Hommage de l’Auteur absent de Paris, Emmanuelle Allibert
Hommage de l’Auteur absent de Paris, janvier 2015, 216 pages, 18 €
Ecrivain(s): Emmanuelle Allibert Edition: Léo Scheer
Cinquante nuances de frais
Emmanuelle Allibert l’écrit elle-même avec une simplicité confondante (page je ne sais plus combien je n’ai pas noté je suis mal organisé) : elle est une attachée de presse hors pair. Mais pas seulement ! Car elle a écrit un livre fort amusant. Très distrayant, sur un milieu où elle marigote depuis longtemps.
Hommage de l’auteur absent de Paris raconte cet éprouvant cocktail de course de fond et de 110 mètres haies, qu’elle connaît fort bien, auquel se livre tout écrivain. Car la route est longue et la pente est raide comme disait un ancien Premier ministre. Parfois pour écrire. Souvent pour trouver un éditeur. Toujours pour vendre un livre perdu au milieu de milliers d’autres (nettement moins bons cela va de soi).
Bref, l’écrivain mène une vie harassante et se donne un mal de chien pour un résultat qui comble rarement ses espérances.
L’Auteur (car elle écrit l’Auteur avec un grand A comme Allibert) est confronté à toutes sortes de situations plus vraisemblables les unes que les autres. Les citer toutes serait fastidieux il y en a une cinquantaine ( il participe à un salon, il est amoureux, il plagie…).
L’Auteur devient même coach littéraire en sabordant des manuscrits déjà mauvais et il conseille « des livres idiots à un public non moins stupide qui ne différencie par Alexandre de Mireille Dumas ». Pauvres lecteurs que nous sommes.
L’Auteur est adapté au cinéma et son chef d’œuvre « Mes après-midi de solitude » devient la daube « J’suis un raté mais je me soigne ». Il est consterné mais le producteur le rassure : « Comme disait Kubrick, j’ai toujours fait d’excellents films avec de très mauvais livres ». Ô monde cruel.
La description apocalyptique de l’Auteur passant à la télévision est un grand moment. De solitude pour l’Auteur. De rigolade pour le lecteur (avec un petit l). Si Ruquier vous invite, Emmanuelle, prévenez-moi je viendrai avec un remontant pour ranimer la femme comme Hollande sur le tombeau de l’Auteur inconnu.
L’Auteur est pauvre : son dernier livre s’en vendu à moins 664 exemplaires (pour le calcul se reporter à la page 129, là j’ai relevé le numéro bandes de médisants) mais peu importe car « le génie se s’associe qu’à l’indigence ». L’Auteur est pauvre mais propriétaire de son appartement et il part en décembre à Gstaad, en février à l’Ile Maurice et en avril à Mikonos. Et l’été où bon lui semble car l’Auteur ne s’abaisse pas à exercer un emploi salarié – quelle horreur ! – il a donc du temps libre.
Ça lui permet de se regarder à la télévision entre un écrivain médiocre qui vend des dizaines de milliers d’exemplaires avec ses quinze mots de vocabulaires et une demi tapineuse qui raconte toujours son histoire de viol et d’inceste (des noms des noms !).
A la fin du livre l’attachée de presse franchit le pas et fait du saut en Auteur car elle a rencontré une éditrice qui lui a dit « j’aime beaucoup ce que vous faites » (classique) et « votre intelligence n’excède que votre beauté » (aucune éditrice ne m’a jamais sorti un truc pareil, j’ai pas dû frapper aux bonnes portes). Comme elle donne son nom je vais lui écrire fissa !
Ce livre n’a qu’un défaut : il peut décourager d’écrire. Car il faut être fou ou maso pour persévérer dans cette voie. Attachée, moi… On comprend mieux les rêves secrets d’Emmanuelle Allibert.
Il faut croire que travailler pour l’éditeur de 50 nuances de Grey laisse des traces.
Fabrice del Dingo
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