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Les Livres

La mélodie sanctuaire, Arnaud Gauthier (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 15 Février 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Arts, Le Mot et le Reste

La mélodie sanctuaire, janvier 2019, 252 pages, 20 € . Ecrivain(s): Arnaud Gauthier Edition: Le Mot et le Reste

La musique peut adoucir les mœurs. C’est en tout cas ce que prétendent certains. Mais la musique est aussi capable de faire bien pire (que de nous écorcher les oreilles). Et s’il existait une chanson avec des pouvoirs quasi magiques ? Une chanson capable d’ensorceler les gens, de leur rendre la vie plus douce, mais qui pourrait également révéler les pulsions primaires et créer le danger, l’insécurité ? Il s’agirait d’une chanson qui fait succomber celui ou celle qui l’écoute dès la première note, et qui ensuite devient comme une drogue qu’on ne se lasse jamais d’écouter. Ce serait une chanson qui a les mêmes pouvoirs que la musique du joueur de flûte d’Hamelin ou que le chant des sirènes de L’Odyssée.

Cette chanson existe et elle a été créée par Alex Grant Zyler, un chanteur d’un des plus grands groupes de rock du monde.

En fait, le chanteur du groupe Heart Vigilantes ne l’a pas vraiment créée. Cette chanson s’est plutôt révélée par sa guitare et sa voix, car elle existe depuis très longtemps. Elle existe même depuis plusieurs siècles et elle lie les hommes entre eux. C’est « une mélodie venue du fond des âges » qui réapparaît de temps à autre, sous différentes formes. Ceux qui l’écoutent se retrouvent alors comme enfermés dans un sanctuaire, c’était comme si un chaman les contrôlait. On l’appelle la « mélodie sanctuaire ».

Là où la nuit / tombe, Stéphane Sangral (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Février 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Là où la nuit / tombe, Stéphane Sangral, éditions Galilée, 2018, 120 pages, 12 €

Le titre avec son slash figure formellement que la nuit, déployée au cœur de ce nouveau livre de Stéphane Sangral, va nous transporter dans son tournoiement du temps qui passe, écoulé de 19h00 à 07h70 – plages d’heures déroulées en plusieurs séquences d’écriture. La nuit remue, nous invitant en son lieu solitaire, d’acmé insolite et inédit, Là ou la nuit / tombe. Le décor est tendu par le voile de l’absence, d’entrée : « Sous la forme l’absence s’enfle et vient le soiret l’azur épuisé jusqu’au bout du miroir… », nous prévient-on en exergue. Comme les titres précédents de l’auteur aux mêmes éditions Galilée (Méandres et Néant, 2013 ; Ombre à N dimensions, 2014 ; Fracas du Soi, fracas de l’Autre, 2015 ; Circonvolutions, 2016 ; Des dalles posées sur rien, 2017), le titre de ce recueil nous prévient que nous traverserons par le livre un temps différent de celui chronologique et agité qui secoue nos journées : nous entrons ou rentrons dans l’espace d’un temps décalé, en marge de la mascarade de finitude où se succèdent et se juxtaposent nos existences diurnes vouées à l’immédiateté de l’action contingente. Dans ce dernier livre, Stéphane Sangral fait état d’une expérience de la nuit où le temps se passe à perdre son temps, en un don des mots tout à la réception d’un lieu autre– salvateur ? – de l’autre côté de nos temps qui courent.

Le Grand Jeu, Céline Minard (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages poche

Le Grand Jeu, janvier 2019, 220 pages, 7,80 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Rivages poche

 

Un roman surprenant, vraiment rafraîchissant, qui se laisse boire avec une certaine jubilation et qui plus encore, contient en lui-même une profondeur de réflexion – des pistes, pas de réponses, seulement des pistes – et une énergie communicative qui fait fourmiller les racines de l’être.

Une jeune femme dont on ne connaîtra pas l’identité, ni rien de son existence antérieure – ou à peine quelques flashs – si ce n’est qu’elle est bien décidée à s’en couper, tout comme elle va se couper du monde et de toute relation humaine, pour s’isoler dans un coin de montagne, une sorte de cirque naturel qui sent bon le Pliocène, un îlot de deux cents hectares de roche, de bois et de prés au cœur d’un massif montagneux de vingt-trois kilomètres carrés, qu’elle a acheté et équipé de façon très technique. Plusieurs modules y ont été héliportés : un « tonneau » d’habitation high-tech « à demi-appuyé à demi-suspendu à un éperon granitique », plus bas des sanitaires et un abri jardin, réserve et outillage, le tout bien réfléchi, hyper organisé. « Une belle planque ».

Post-Minimalisme et Anti-form, Dépassement de l’esthétique minimale, Claudine Humblet (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Post-Minimalisme et Anti-form, Dépassement de l’esthétique minimale, Skira, Genève, 2017 . Ecrivain(s): Claudine Humblet

 

Le livre de Claudine Humblet est pertinent car il se nourrit non seulement de ses connaissances mais aussi de ses rencontres avec les artistes d’un art qui s’édifie d’abord dans années 60-70 et réunit un certain nombre de créateurs. Celle qui connaît parfaitement l’évolution de l’art aux USA depuis la Nouvelle Abstraction puis L’Art Minimal offre ainsi le troisième temps de sa trilogie américaine. Elle met en avant l’importance des matériaux (quelle qu’en soit la nature) au moment où le ménage ayant été fait au sein des vieilles images écrasées sous le poids du passé.

L’art peut renouer avec des concepts structuraux auxquels et paradoxalement l’Anti-form donne voie en renouvelant le sens du geste, le choix du matériau et le positionnement de l’œuvre dans l’espace. Ils demeurent souvent méconnus en Europe. C’est le cas d’Eva Hesse, décédée très jeune, de Keith Sonnier qui récrée son propre langage formel, de Gary Kuehn, Lynda Benglis, Rill Bollinger, Alan Saret et – plus connu mais non le moindre – Richard Serra. Tous ces créateurs font clignoter dans les cases et caves du cerveau des lumières intempestives.

Dieu n’a jamais voulu ça, Jonathan Sacks (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 14 Février 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Albin Michel

Dieu n’a jamais voulu ça, Jonathan Sacks, Albin-Michel, mars 2018, trad. anglais Julien Darmon, 366 pages, 20 €

Au mitan du XXesiècle, alors que deux puissances qui détenaient chacune assez d’ogives nucléaires pour faire disparaître toute forme de vie sur terre s’observaient ombrageusement, l’une guettant chez l’autre le moindre geste hostile, rares étaient ceux à imaginer que, si l’humanité échappait à l’anéantissement atomique, elle devrait ensuite affronter une très ancienne croyance. Pour beaucoup, selon un schéma faux, les « grandes religions » (et les petites également) étaient destinées soit à disparaître, soit à subsister à l’état de fossiles. Après un XXesiècle monstrueux, on plaça de grands espoirs dans le XXIesiècle. La « fin de l’histoire » verrait enfin advenir le règne paisible de la paix perpétuelle prédite par les Lumières. Ces espoirs s’effondrèrent en même temps que le World Trade Center. La stupeur fut générale, à l’exception de ceux qui, dès 1979 et la révolution iranienne, avaient compris ce qui était en train de se produire. Le méchant génie sortait à nouveau de la lampe.

Sir Jonathan Sacks n’étudie pas la violence religieuse en général. Il n’évoque pas la cruauté perverse et hystérique des religions amérindiennes d’avant Colomb. Son propos englobe les trois religions faussement dites « du Livre » : le judaïsme, le christianisme et l’islam. L’existence d’une figure commune (Abraham) ne peut masquer des différences cardinales. Certaines pages de Dieu n’a jamais voulu ça sont d’un intérêt prodigieux ; d’autres susciteront la controverse.