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Les Livres

Clémence en colère, Mirion Malle (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 23 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albums, Bandes Dessinées

Clémence en colère, Mirion Malle, éditions La Ville brûle, mai 2024, 224 pages, 23 €

 

Couleur feu

Mirion Malle née en 1992 en Charente-Maritime a vécu entre Paris, Bruxelles et Montréal. Elle a étudié à l’École supérieure des arts Saint-Luc à Bruxelles, et est titulaire d’un master de sociologie et anthropologie avec une spécialité en Genre. Son nouveau roman graphique pour lequel elle a créé texte et images a pour personnage principal Clémence, une révoltée, belle rousse tatouée. L’histoire est sans doute située au Québec, car son héroïne Clémence s’exprime dans un langage émaillé d’anglais – « Les dudes me saoulent (…) Ben… que je suis pas mal fucked up (…) I wish qu’ils aient peur de mourir en nous touchant esti » –, un sociolecte relativement élaboré, en fait, afin d’appréhender son mal-être et se libérer des brutalités du passé.

Cadastre des misères, Vincent Dutois (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 23 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Cadastre des misères, Vincent Dutois, Le Réalgar-Éditions, juin 2024, 48 pages, 6 €

 

« On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, il entête toujours. Un chasseur aguerri raconte qu’il a mis en joue, dans les bois, une créature qui lui ressemblait presque, à la peau maïs, les mains baguées de verrues, traînant le même manteau de misère, dépenaillé ; et les chiens suaient d’effroi. La consigne dans les familles est donc qu’au cas où, s’il est parfois de retour, sous sa forme d’antan ou sous une autre, mieux vaut le fuir. Le vent, une feuille, une respiration derrière un mur, et tous s’égaient, en des envols d’écolières et des courses de vitesse ; les garçons poussent des cris de mue, lorsqu’on les surprend à la baignade ou au jeu ; l’estomac d’un jardinier sursaute à la brune au coup de muscle dans l’air d’une grive. On a beau le savoir mort et enseveli depuis longtemps, la ligue qui s’est formée au café aimerait, disent-ils, si la loi permet d’exhumer, en avoir malgré tout le cœur net » (p.44).

Tribus, Nouvelles, Shmuel T. Meyer (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard, Israël

Tribus, Nouvelles, Shmuel T. Meyer, Gallimard, Coll. Blanche, avril 2024, 176 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

« Jérusalem se réveillait de sa narcolepsie sabbatique, la bouche pâteuse, l’haleine chargée, avec ce vague à l’âme qui enfle à l’approche d’une semaine nouvelle, du labeur, de la routine. Ce vague à l’âme qui envahit les collines, les oliveraies, les rues désertes du centre-ville » (Tribus, Les héritiers).

Israël est au cœur de ce livre de nouvelles, Israël et les mille pierres qui la composent, des pierres qui parfois s’entrechoquent et les étincelles qui en surgissent nourrissent le regard affuté de l’écrivain, et évidemment son imaginaire. Ils sont libéraux, ultraorthodoxes, ils vivent dans des kibboutz, aux portes de Jérusalem, ne pensent qu’à prier et à dénigrer, rêvent de la naissance de leur nation, qui pour certains à leur âge, ils sont sionistes, et n’aiment guère les messianiques, l’inverse saute aussi aux yeux. Ces Tribus, ces nouvelles tribus d’Israël, sont un paysage humain dont la géographie dessine un État qui, dans sa constitution, n’a pas cent ans, mais qui dans l’Histoire de son et de ses tribus a plus de trois mille ans.

Garder la terre en joie, Pascal Commère (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 22 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Garder la terre en joie, Pascal Commère, Tarabuste Editeur, mars 2024, 162 pages, 16 €

 

Garder la terre en joie, garder la terre en vie, garder en joie la terre de sa vie… Et si l’écrire/en écrire, en retraçant ainsi le territoire/terroir existentiel d’une vie, permettait, en somme, d’en mieux restituer ce qui coule de source malgré la tâche affairée de poser des mots justes sur des passages, des paysages éphémères vécus, sur des voyages plus ou moins longs ou lointains (ici Stockholm, l’Allemagne, l’Italie, un jardin, …)… Étapes éphémères mais décisives, jalonnant le cours d’une vie. Cendrars titrait l’un de ses recueils Au cœur du monde entier et écrivit, en bourlingueur, les mots aux dents comme on mord la pulpe, la chair d’un fruit dont l’arbre se déplacerait au gré de nos aventures entre ciel et terre, tout en se nourrissant d’un même sol nourricier, celui de la terre, en y ajoutant l’encre du Langage pour en grandir encore les racines et les nuancer par la transfiguration roborative que provoque toute restitution/tout récit d’une temporalité aléatoire ou événementielle.

Bruges-La-Morte, Georges Rodenbach (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, En Vitrine, Babel (Actes Sud), Cette semaine

Bruges-La-Morte, Georges Rodenbach, Actes Sud Babel, 160 p. . Ecrivain(s): Georges Rodenbach Edition: Babel (Actes Sud)

 

Emile Verhaeren, à la mort de son ami Georges Rodenbach, a écrit : Rodenbach est parmi ceux dont la tristesse, la douceur, le sentiment subtil et le talent nourri de souvenirs de tendresse et de silence tressent une couronne de violettes pâles au front de la Flandre. Bruges-La-Morte est une couronne mortuaire tressée des rues, des ruelles, des clochers, des beffrois d’une ville dont la beauté sans cesse est ici vénéneuse, funèbre.

Les entrées possibles dans ce court roman foisonnant sont foule. Ici, c’est le thème du reflet, de l’image floue, si prégnant au XIXème siècle, qui va principalement guider le lecteur, car c’est le fil qui assure une profonde unité à l’ouvrage.

Dans la ville entourée d’eau, Hugues Viane, personnage central du roman, est sous l’influence permanente du reflet ancestral de l’eau, dormante et sombre, miroir magique, capable de lire la réalité d’hier et d’aujourd’hui. C’est Bruges, cette ville reflétée dans l’eau qui enveloppe Hugues Viane de ses charmes létaux, l’attire dans son cercle magique, le plonge dans une léthargie constante.