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Mécanismes de survie en milieu hostile, Olivia Rosenthal

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 16 Octobre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Verticales

Mécanismes de survie en milieu hostile, octobre 2014, 192 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Olivia Rosenthal Edition: Verticales

 

 

Si vous cherchez un livre qui vous apporte le confort et l’oubli des contraintes du jour, un livre reposant, qui vous offre le plaisir de l’instant, avec une intrigue linéaire qui se dévoile peu à peu et vous conduise pas à pas vers une fin paisible et prévisible, avec un narrateur omniscient qui agite des personnages comme un marionnettiste qui a tout pouvoir, qui connaît d’avance chaque mouvement des corps et des esprits, alors ne vous précipitez pas d’acheter le dernier roman d’Olivia Rosenthal, Mécanismes de survie en milieu hostile, paru en août de cette année. Vous n’y trouverez pas du tout ce que vous cherchez.

Par contre, si vous n’avez pas peur d’être bousculé, chahuté, alors, n’hésitez pas un instant, vous serez comblés. Au fil des pages, vous basculerez dans les méandres de vos mémoires refoulées, de vos sentiments les plus intimes et les plus inavouables, dans vos terreurs les plus archaïques.

Le cercle des tempêtes, Judith Brouste

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 16 Octobre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Le cercle des tempêtes, septembre 2014, 208 pages, 17 € . Ecrivain(s): Judith Brouste Edition: Gallimard

 

« Ainsi c’est Frankenstein qui m’apprit à mourir et à renaître. C’est sa mort, dans les eaux glacées fictives d’une scène, qui m’a fait résister au monde tel qu’il se présentait pour accéder à celui de l’invisible. Dans la peur et la conscience du danger. Je vis que dans l’histoire on avait le droit de se révolter pourvu qu’on joue sa vie ».

Naissance du roman : une ville, un corps, une tempête théâtrale dont les éclats scintillent de page en page, mais aussi, un poète en disgrâce et en Acte permanent, des amours gagnés et perdus, des passions, et une certitude chevillée à la peau : la littérature sauve des tumeurs du monde. De Bordeaux à Londres en passant par Naples et Rome, la vie incandescente du Cercle des tempêtes embrase les corps et les idées, celles de Shelley, Fanny, Harriet, Mary, Byron, guerre sociale permanente dans l’Europe du début du 19° siècle. Frankenstein, Prométhée délivrée, Les Cenci, ils sont là sous nos yeux ces livres de tous les dangers qui flamboient sous la main romanesque de Judith Brouste, qui sait qu’être attentif aux révoltes qui se lèvent revient à être soucieux de la manière dont tout cela se vit et s’écrit.

Orpheline, Marc Pautrel

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 13 Octobre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Orpheline, octobre 2014, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

Dans le précédent roman de Marc Pautrel, Polaire (Gallimard, collection L’Infini, 2012), il y avait un bref instant par quoi la joie s’imposait, par quoi le narrateur tutoyait, dans son corps entier, des pleurs de joie, une joie pascalienne et enfantine tout à la fois :

« Je continue de croire qu’un jour quelque chose va arriver entre elle et moi. Je sais que c’est écrit. Tous les fleuves coulent vers la mer. Simplement, je ne sais pas quand la chose se passera, peut-être dans un mois, peut-être dans dix ans. Les existences sont animées par des moteurs aux soubresauts étranges et aux développements non prédictibles. Un dimanche d’octobre, vers midi trente, elle m’appelle enfin, elle vient de monter dans le tramway à la gare, elle arrive de Dordogne, elle est descendue du train cinq minutes avant, elle voudrait qu’on se voie. Je suis en train de manger, je lui propose de la rejoindre dans l’après-midi. Elle voudrait plus tôt, elle voudrait maintenant, je lui dis : D’accord, le temps d’arriver. Elle répond : Je t’attends. Je saute de joie, au sens propre, comme chaque fois que je sais que je vais la voir de nouveau : tout seul dans mon salon je fais de petits sauts verticaux, à la façon des Massaï du Kenya, trampoline sur un sol devenu soudain élastique, le corps bien droit, comme une succession d’ascensions fulgurantes et de plus en plus élevées, je saute, je bondis, je chantonne, je ris tout seul. Je suis plus heureux que si je venais de ressusciter d’entre les morts. Mais cette fois-ci, ma joie est encore plus forte que d’habitude, je sais que l’instant que je vis est un instant sacré ».

La science expliquée à mes petits-enfants, Jean-Marc Lévy-Leblond

Ecrit par Christophe Gueppe , le Samedi, 11 Octobre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Seuil

La science expliquée à mes petits-enfants, septembre 2014, 102 p. 8 € . Ecrivain(s): Jean-Marc Lévy-Leblond Edition: Seuil

Qui ne rêverait d’avoir un grand-père comme Jean-Marc Lévy-Leblond, aussi sage et aussi savant, et qui ne souhaiterait avoir une petite fille aussi curieuse, instruite et intelligente que celle qui nous est présentée ?

Sur quoi porte leur discussion très enrichissante ? Sur la science, sur ce qu’elle est aussi bien que sur les processus par lesquels elle se fait. De ce point de vue, J.M. Lévy-Leblond se présente, dans cet ouvrage, à la fois comme un scientifique, tant au niveau théorique que pratique, comme un historien des sciences, un philosophe, un pédagogue, mais aussi un homme, pétri de sensibilité, de moralité et de sens civique.

Ce sur quoi il veut insister, en tout premier lieu, c’est sur la complexité du travail d’un scientifique. C’est cette complexité qui fait que, aujourd’hui, la science dans ses avancées demande une très grande spécialisation, mais aussi un travail de collaboration. Aucun scientifique actuel ne peut prétendre dominer l’ensemble de sa discipline, ou même simplement une branche de celle-ci. Ses connaissances très pointues vont donc de pair avec une profonde cécité, qui demande de sa part beaucoup d’humilité, comme il le dit à un moment : « Ce furent plusieurs mois de déprime avant qu’un chercheur renommé ne m’explique amicalement que c’était normal et que le travail de recherche consiste précisément à passer le plus clair de son temps à ne pas trouver, à ne même pas savoir exactement ce qu’on cherche, et pire encore, à se tromper ».

Le Regard de Midi, LEE Seung-U

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 10 Octobre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Roman, Decrescenzo Editeurs

Le Regard de Midi, traduction du coréen CHOI Mikyung et Jean-Noël Juttet, mai 2014, 133 pages, 15 € . Ecrivain(s): Lee Seung-U Edition: Decrescenzo Editeurs

 

« Affirmer que j’allais là-bas pour une cure, était-ce dire la vérité ? Jusqu’à quel point était-ce vrai ? A quelle strate de la vérité cette affirmation appartenait-elle ? Etait-elle vraie pour tout le monde ? En tout cas, elle ne l’était pas pour moi. Ni pour ma mère. N’empêche que lorsque P. m’a demandé pourquoi je voulais y aller, j’ai répondu, pour faire une cure, et je n’ai pas éprouvé de remords ».

Partir pour trouver un nom et un visage. Le nom, le visage, le regard du père, et pour cela passer par la maladie et la douleur. Han le narrateur du roman de LEE Seung-U fait ce voyage armé de quelques lectures troublantes : Rilke, Gary, Kafka, et accompagné du bacille qui le colonise. Partir pour trouver ce qui l’empêche de marcher, une perte, un doute, un pressentiment, comme une frontière militaire qui sépare sa Corée de l’autre. Le Regard de Midi est un livre où le moindre geste, la moindre parole, l’acte de vie est saisi par ce tremblement, cette terreur souterraine, signe que la maladie fait son chemin. Tout y est gris, sombre, désespéré, même si par instants le narrateur laisse son regard s’illuminer par les éclats de la nature qui l’entoure.