« C’est alors que… – et là est le pouvoir du récit, ou le destin d’un Grand Homme – c’est alors qu’il découvre sur le guéridon la lettre de Marie Le Jars de Gournay. A 16 heures précisément, son cœur se met à battre à la volée. La lettre d’une jeune femme : Cher Maître, Michel est flatté, j’ai vingt-trois ans et j’ai tout lu de vous (Il y a une légère confusion orthographique entre “lu” et “bu”, Michel préfère y lire “bu”) ».
C’est alors que… c’est alors que la foudre frappe le moraliste. Un nouveau coup de foudre, d’une toute autre nature que celui provoqué par la rencontre avec Etienne de La Boétie, d’une nature plus charnelle. Marie de Gournay a lu et ne cesse de lire les Essais, Andréa Marot, projection romanesque de Claire Tencin, en sait beaucoup sur Montaigne, mais très peu de Marie, cette femme savante. Au hasard des rencontres, elle est saisie par l’histoire de cette fille par alliance et son Proumenoir de Monsieur de Montaigne, miroir où se déploie l’arc électrique de la passion amoureuse. Les Essais électrisent Marie de Gournay. Elle ne cessera de vouloir vérifier si le corps de Montaigne peut s’accorder à cette admiration, comme celui de l’amant de Bordeaux d’Andréa. Il y a de l’électricité romanesque dans l’air, et Claire Tencin va en quelques éclairs saisir ce qui s’est joué entre le Maître et son élève et ce qui se joue entre Andréa et son professeur. Quand j’admire, j’admire, quand j’écris, j’écris, quand j’aime, j’aime, le réel est toujours à prendre à la lettre et au sérieux.