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Les Livres

La quête infinie de l'autre rive, Sylvie Kandé (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Dimanche, 17 Avril 2011. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, Gallimard

La quête infinie de l’autre rive, Ed. Gallimard Continents noirs, 2011, 107 p., 13,90 € . Ecrivain(s): Sylvie Kandé Edition: Gallimard

 

C’est sous-titré « épopée en trois chants » ; une manière juste de décrire cette œuvre vibrante de sensibilité et tout en rythme. La quête infinie de l’autre rive est pour ainsi dire un récit sans cesse sur mer. Quand les hommes sont décrits les pieds sur la terre ferme, c’est qu’ils sont au bord de l’océan, dans la fièvre des préparatifs du départ, ou à l’arrivée, au terme d’une immense expédition, débarqués sur une terre inconnue.

L’ouvrage est dédié à Joseph Ki-Zerbo, un des grands historiens africains. L’auteur elle-même a fait des études de lettres classiques et d’histoire. Celle-ci fonde son récit. On ne peut en comprendre tout à fait la trame sans le rappel d’un fait semble-t-il historique. C’est un épisode de l’histoire de l’empire du Mali (XIIIè-XVè siècle) fondé par le fameux Soundiata Keïta ; empire extrêmement vaste qui s’étendait sur les territoires actuels du Mali, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée, de la Mauritanie et d’une bonne partie de la Côte d’Ivoire. L’un des descendants de Soundiata, Aboubakar II, vers 1310-1312, organise deux expéditions pour, dit-on, voir les limites de l’océan. La première disparaît sans laisser de trace ; la seconde qu’il dirige lui-même… C’est justement ce qu’entreprend de conter Sylvie Kandé dans La quête infinie de l’autre rive.

Amour, Hanne Orstavik (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 16 Avril 2011. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Les Allusifs

Amour, 2011, 134 pages, 14 € . Ecrivain(s): Hanne Orstavik Edition: Les Allusifs

 

Libéré de l’espoir… non, le petit Jon est trop jeune pour penser cela, penser que c’est cela qui s’installe dans sa tête quand il se couche, au seuil de sa porte, dans la nuit glaciale : il aura neuf ans le lendemain.

Il en a rêvé, de ce train électrique pour son anniversaire, ce train qui siffle dans son esprit et qui les emporte, Vibeke, sa mère et lui. Loin d’ici, dans cet endroit reculé de Norvège où l’on dirait que l’hiver et la nuit ne finiront jamais… Vibeke, sa mère, il ne l’appelle pas autrement, ne pense à elle que sous ce prénom. Une seule fois, vers la fin, il pensera « maman ». Ces deux-là ne se sont pas trouvés, ne se retrouvent pas. Leurs routes se croisent, à un moment, mais implacable, le destin les trace et les traque.

Le fil du récit passe de la mère au fils, enchevêtrant leur soirée d’abord légèrement, puis effroyablement. On assiste, impuissant, à l’inéluctable.

L'Homme mouillé, Antoine Sénanque (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Samedi, 16 Avril 2011. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman, Grasset

L’homme mouillé – 207 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Sénanque Edition: Grasset

 

« Kafkaïen ». Le mot est utilisé à toutes les sauces au moindre semblant de mystère qu’on redoute de l’employer. Veut-il encore dire quelque chose ? Mais force est de constater qu’il sied parfaitement au livre d’Antoine Sénanque, L’homme mouillé. Le point de départ évoque celui de La Métamorphose de Kafka : un homme est frappé tout à coup d’un mal inexplicable qui va bientôt devenir son identité même. A l’instar du kafkaïen Gregor Samsa qui se réveille un matin dans la peau d’un insecte, le héros de L’homme mouillé, le hongrois Pal Vadas, lui, dégouline soudain de sueur. Mais pas de n’importe quelle sueur. C’est une sueur abondante, qui coule de toute sa peau et même de ses ongles, et qui coule, coule, coule, quitte parfois à provoquer des inondations et dévaster son appartement. D’ailleurs, techniquement parlant, ce n’est pas tout à fait de la sueur, mais de l’eau de mer, algues comprises.

Son médecin n’y comprend rien, évoque un mystère qui défie la raison. Un mystère qui s’enrichit d’une dimension psychanalytique car cette sudation inexplicable a fait son apparition le 12 mars 1938, le jour de l’anniversaire de la mort du père de Pal Vadas, tombé au champ de bataille lors de la première guerre mondiale. Et ce même jour, il reçoit un courrier lui annonçant la mort de son père…

Purge, Sofi Oksanen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 13 Avril 2011. , dans Les Livres, Recensions, Pays nordiques, Roman, Stock

Purge. 2010. 21 € . Ecrivain(s): Sofi Oksanen Edition: Stock

 

« Purger : purifier par élimination des matières étrangères ».

Or, qu’est-ce que l’amour (pour Aliide) sinon cela, une « matière étrangère » qui l’envahit, la comble, l’obstrue.

Dans ce livre, bien sûr il est question de la malédiction d’être femme, une femme en territoire occupé, mais le cœur, le corps ne sont-ils pas aussi territoires occupés quand l’amour advient ?

Avant tout, histoire d’amour âpre, fou, rude. Aliide aime comme une bête, tombe amoureuse de Hans, et cela la conduit à la dénonciation, à faire en elle la part belle à ce qui la dévore, brutalement.

Ce n’est rien, trahir sa sœur, prendre ses biens et sa place, ce n’est rien, vendre, et ce n’est rien non plus tuer l’homme qu’elle aime si elle peut continuer à vivre avec lui, près de lui.

Car, croit-elle vraiment à cette « autre vie », à ce « nouveau départ » dans une ville qui les cachera, Hans et elle, et les engloutira dans l’oubli ? Quand elle lit le cahier secret où Hans avoue sa méfiance envers elle, Aliide hurle son amour déçu, perdu, elle le recrache comme on s’exorcise, comme si elle accouchait d’un enfant mort-né. Et dans le cagibi où elle cachait Hans jusqu’à l’improbable fuite, elle l’enterre vivant.

The Corner, David Simon & Ed Burns (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Jeudi, 07 Avril 2011. , dans Les Livres, Recensions, Polars, Essais, La Une Livres

The Corner, Enquête sur un marché de la drogue à ciel ouvert. 396 p. 21 € – Florent Massot . Ecrivain(s): David Simon & Ed Burns

 

De temps en temps, il est bon de refermer ses livres et de s’installer devant la télé. Avec la série américaine Sur Ecoute (The Wire en VO), elle atteint des sommets. Seuls quelques très grands films peuvent rivaliser avec. On peut l’affirmer également haut et fort : Sur Ecoute écrase la très grande majorité de la production littéraire. Qu’en déplaise aux puristes, elle peut légitimement être placée au même plan que des œuvres de Dostoïevski. Parfaitement !
Créée par le journaliste David Simon et Ed Burns, un ancien inspecteur de police, la série a été scénarisée par des pointures du polar Outre-Atlantique : Richard Price, Dennis Lehane, George Pelecanos. Et ça se voit. Les personnages sont finement écrits. Avon Barksdale, Stringer Bell, McNulty, Omar, Leaster Freamon, Kima Greggs. Marlo Stanfield, le lieutenant Cedric Daniels, Roland « Prez » Pryzbylewski, Tommy Carcetti… pour n’en citer que quelques-uns (et il y en a tant d’autres !) : chacun est une véritable série dans la série à lui seul. Transpirant d’humanité, ils évoluent en fonction des situations auxquelles ils sont confrontés et le téléspectateur change de point de vue sur eux au fur et à mesure.
Les dialogues sont écrits au cordeau et les intrigues menées avec un sens implacable du récit. Le tout dans une ambiance jazzy qui prend son temps. Sur écoute n’est pas une de ces séries qui va à toute allure à la 24. C’est ce qui ne la rend que plus addictive.