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L’histoire de ma femme, Milan Füst

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 20 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays de l'Est, Roman, Gallimard

L’histoire de ma femme, janvier 2016, trad. hongrois Elisabeht Berki, Suzanne Peuteuil, 504 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Milan Füst Edition: Gallimard

 

Milan Füst (1888-1967) est un écrivain hongrois, et l’un des plus importants qui soient, à en croire la préface de L’histoire de ma femme (1942), signée Albert Gyergyal, un sien compatriote. Cet aimable préfacier prend de nombreuses précautions, craignant de la part du « public lettré français » un franc « dédain » pour les chefs-d’œuvre de la littérature hongroise ; cette crainte était peut-être valable en 1958, date de traduction et de première publication de ce roman en français, mais c’est depuis affaire réglée et L’histoire de ma femme n’a pas été massivement rejeté par le public francophone, puisque ce roman connaît même en 2016 une réimpression bienvenue.

Dès le premier paragraphe, tout le propos du roman est offert :

« Ma femme me trompe. Bon. Je m’en doutais depuis longtemps. Mais vraiment, avec celui-là… Moi, je suis haut de six pieds, un pouce, je pèse deux cents livres, je suis donc, comme on dit, un authentique géant : si je crache sur ce type-là, il en claquera ».

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 11 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Science-fiction

La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, L’Atalante, La Dentelle du Cygne, avril 2015, trad. anglais Patrick Couton, Lionel Davoust, 432 pages, 21 € . Ecrivain(s): Terry Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen

 

Pour apprécier La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier à sa pleine et juste valeur, il conviendrait de réunir deux conditions : 1) être amateur des Annales du Disque-Monde ; 2) être amateur de vulgarisation scientifique (accessoirement, une troisième condition pourrait s’imposer : avoir lu les trois premiers volumes de La Science du Disque-Monde).

Si l’œuvre de Terry Pratchett (1948-2015), le plus grand auteur humoristique anglais depuis P.G. Wodehouse (dixit la formule promotionnelle habituelle), cette fantasy à la délirante inventivité verbale et scénaristique, laisse indifférent, autant passer son chemin ; si l’idée de lire des pages où il est question de théorie des cordes ou de la place de l’être humain dans l’univers révulse, idem. Par contre, si l’on est atteint de curiosité intense incurable, avec un esprit suffisamment retors pour rire en apprenant, alors, même si le nom de Pratchett est inconnu, il faut lire La Science du Disque-Monde IV : Le Jugement Dernier, au risque d’y prendre un plaisir sans mélange.

Défense de Lady Chatterley, D.H. Lawrence

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 06 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions de la Différence

Défense de Lady Chatterley, juillet 2016, trad. anglais Jacques Benoist-Méchin, 144 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): D. H. Lawrence Edition: Editions de la Différence

 

Sur ce site même, le roman le plus célèbre de David Herbert Lawrence (1885-1930), Lady Chatterley, se voit accoler l’adjectif « sulfureux » ; or, s’il est bien un roman qui ne sent pas le soufre, c’est celui-là. Il sent la rosée, il sent la branchille écartée sur un chemin, il sent l’herbe pliant sous le corps, il sent le soleil sur la peau, il sent la sueur bénie des amoureux, il sent la pluie nettoyant le monde de sa médiocrité, il sent tout ce qui fait que l’on vit, que l’on bouge, que l’on ressent – que l’on est humain. Mais non, il ne sent pas le soufre. Par contre, on peut aisément imaginer que pour nombre de lecteurs mal à l’aise avec l’idée que l’amour est un doux écartèlement entre le plus haut spirituel et le plus bas terrien, pour ceux que rebute l’idée qu’aimer est plus qu’un verbe facile à utiliser, qu’on sort comme un mouchoir en cas de besoin puis qu’on range après usage, en veillant à bien le nettoyer et le repasser avant sa prochaine sortie pavlovienne, pour ces gens tristes, oui, ce roman doit sentir le soufre : celui, tout mouillé, des allumettes sentimentales qu’ils grattent péniblement en espérant allumer un feu qui les effraierait, voire les anéantirait par sa virulence si seulement il illuminait leur vie. Que ces gens retournent aux romans de Delly et Barbara Cartland, et foutent la paix aux vrais livres d’amour, que d’ailleurs ils ne lisent que du bout des yeux, pour se vernir la culture.

Continents à la Dérive, Russell Banks

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, USA

Continents à la Dérive, octobre 2016, nouvelle trad. américain Pierre Furlan, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): Russel Banks Edition: Actes Sud

 

Une nouvelle traduction d’un roman chéri, c’est comme une nouvelle robe sur une femme aimée : l’on se demande ce qu’elle va souligner de sa beauté, ce qu’elle va mettre en valeur de ses charmes, et l’on s’inquiète même un peu avant de l’apercevoir enfin… Ainsi, lorsqu’est annoncé par Actes Sud que Pierre Furlan, par ailleurs préfacier de la traduction précédente de Continents à la Dérive (1985) par Marc Chénetier, a retraduit ce roman, l’amateur de Russell Banks (1940) non anglophone s’attend, avec une légère pointe d’anxiété, à redécouvrir ce roman-clé dans l’œuvre de son auteur.

Afin d’apprécier le travail de traduction, il n’est que de comparer. Pour ce faire, voici la première phrase de l’Envoi de Continents à la Dérive (nous reviendrons plus loin sur cet Envoi, l’un des textes les plus lumineux sur la littérature et son importance essentielle parus ces cinquante dernières années) : « And so ends the story of Robert Raymond Dubois, a decent man, but in all the important ways an ordinary man. One could say a common man ». Dans la version de Chénetier, ça donne ceci : « Ainsi, donc, s’achève l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme respectable mais, à tous autres égards qui vaillent, homme ordinaire ». Dans celle de Furlan, ceci : « Ainsi se termine l’histoire de Robert Raymond Dubois, homme convenable, mais, dans tous les domaines qui comptent, ordinaire ».

Sous l’œil de Dieu, Jerome Charyn

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/noir, Polars, Roman, USA

Sous l’œil de Dieu, février 2016, trad. anglais (USA) Marc Chénetier, 288 pages, 9 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Rivages/noir

 

Auteur ultra-prolifique, avec plus de cinquante volumes à son actif, principalement des romans et quelques recueils de nouvelles, Jerome Charyn (1937) est considéré comme l’un des piliers de la littérature américaine de la seconde moitié du vingtième siècle, célébré tant par ses pairs que par la critique, celle-ci n’hésitant pas à le qualifier de « Balzac américain contemporain ». En France, il a même reçu le titre de Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres. Tout cela est très engageant, et quelques excellents souvenirs de lecture, s’ils ne corroborent pas exactement toutes les louanges reçues, font foi que Charyn fait partie des auteurs qui comptent.

C’est donc avec une délectation anticipée qu’on ouvre Sous l’œil de Dieu (2012), dernière en date des histoires suivant un des personnages clés de l’œuvre de Charyn, Isaac Sidel, un flic new-yorkais ayant, au fil des romans dont il est le héros, gravi les échelons jusqu’à devenir Maire de la Grosse Pomme et, dans le présent roman, s’attaquer à la Maison Blanche. Il a en effet été choisi pour assurer la vice-présidence de J. Michael Storm, le président élu, et celui-ci, sombrant peu à peu, s’apprête à endosser le rôle de dirigeant de la nation la plus puissante du monde.