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Les Livres

Le Livre des anges, suivi de La Nuit spirituelle et de Carnet d’une allumeuse, Lydie Dattas (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Le Livre des anges, suivi de La Nuit spirituelle et de Carnet d’une allumeuse, juin 2020, 272 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Lydie Dattas Edition: Gallimard

 

Lydie Dattas et le cirque du monde

Aux marivaudages, Lydie Dattas préfère les gouffres obscurs de la poésie et la beauté de l’existence telle qu’elle est : « Percé de soleil rouge, mon verre de grenadine m’était une Sainte-Chapelle ». Et comme son héroïne de Carnet d’une allumeuse, elle peut se délecter de ses larmes.

Néanmoins, servant d’alibi sublime à la poétesse, l’adolescente expérimente l’avidité irrépressible du mâle pour en connaître les tenants et aboutissants. Elle peut se laisser faire lorsqu’un mâle force ses cuisses d’un genou en mâchonnant ses lèvres sous un porche. Mais qu’il prenne garde…

D’autant que pour l’auteure, l’Allumeuse est redéfinie. C’est celle qui éclaire, qui donne de la lumière. Et les trois livres (majeurs) réunis ici, l’amie de Genet, l’ex-épouse d’Alexandre Romanès avec lequel elle créa le cirque Bouglione, tourne ainsi autour du mystère des désirs loin des stéréotypes d’usage.

Œuvres, Rabindranath Tagore (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Œuvres, Rabindranath Tagore, Gallimard, coll. Quarto, février 2020, trad. anglais et bengali par un collectif de traducteurs, édition de Fabien Chartier, préface de Saraju Gita Banerjee et Fabien Chartier, 1632 pages + 16 pages hors texte, 122 ill., 31 €

« Mon chant a dépouillé ses parures. Je n’y mets plus d’orgueil », confie Rabindranath Tagore (1861-1941) : voici une certaine forme de théâtre. Voici maintenant quelques-unes des notes prises par Franz Marijnen, à Bruxelles, pendant un cours donné par Jerzy Grotowski et son collaborateur Ryszard Cieślak, en 1966 : « [I]l est très important de ne jamais faire quelque chose qui ne soit pas en harmonie avec votre impulsion vitale, quelque chose que vous ne puissiez pas justifier vous-même. Nous sommes liés à la terre. Quand nous sautons en l’air, elle nous attend. Chaque chose que nous entreprenons doit être faite sans trop de hâte, mais avec un grand courage ; autrement dit, pas comme un somnambule, mais avec toute notre conscience, dynamiquement, comme le résultat d’impulsions définies. Nous devons graduellement apprendre à être personnellement responsable de tout ce que nous faisons. Nous devons chercher ». Grotowski écrit lui-même dans Vers un Théâtre pauvre (titre précieux entre tous) : « C’est en même temps quelque chose de […] difficile à définir, mais néanmoins très tangible du point de vue du travail. C’est l’action de se mettre à nu, de se dépouiller de protections de la vie quotidienne, de s’extérioriser. Non pas ‘pour se montrer’, car ce serait de l’exhibitionnisme. C’est un acte sérieux et solennel de révélation ».

Le « Portrait d’un jeune homme » de Rembrandt, Jan Six (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 15 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Arts, Payot

Le « Portrait d’un jeune homme » de Rembrandt, Jan Six, 160 pages, 20 € Edition: Payot

 

 

Si différentes soient-elles (l’une s’inscrit dans l’espace, l’autre se déploie dans le temps), la peinture et la littérature ont en commun de susciter des querelles d’attribution. Mais les conséquences ne sont pas les mêmes : qu’un texte soit ou ne soit pas de Corneille, de Montesquieu ou de Zola n’a qu’un impact marginal. Tout au plus rend-il caducs les volumes d’Œuvres complètes publiés en Pléiade ou par d’autres grands éditeurs. En 1996, un chercheur américain avait proposé d’attribuer à Shakespeare un texte mineur connu de longue date, A Funeral Elegy (1612). Le débat s’était conclu par le rejet de cette hypothèse, mais avait permis (aurait-ce été le but ?) à Donald W. Foster de voir sa photographie dans les grands médias, posant en Hamlet, crâne en main et mortier sur la tête, obtenant ainsi un peu plus que le quart d’heure de célébrité promis à chacun, selon Warhol.

Pas de femmes parfaites, s’il vous plaît, Lettres de profonde superficialité, Jane Austen (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Juin 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Pas de femmes parfaites, s’il vous plaît, Lettres de profonde superficialité, Jane Austen, éd. L’Orma, mars 2020, trad. anglais, Louise Boudonnat, Delphine Ménage, 64 pages, 7,95 €

 

Lettres épigrammatiques

Les éditions franco-italiennes L’Orma diffusent à l’intérieur de jolis « plis » une sélection de textes de penseurs et d’artistes. Ici, il s’agit d’extraits de la correspondance de Jane Austen (1775-1817), qu’elle nomme elle-même : Lettres de profonde superficialité. Dans l’introduction de cet ouvrage, Eusebio Trabucchi campe le climat social, moral et les interactions des mœurs des 18e et 19e siècles anglais, ainsi que la volonté de l’édification des dames. En effet, il était quasi impossible de s’opposer au diktat qui soumettait les femmes aux lois du mariage, à la relégation au foyer et à l’invisibilité. De là, sans doute, naît le recours fréquent au discours indirect (free indirect speech) – forme narrative reprise ensuite par Fanny Burney – qui caractérise le style de Jane Austen, une sorte de mise en abyme de sa personne et de sa pensée, une scission ; un double. Austen se met en retrait, car comprimée par l’ambiance étouffante de l’omniprésence de son entourage, se fait voyante, scrutant les événements de son milieu.

Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Fernando Pessoa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 11 Juin 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Correspondance

Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Editions L’Orma, Coll. Les Plis, mars 2020, trad. portugais, Lorenzo Flabbi, 64 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa

 

Sous jaquette en forme d’une lettre à affranchir, la collection propose après des noms tels que Stendhal, Austen, Leopardi, un ensemble de « lettres », signées Pessoa, Alvaro de Campos, adressées à des amis, à Ofélia Queiros (la seule amoureuse), à sa mère, à des éminents occultistes français ou anglophones.

On n’aura jamais fini d’exhumer de la « grande malle » les trésors d’une écriture qui ne fut à peu de choses près jamais publique (mis à part les contributions à des revues « Orpheu », « Presença », deux plaquettes de poèmes en anglais, une publication poétique tardive, Mensagem, un an avant son décès).

Depuis, nombre d’éditions du Livre de l’intranquillité du semi-hétéronyme Bernardo Soares, des poèmes (en Pléiade), chez les éditeurs La Différence et Bourgois… sans compter des plaquettes bibliophiliques (Fata Morgana…)

Récemment, Livre(s) de l’inquiétude.