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Les Chroniques

Femmes, Nizar Kabbani (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 27 Janvier 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie, Pays arabes

Femmes, Nizar Kabbani, Arfuyen, novembre 2020, trad. arabe, Mohammed Oudaimah, 68 pages, 12 €

 

Mais pour elle, – de moi vers elle, – oserai-je dire et observer ! Elle, qui retint plus que tout ami en moi ; que j’appelle sœur aînée délicieuse ; que je sers comme Princesse, – ô mère de tous les élans de mon âme […]

Victor Segalen

 

Du féminin

Nous savons que le poète, qu’il soit oriental ou occidental, taille le monde pour le rendre à lui-même, augmenté de la parole imagée. Ainsi, ce sont les grands sujets qui hantent souvent l’enfant d’Apollon. Il est près du beau, de la jouissance esthétique. Ce recueil de 25 poèmes de Nizar Kabbani illustre très bien cette situation donnée au créateur. Là, il peut ouvrir le vaste chant, le vaste champ d’investigation du féminin, à la fois grâce au désir, au souffrir, au pleurer, à toute formes de liens, liens plus forts que le désir lui-même, peut-être. Femmes est de cette espèce.

La nuit shakespearienne et le cinéma de Kurosawa-II A tale told by an idiot : la langue, la scène, la prophétie (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 26 Janvier 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

En un sens, on pourrait dire que le drame shakespearien embrasse une période plus longue que le seul moment de la pièce. Le statu quo de la tragédie, qui s’établit sinon immédiatement, du moins après quelques scènes, repose sur une privation : Hamlet sans père, Lear sans enfants, Macbeth sans roi. Cette privation suppose donc un état antérieur où les éléments étaient encore réunis et mêlés : tel est le propre de l’apocalypse, qui renverse un ordre établi et instaure le chaos comme nouvel ordre. Comment ce renversement advient-il ? Par une triple modification à l’œuvre chez Shakespeare et Kurosawa, habilement orchestrée par le narrateur : modification du discours, du personnage et du réel.

 

Le miel et la ciguë

« Look with thine ears » (1)

 

La disproportion entre l’origine de l’intrigue shakespearienne et le déchaînement des forces qui suit a de quoi surprendre. Il suffit d’un mot à Iago pour tromper Othello, d’une phrase à Cordelia pour décevoir son père, d’un oracle à Macbeth pour le pousser au crime. Autrement dit, la mort vient par l’oreille : au sens figuré dans Othello, King Lear et Macbeth ; au sens propre dans Hamlet puisque Claudius verse du poison dans les oreilles du roi (2).

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Janvier 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec, L’Ollave, Domaine croate/Poésie, octobre 2020, trad. croate, Vanda Mikšić, Brankica Radić, Martina Kramer, 144 pages, 15 €

 

Univers, construction d’univers

Mon sentiment à l’égard de cette publication en français du poète croate Branko Čegec a été duel : d’un côté, par un désir d’examen, car je cherchais par quelle arrête littéraire je pourrais trouver le cœur de la construction de cet univers, puis, en renonçant à m’occuper de généralités et passant outre le peu de connaissance que j’avais des lettres croates, je me suis senti désigné par ces poèmes au fur et à mesure, d’autant que le style du poète a évolué entre 1980 et 2020. Les derniers recueils sont proches, pour moi, des grands littérateurs de la partie Est de l’Europe, poésie maîtresse, de Hikmet ou de Rítsos. Et pour confidence, je trouve chez ces deux derniers auteurs la vraie question du poème : donner vie, montrer la vie, se faire vie.

La Styx Croisières Cie - Décembre 2020 (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 22 Janvier 2021. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

* Ère Vincent Lambert, An II

Humain, citoyen le plus vulnérable, la République française, la médecine, la banque et la magistrature réunies, t’ayant baptisé Légume, te tueront.

* Ère Samuel Paty. An I

Tu veux expliquer aux enfants la pensée et le dire libres. Alors « La religion » te saisira au cou et te décapitera sur un trottoir. Citoyen libre, sache à quoi t’attendre !

« L’éventail

Cache la rougeur des filles

les yeux coquins, le soupir profond,

le sourire amer et enfin les rides.

Papillon posé sur les seins,

Palette d’amour

Couleur de souvenirs oubliés »

Je me transporte partout, Jean-Claude Pirotte (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 21 Janvier 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Je me transporte partout, Jean-Claude Pirotte, Le Cherche Midi, octobre 2020, 750 pages, 29 €

Les maints carnets de la mort

Que de choses à dire sur cette anthologie complexe et profuse de Jean-Claude Pirotte, tout autant à cause du nombre de poèmes du recueil, que par l’expérience de lecture qui en découle. Quelques lignes simples, et je crois insuffisantes, pourraient au mieux faire partager ce qui a été ma pérégrination dans ce gros ouvrage, et les temps différents qu’il traverse (poèmes produits entre avril 2012 et février 2014). Je ne pouvais guère que tailler dans l’aubier, si l’on m’autorise cette métaphore arboricole. Mais il me fallait atteindre au principe essentiel de mon sentiment, sans pouvoir accéder à une exhaustivité du livre ni du parcours de Pirotte durant les derniers mois de sa vie, ou encore qui m’accompagnait en ces longues journées à lire et prendre des notes au porte-mines parmi cette belle collection de textes. J’ai d’ailleurs interrompu ce travail au milieu des 5000 poèmes inédits qui me demandaient une vraie force d’attention, pour écrire une autre chronique, sorte de point d’orgue de ce voyage vers la poésie et la mort. Reprenant le cours de cette étude, bien vite je suis revenu à mon idée centrale : ces poèmes inédits sont une cathédrale, une espèce de « capitale de la douleur » dont le point focal reste la souffrance due au cancer, et dont l’esprit capital se résumerait brièvement par beaucoup de quatrains, de sonnets, de strophes rimées, parfois irrégulièrement, ou encore par un rythme d’octosyllabes.