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La loi sauvage, Nathalie Kuperman

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Gallimard

La loi sauvage, août 2014, 208 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Nathalie Kuperman Edition: Gallimard

 

Un matin d’octobre, une phrase prononcée par une femme à l’encontre de la fille de l’héroïne du roman et narratrice du récit déclenche une bombe à retardement. Votre fille, c’est une catastrophe. Voici ce qu’annonce l’institutrice à la mère, croisée dans la rue un mardi matin. Cette « sentence » va entraîner chez la mère un travail intense d’introspection. Vont se bousculer dans sa tête une foule de réflexions sur ses relations avec sa fille, avec son métier, avec les autres, avec sa vie.  De façon inattendue, ce sera l’occasion d’un retour sur sa propre histoire, sa propre enfance.

La mère, personnage central du roman, veut comprendre et se comprendre. La loi sauvage de Nathalie Kuperman déroule pour le lecteur le récit de cette quête intime et éminemment politique.

On se déplace peu dans ce roman. Pas de longues randonnées sauf intérieures. On arpente la rue qui conduit à l’école, parfois on fait une halte. Café pour se doper, cigarette pour se protéger par un écran de fumée. Terrasse pour reculer le moment de la confrontation avec la sorcière. On pénètre à peine dans la salle de classe, la plupart du temps on l’imagine. Sauf nécessité, la mère et la fille restent enfermées de longues heures dans l’appartement qui leur sert de cocon protecteur.

Grains de fables de mon sablier, Jean-François Mathé

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse, Carnets du dessert de lune

Grains de fables de mon sablier, illustrations de Charlotte Berghman, novembre 2014, 78 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jean-François Mathé et Charlotte Berghman Edition: Carnets du dessert de lune

 

Petit format à glisser dans la poche, beau papier, belles illustrations colorées et de la poésie tout plein, pour les enfants jusqu’à 103 ans.

En poésie, on voyagera, Nos rêves sont les seuls voiliers/Que le tour du monde désire, on voguera sur le Nil, même si c’est sur un lit, /Moitié face, moitié profil, /Bloqué par un torticolis. On appréciera le petit déjeuner servi par l’hôtesse de l’air Un croissant de lune/Dans un bol de thé. /Et si l’on est sage, /Avec notre thé/ On aura du lait, / mais juste un nuage.

On ne manquera pas de comprendre l’étonnement du chien à qui on ne donne jamais sa langue et qui ne voudra pas avoir pour copain le rouge-gorge qui n’aide à rien, il fait le beau/ Et quand je l’ignore, il babille.

Ces grains de fables s’écoulent au fil des pages, tantôt moelleux, tantôt croquants, souvent drôles et portés par des courants d’air de joyeuse impertinence, car le vent ne renonce pas à enseigner la liberté/À tout ce que l’on tient en cage, mais également mêlés de quelques pointes de cruauté, quand par exemple sous la dent, le grain cachait un petit ami : trop tard on l’a avalé !

Le Maître du Jugement Dernier, Leo Perutz

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Zulma

Le Maître du Jugement Dernier (Der Meister des Jüngsten Tages. 1923) Traduit de l’allemand par Jean-Claude Capèle, Novembre 2014. 205 p… 8,95 €. . Ecrivain(s): Leo Perutz Edition: Zulma

 

Il faut dire d’abord et essentiellement le bonheur que procure ce bijou littéraire. Leo Perutz nous plonge dans les délices d’un roman gothique, éblouissant d’habileté et d’élégance narratives, terrible et inquiétant pour nous tenir en haleine jusqu’au bout.

Perutz est un grand écrivain. La virtuosité que l’on connaissait du « Judas de Léonard » ou du « Tour de cadran » par exemple est ici intacte. Il est d’usage de rapprocher Perutz de Kafka. Les rapprochements spontanés ici sont plutôt du côté de Poe ou de Maupassant. Le Horla plane sur ce roman, avec cette obsession qu’avait le XIXème pour le dédoublement de personnalité. La mise en place narrative, sorte de voix off du narrateur, est un premier dédoublement énonciatif : le narrateur semble ne plus croire vraiment à ce qu’il a vécu, semble en tout cas s’en dissocier pour ne pas avoir à revivre, même en mémoire, l’épouvante qu’il a traversée. La technique est rigoureusement la même que dans la troisième et dernière version du « Horla » de Maupassant :

Mousseline et ses doubles, Lionel Edouard Martin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions du Sonneur

Mousseline et ses doubles, septembre 2014, 293 pages, 17 € . Ecrivain(s): Lionel-Edouard Martin Edition: Les éditions du Sonneur

 

 

Un auteur dont on a aimé, dans de précédents livres, les thèmes et l’écriture, l’originalité. Petite musique, qui lui est propre ; discrète, fine, pour autant marquée ; française, dirons-nous, de belle facture… On ne peut donc que s’être arrêté devant son nouveau livre, et son titre mystérieux, cette Mousseline, une femme, un tissu ? On n’a pas regretté.

Livre à part, dans son déroulé hyper classique de petite saga familiale, traçant son chemin travaillé, des campagnes de la fin du siècle XIX, aux guerres, dont celle d’Algérie, pour échouer – retour aux champs – sur le perron de la maison familiale, « d’où, ces soirs de causette, tes mots sourdaient, tandis que nous sirotions la liqueur de cassis, parmi l’effondrement des bûches, dans cette demeure mal close au vent du nord, où sur la toiture, sifflait cette tuile, appelée localement tuile aux loups… ».

Berceau, Eric Laurrent

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions de Minuit

Berceau, octobre 2014, 96 pages, 11,50 euros . Ecrivain(s): Eric Laurrent Edition: Les éditions de Minuit

« (C’est pourquoi) il me semble que j’étais destiné, dans le fond, à l’adoption plutôt qu’à la génération. Il était dit que je n’allais pas donner la vie, mais que j’en sauverais une.

Je ne ferai donc pas souche, mais greffe ».

Berceau est le récit de cette greffe. L’adoption de Ziad ne sera pas simple, elle passera non sans mal à travers le filet du grand projet de réislamisation des sociétés arabes, par rejet des idéaux séculiers du monde occidental, lancé par les Frères musulmans, le « Printemps arabe » est aussi passé par le Maroc. Durant plus d’un an, l’auteur et sa compagne vont quotidiennement voir et accompagner à la vie leur enfant en devenir. Berceau est ce récit à prendre à la lettre, comme l’on prend à la lettre les romans de l’écrivain.

« Ayant donc compris que j’étais un homme de lettres, autrement dit que les mots exerçaient sur moi une puissance de séduction, Ziad s’est toujours fait fort de me parler, et cela très tôt. Les premiers temps, il n’était pas rare que, ce faisant, des bulles lui vinssent aux lèvres. Enfermeraient-elles des mots ? me demandais-je alors, penché au-dessus de son visage, la main placée en cornet autour du pavillon de l’oreille ».