Livre de Poche

Gabriel Chevallier (1895-1969) est avant tout pour moi l’auteur de La Peur (1930, son second roman), dû à un intérêt particulier pour les récits de la Première Guerre mondiale – et je tiens La Peur pour l’un des plus puissants. Seulement, j’aime aussi la littérature ayant pour cible la bêtise humaine, avec Madame Bovary en plein dans le mille, et Clochemerle (1934) a pour réputation d’en faire partie, et bonne encore.

Confirmation : ce roman est un chef-d’œuvre humoristique, et un vrai. La preuve par l’absurde ? Ce n’est pas un hasard s’il a rencontré du succès aussi en anglais, en espagnol ou en allemand : Chevallier excelle dans la formulation « à chute », ces fins de phrase qui font sourire, autrement dit il pratique un humour qu’on pourrait qualifier d’universel puisqu’il résiste à la traduction.

L’histoire est connue : durant l’été 1923, le petit village de Clochemerle, dans le Beaujolais, est mis sens dessus dessous suite à une décision du maire, Barthélémy Piéchut : installer une pissotière à l’entrée d’une impasse juste à côté de l’église… De cette décision liée à des ambitions politiques (ah ! le progressisme comme religion politique !…) découleront toute une série d’événements rocambolesques dont l’apogée sera ni plus ni moins que l’envoi de la troupe pour y mettre bon ordre… à ceci près que la présence de celle-ci mènera à un surcroît de violence…

Un peu de parole dans un âge de fer (pour un chant odeur de nouveau-né), Jean-Marc Fournier

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 10 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie, Les Vanneaux

Un peu de parole dans un âge de fer, mai 2016, 138 p. 18 € . Ecrivain(s): Jean-Marc Fournier Edition: Les Vanneaux

Dans le seau reste un peu d’eau,

Offrande aux bêtes et aux dieux,

Ne la buvez pas.

Quelque chose dans la vie

Ne doit pas nous servir.

Sinon la mélodie des mondes

Nous resterait inaudible.

Ce qu’écrit Jean Starobinski de l’acte poétique de Pierre Jean Jouve pourrait convenir parfaitement à celui de Jean-Marc Fournier : « [u]n tel acte poétique, qui met le mystère en lumière sans lui retirer sa qualité de mystère, peut apparaître comme un acte de connaissance, si nous acceptons l’idée d’une connaissance engagée sur d’autres voies que celles du savoir objectif.

Brève Histoire de Sept Meurtres, Marlon James

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 08 Octobre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Albin Michel, La rentrée littéraire

Brève Histoire de Sept Meurtres, août 2016, trad. anglais (Jamaïque) Valérie Malfoy, 864 p. 25 € . Ecrivain(s): Marlon James Edition: Albin Michel

 

 

Dire qu’on aime le reggae est parfois problématique ; des sourires en coin naissent, des clichés surgissent, faits de bandes vertes, jaunes et rouges, de cigarettes améliorées, d’une certaine indolence. Le mieux est de hausser les épaules et ne pas tenter d’expliquer que cette musique est bien plus complexe qu’un quelconque ramassis de clichés, et qu’on peut écouter Bob Marley sans nécessairement prononcer son prénom de façon alanguie, la bouche pâteuse, mettre de côté les paroles de ses chansons ou omettre qu’il est l’arbre qui cache une forêt sinueuse au possible. Le reggae n’est pas une musique de fumeurs de joints, c’est une musique fine et intelligente qui, à l’image de la soul par exemple, reflète aussi des réalités sociales parfois terribles, surtout dans sa composante roots, durant la seconde moitié des années soixante-dix (pour simplifier à outrance). On se retrouve ainsi à danser sur des chansons telles que Peace & Love In The Ghetto, de Johnny Clarke, ou Tribal War, de George Nooks. La première de ces deux chansons dit ceci entre autres :