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Les Livres

Tandis que j’agonise, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Tandis que j’agonise (As I Lay Dying, 1930), trad. américain Maurice-Edgar Coindreau, 246 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Il faut une certaine audace pour écrire encore sur l’un des romans les plus célèbres et commentés de l’histoire littéraire universelle. Dans tous les cas, il faut au moins avoir quelque chose de nouveau à dire sur cette œuvre – si c’est possible.

C’est là une troisième lecture de cette œuvre de Faulkner. Comme toujours avec cet auteur, aucune lecture réitérée de l’un de ses romans n’est une RE-lecture. On lit, à chaque fois, un autre livre. On suit à chaque fois, un autre fil de narration. On découvre, à chaque fois, des lumières et des ombres qui nous avaient échappé. Mais toujours, toujours, la magie fascinante de l’écriture faulknérienne opère.

On peut dire, après d’autres, que Tandis que j’agonise est une « épopée » burlesque, traversée de scènes du plus haut comique. Certes, ni les personnages, ni la famille Brunden dans sa profonde misère matérielle et morale, ni les événements rapportés n’incitent a priori au rire. La matrone de cette improbable famille qui meurt au son du cercueil que son fils Cash fabrique pour elle est une scène a priori plutôt sinistre. Et c’est dans ce fil paradoxal, cette crête étroite entre tragédie et comédie, que Faulkner nous convie et nous hallucine.

Utopisme et idées politiques, Sergey Zanin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Classiques Garnier

Utopisme et idées politiques, Visite de Pierre-Paul Joachim Henri Lemercier de La Rivière à Saint-Pétersbourg (avec la publication des inédits), Sergey Zanin, 2018, 498 pages, 46 € Edition: Classiques Garnier

 

Il en est des idées utopiques comme de certaines innovations techniques, telle l’extraction de pétrole à partir des schistes : mieux vaut, si l’on souhaite s’y livrer, le faire dans des pays étendus et à peu près vides. C’était bien ainsi que Lemercier de La Rivière (1719-1801) concevait la Russie : un terrain neuf et grandeur nature pour ses expériences politiques. Cet économiste ne s’est pas rendu en Russie (où il séjourna un semestre, de septembre 1767 à mars 1768) de sa propre initiative, mais sur invitation. À la suite de Pierre le Grand, Catherine II – fortement influencée par les physiocrates – avait poursuivi la modernisation (en fait l’occidentalisation) à marche forcée de son empire. Elle s’attacha notamment à réformer le corpus des lois et réunit à cette fin une « Commission législative ». Francophone et francophile, Catherine II n’avait pas écrit sa grande Instruction aux députés pour la rédaction du nouveau corps des lois (1767 – on désigne également ce texte par le premier mot de son titre, le Nakaz) en russe, mais en français. Elle proposait notamment d’abolir le servage, mesure à laquelle la gentilhommerie russe s’opposa. Diderot lui-même fit part de ses Observations sur le Nakaz.

La mère Michel a lu - Flamme ou le travail de nudité, Didier Ayres (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Flamme ou le travail de nudité, Didier Ayres, éditions Arfuyen, 2014, 178 pages, 14 €

« Un chat slavo-gaulois se demande souvent si le ciel ne va pas lui tomber sur la tête » (M. de Buffon, Correspondance et collection privées)

 

« Ai-je reçu l’eau et le sel / l’épée de l’oubli où nous voulions être : la nuit de ce calme siècle / larmes où ne pas tenir : notre amitié des chiens / l’appareil de l’inquiétude ».

« Il faudrait rendre à notre séjour ici, sa nature de mystère et de merveilleux ».

Didier Ayres

 

Traversée

Ouvrir un nouveau recueil – celui-ci l’est – c’est entrer dans la forêt primaire, vouloir la traverser, se voir cerné d’essences anciennes aux parfums inconnus mais entêtants.

Les Falaises, Virginie DeChamplain (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Falaises, Virginie DeChamplain, La Peuplade, février 2020, 224 pages, 18 €

 

« Ma mère est morte, et je n’ai pas encore pleuré », annonce la narratrice à la fin de la première page. Le parallèle avec un autre incipit s’impose, mais assez mal à propos, semble-t-il, comme un tour que nous jouerait l’auteure : si la jeune femme est une étrangère, ce n’est pas à la manière de Meursault.

Elle porte en elle un chaos et une béance : le sentiment de n’être de nulle part, d’être déracinée. C’est l’héritage de sa mère Frida, dont le corps a été retrouvé dans le Saint-Laurent, de sa grand-mère Claire dont elle découvre, dans la maison d’enfance à vider, les cahiers intimes, et de son arrière-grand-mère, venue d’Islande – « une longue histoire d’abandon ». Cette fêlure atavique apparaît comme un destin, un fatum, infligé par un « pays de glace et de volcans », en quoi elle relève d’une vision romantique, séduisante et exaltante : quelque chose de plus grand et de plus fort que soi, qui emporte, et les tempêtes, et les falaises, et le combat toujours perdu, quoique toujours repris… Une vision tragique qui ne va pas, nous semble-t-il, sans une certaine complaisance face à la fatalité, au renoncement, à la facilité de se laisser déborder. Cette complaisance affleure dans le roman de Virginie DeChamplain mais il ne s’y enlise pas : il interroge. Comment vivre avec un « trou dans [s]on ventre » – celui-là ou un autre –, comment vivre sans sentiment d’appartenance ?

Elmet, Fiona Mozley (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Mardi, 05 Mai 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Elmet, Fiona Mozley, janvier 2020, trad. anglais, Laetitia Devaux, 237 pages, 19 € Edition: Joelle Losfeld

 

Ce récit, qu’on prendrait de prime abord pour un conte aux accents bucoliques s’avère être un brûlot social, une tragédie des temps modernes.

Le Comté du Yorkshire est le lieu d’enfance de Fiona Mozley. C’est aussi celui où se déroule cette histoire.

Pas un hasard assurément.

Il suffit de fouiner un peu dans les cinquante dernières années de ce coin d’Angleterre pour mesurer l'ampleur de sa paupérisation : fermetures de sites industriels, âpres luttes de classe, révoltes ouvrières musclées, chômage de père en fils ; alcool et misère ravageant le pays. Il s'y ajoute des « faits divers » donnant froid dans le dos : violeurs et éventreur ont abreuvé ces terres avec des larmes et du sang. Des faits qui ne peuvent que hanter longtemps les esprits et générer des peurs…