Une fenêtre sur la mer/Une Anthologie de la poésie corse actuelle, coordonnée par Angèle Paoli
Une fenêtre sur la mer/Une Anthologie de la poésie corse actuelle, Anthologie bilingue (corse/français), décembre 2014, 150 p. 8,00 € (formats disponibles epub, mobi, pdf)
Ecrivain(s): Angèle Paoli Edition: Recours au poème Editeur
Ce sont pas moins de vingt poètes, hommes et femmes nés ou originaires de l’île de beauté qu’a réunis Angèle Paoli dans cette belle anthologie de poètes corses publiée chez Recours au poème Editeurs.
Certains ont écrit directement dans cette langue qu’ils possèdent parfaitement, ainsi pour Alanu di Meglio, Ghjacumu Thiers, Ghjacumu Fusina, Patrizia Gattaceca, Lucia Santucci, Pasquale Ottavi, F.M Durazzo, Stefanu Cesari et Antoine Graziani ; d’autres écrivant en français comme Marianne Costa, Hélène Sanguinetti, J.F Agostini, Marcel Migozzi, Angèle Paoli elle-même, se sont prêtés volontiers à une traduction de leurs textes, participant ainsi à une expérience collective fondée sur l’amitié et l’amour de leur île et de cette langue si particulière. J’ai pris un grand plaisir à me plonger dans cette anthologie et à retrouver une langue qui m’est un peu familière aussi, ayant eu cette possibilité, l’année du bac, de l’étudier, ce qui me permettait de retrouver mes racines siciliennes et sardes.
La préface d’Angèle Paoli présente l’intérêt renouvelé de faire exister ces poètes corses au-delà des frontières. Il convient en effet de revendiquer la légitimité d’une langue aux multiples dialectes qui tend à se fixer grâce à ces hommes et ces femmes qui la mettent à l’honneur. Une langue dont la force d’évocation et la sensualité se révèlent dans des thèmes partagés par tous, l’amour, la mort, la vie, une langue rugueuse et âpre comme le sont les embruns, les tempêtes qui viennent frapper les côtes de cette île au caractère bien marqué.
Sonia Moretti :
Meteurulogica di e cità
a piossa
nè u tempu foscu
di colpu nant’à i so cuntorni citatini
ùn ci la facenu
à dà li un visu indiferente
o orridu chì sia :
e vechje cità anu
issu sigretu di puesia
chì e tene
umane sempre.
Certi lochi
in lu sprufondudi
a so mudernità
in lu caossu di i gesti mecanichi
è infuriati
chì l’anu fatti,
issi lochi quì, ogni sole si sterpa
à vulè li fà accuglienti…
Météorologiques des urbes
la pluie
ni le mauvais temps
tout d’un coup mis à ses contours citadins
ne parviennent à lui donner
un visage sombre ou inhumain
ni même indifférent : les vieilles villes
détiennent ce secret de poésie
qui les garde humaines
toujours.
Certains endroits
dans l’abîme
de leur modernité
le chaos des gestes mécaniques
et pressés
qui les ont faits
ces endroits-là
chaque soleil s’épuise
à vouloir les rendre
accueillants…
Patrizia Gattaceca :
Ecu di e petre
In e mosse turchine
di celi scalaticci
L’esilii stacchicciati
di u mare memoria
cappianu u so schizzu
e spelonche di sale
nantu à i fianchi neri è rozi
di a petra…
Quand la pierre résonne
Dans les secousses bleues
des cieux qui nous débarquent
Les saccades d’exils
quand la mer se souvient
les abîmes de sel
crachent l’eau en giclées
sur les flancs noirs du roc
et ses aspérités…
Annette Luciani :
Et pour le sang obscur des sèves répandues.
Crie le ciel.
Crie la mer.
Le vent dans les cheveux des bois sourds.
Marche mon cœur parmi les arbres
le rythme accoutumé à lui frayer passage.
…
Hurle le vent au ciel –
À la mer
le sang obscur des sèves retenues.
Rêve orange.
Combien lourdes fontaines.
L’eau a le goût de l’encre…
E pe u sangue foscu di e linfe sparse
Grida u celu
Grida u mare
U ventu inda capillera di i boschi sordi.
Marchia u mo core fra l’arburi
U ritmu solitu a fallistrada
…
Urla u ventu in celu –
A u mare
U sangue foscu di e linfe ritenute.
Sognu aranciu.
Quantu pisie funtane.
L’acqua ha u gustu di l’inchiostru.
…
Angele Paoli :
« tu ne sais qui parle en toi quelle voix s’insinue sous les pores quelle parole pour dire
l’inaudible qui se perd »
un sai quale parla in tè chì voce s’infelzasottu à a pelle chì parola per dìl’inascultevule chì si perde
Hélène Sanguinetti :
AUJOURD’HUI, quelque chose de l’île la plus grande se lève, là-bas au fond de l’avenir : horizon. Derrière c’est l’Olympe plus que noir où ça tonne comme tous les après-midi à la même heure.
OGHJI,
calcosa di l’isula a più maiori si pesa, culà ‘n u fundu di l’avveniri : urizonti. Daretu hè l’Olimpu più che neru duva sunitighja com’è ugni dopumeziornu à a stess’ ora
Signalons qu’Angèle Paoli a également collaboré à l’élaboration d’une anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines (Parution : août 2012, Voix d’encre), avec Sabine Huynh, Andrée Lacelle et Aurélie Tourniaire, en partenariat avec la revue numérique de poésie qu’elle dirige : Terres de Femmes
Marie-Josée Desvignes
20 poètes corses :
Jean-François Agostini
Joël Bastard
Stefanu Cesari
Marianne Costa
Alain di Meglio
François-Michel Durazzo
Jacques Fusina
Patrizia Gattaceca
Jean-Louis Giovannoni
Antoine Graziani
Annette Luciani
Danièle Maoudj
Marcel Migozzi
Sonia Moretti
Pasquale Ottavi
Angèle Paoli
Hélène Sanguinetti
Lucia Santucci
Marie-Ange Sebasti
Ghjacumu Thiers
Recours au Poème éditeurs/Abonnement : http://www.recoursaupoemeediteurs.com/
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