Le chant de la femme source, Estelle Fenzy (par Philippe Leuckx)
Le chant de la femme source, L’Ail des ours, juillet 2020, 70 pages, 6 €
Ecrivain(s): Estelle FenzyDeux temps du chant ordonnent ce livre, chant d’une femme qui évoque un passé de rivière, d’été, et l’imparfait convoque tout le paysage affectif et souriant de rencontres au bord de l’eau, tissées du bonheur d’être ensemble.
Dans la douceur des mousses
nous faisions des serments
Nos sangs mêlés parlaient
d’un cœur sauvage
de morceaux d’univers
assemblés sous les aulnes
d’abandon de l’enfance (…)
(p.23)
La seconde partie des textes sert d’écho présent à ce qui fut autrefois vécu : les appels, au présent, sont autant de perches lancées (« M’entends-tu ? » ou « Je t’attends »), « à rebours », dit la poète, comme pour unir deux saisons, comme pour jointoyer les « bribes », les « morceaux » aujourd’hui désassemblés :
Je chante
pour que tu m’embrasses
avant que ma voix ne s’éteigne
comme les cheveux des fontaines
gelés dans leurs peignes (…)
(p.49)
Lyrique, cette poésie se nourrit de terre, d’eau, d’un « parfum d’humus », « de petits ruisseaux blessés », et « le jus de mirabelles » offre sensualité à ces textes, comme en réponse à l’imparfait qui déversait aussi « le lait des solitudes », même au cœur des étreintes passées.
Nature et sentiments conjoints, comme les mains, comme les mots qui « cousent » l’aventure d’aimer, en dépit de tout, de sa brièveté et de ses ressources, une fois passée, et que l’heure de la rameuter offre encore des perles.
Philippe Leuckx
Estelle Fenzy, poète française, auteur, entre autres, de : Mère (2017), Poèmes western (2018), Gueule noire (2019).
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