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Les Livres

Polichinelle dans un tiroir, Anne-Marie Mitchell (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 13 Mai 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Polichinelle dans un tiroir, Anne-Marie Mitchell, Karbel éditions, décembre 2019, 215 pages, 16 €

« On n’écrit rien qui vaille, tant qu’on n’a pas vidé son sac, quoi qu’il en coûte »,

José Cabanis

« Il n’y a plus maintenant pour le plus grand nombre des lecteurs ni bons ni mauvais livres, il n’y a plus que des noms célèbres »,

Planche

« – Pourquoi êtes-vous pessimiste ? – parce que j’ai vécu. – Pourquoi ne vous suicidez-vous pas ? – parce que je mourrai ! »,

Paul-Napoléon Roinard (1856-1930)

Le tiroir aux secrets

Pour toi, lecteur de Mme Angot, ça commence mal. Sous l’égide de Paul-Napoléon Roinard… – Qui est-ce, celui-là ? – Consulte, si tu veux, les dictionnaires, Wikipédia et Paul Léautaud. Puis va te promener à Courbevoie. Déjà à bout de souffle ? Alors, va donc angotiser avec la dame en question, sachant que tu es « en danger de te reconnaître ». Pour notre « tiroir », lis quand même le « Warning » initial, histoire de ne rien regretter.

Bolchoï confidentiel, Simon Morrison (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 12 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Bolchoï confidentiel, Simon Morrison, novembre 2019, trad. anglais (USA), Luba Jurgenson, 414 pages, 21 € Edition: Belfond

 

Sur la couverture de ce livre ne figure aucun étiquetage qui pourrait nous permettre de le classer dans un genre. Mais on peut se référer à la théorie paratextuelle, un des fondements de l’école de Constance dans sa doctrine de réception de la lecture, et à son concept de l’horizon d’attente (Erwartungshorizont) qui constitue un système de référence objectivement formulable à l’acte de lecture. Système de référence dont l’un des facteurs est : « l’expérience préalable que le public a du genre dont l’œuvre relève ».

Pour faire simple, le titre du livre Bolchoï confidentiel n’est pas sans évoquer L.A. Confidential de James Ellroy, et le mot confidential des séries télévisées policières. Par ailleurs, la quasi-totalité de l’introduction de Simon Morrison se rapporte à l’attentat à l’acide qu’à subi le directeur artistique du ballet au Bolchoï, Sergueï Filine, le 17 janvier 2013. L’accroche est peut-être un peu grosse, mais le lecteur peu avisé, même si la traduction est signée par l’excellente Luba Jurgenson, pensera avoir entre les mains un livre de fiction, voire un roman policier.

L’Actualité du Manifeste du parti communiste, Slavoj Žižek (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 12 Mai 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Actualité du Manifeste du parti communiste, Slavoj Žižek, Fayard, octobre 2018, 92 pages, 12 €

 

À moins d’être un marxiste endurci, voire obsessionnel, le Manifeste du parti communiste n’est pas un livre qu’on éprouve le besoin de relire tous les mois, ni même tous les ans. En général, et à condition de le juger indispensable, on estime qu’une seule lecture (souvent menée quand on étudie la philosophie en classe) suffit au cours d’une existence et que, de toute manière, l’effondrement du communisme à la fin du XXe siècle (n’en demeurent que ces peu reluisants vestiges que sont Cuba, le Laos, la Corée du Nord et surtout la Chine – quatre pays dont personne ne pense qu’ils sont là pour indiquer à l’humanité la voie afin d’atteindre au bonheur radieux ici-bas) a globalement invalidé les thèses de Marx. Slavoj Žižek veut persuader le lecteur du contraire et sans doute a-t-il raison.

À force d’employer le mot d’actualité sans arrêt, on a fini par perdre de vue une partie de ses significations : ce qui est actuel n’est pas seulement ce qui existe au moment présent, mais aussi ce qui est réel, effectif, en acte (actuel s’oppose à virtuel). Que veut-on dire si l’on suggère que le Manifeste du parti communiste est un texte en acte ?

L’en vert de nos corps, Christine Van Acker (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 11 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

L’en vert de nos corps, Christine Van Acker, L’Arbre de Diane, Coll. La Tortue de Zénon, mars 2020, 228 pages, 15 €

 

L’en vert de nos corps est un recueil de chroniques qui associe anecdotes, récits de rencontres, descriptions naturalistes de la flore et leçons de choses, considérations scientifiques et philosophiques, littéraires et mythologiques, écologiques, et ça et là, politiques. Hétéroclite et foisonnant, cet ouvrage trouve son fil rouge et sa cohérence dans son thème mais aussi dans l’insatiable et fervente libido sciendi qui anime l’auteure.

C’est aussi un essai, le terme qualifiant assez justement la démarche et l’attitude de Christine Van Acker : elle y déploie non pas une pensée propre mais un certain art de lire, aussi bien les livres que les plantes – « du bout des doigts, ligne par ligne ». Cet art est humble, au sens le plus terrien du terme, et résulte d’une tentative sans cesse réitérée, sans cesse réorientée, de compréhension du règne végétal.

En fait d’ouvrage, on pourrait presque dire qu’il y en a deux : d’une part, la promenade buissonnière à laquelle l’auteure nous convie ; d’autre part, des miscellanées, de sorte que l’ensemble se prête aussi bien à une lecture suivie et linéaire qu’à une déambulation erratique et glaneuse.

Narcisse et Écho, Markus Lüpertz (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 11 Mai 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Narcisse et Écho, Markus Lüpertz, L’Atelier contemporain, juin 2020, 608 pages, 30 €

 

Écrire : une expérience

Parcourir l’ensemble des presque 600 pages des écrits de Markus Lüpertz est une possibilité donnée au lecteur de suivre à la fois le destin de la vie d’un peintre, et voir se dérouler une vie d’artiste au milieu de son expression qui évolue lentement vers une forme de discours versifié. Pour le dire tout de suite, j’ai aimé au fil du temps et des pages comment se construisait un monde arc-bouté et aboutissant à une poésie, une forme de vers libres. Cette méthode est d’autant plus intéressante qu’elle est capable de mettre l’accent aussi bien sur les conceptions de l’auteur au sujet de la peinture, évidemment, mais aussi au sujet du théâtre, de disserter sur la philosophie, ou faisant l’apologie de certains artistes, allant jusqu’à la poésie comprise comme poésie pour elle-même. Dès les premières pages j’ai vu que ce livre était avant tout le témoignage d’une expérience originale, avec ses risques, ses angoisses, pari pascalien, faisant état d’une foi dans l’écriture, et pariant sur ce choix, d’un artiste se formant en en passant aussi par le soin et les servitudes d’écrire. Puis j’ai été surpris de retrouver ce terme d’expérience, auquel s’ajoutait le mot universelle, à la toute fin de l’ouvrage. Aventure de mots donc qui souligne et détoure l’activité du peintre.