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Le Pèlerin, Fernando Pessoa

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 25 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes, Langue portugaise, Editions de la Différence

Le Pèlerin, trad. portugais Parcidio Gonçalves, 96 pages, 6 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa Edition: Editions de la Différence

 

Lire une œuvre inachevée, inaboutie, surtout lorsqu’elle est de haute volée, fait osciller l’humeur entre le plaisir et la frustration, sans qu’il soit possible de départager ces deux sentiments. Ainsi donc du Pèlerin, bref conte de Fernando Pessoa (1888-1935) dont la rédaction fut entamée en 1917 et arrêtée, à en croire le résumé proposé par l’auteur lui-même, après environ un tiers ; probablement une envie poétique ou la naissance d’un hétéronyme ont-elles empêché que soit continué ce récit pourtant prenant et à haute teneur allégorique.

Le narrateur, un jeune homme, mène une vie paisible (« Mon enfance avait été saine et naturelle. Mon adolescence se passait sans frémissements, quasi contemplative, jusqu’au jour où apparaît sur la route un homme tout de noir vêtu qui lui dit : Ne fixe pas la route, suis-la jusqu’au bout »). A partir du moment où il reçoit cette injonction, le narrateur ressent une inquiétude qui va le pousser à prendre la route pour se lancer dans un voyage initiatique qui va le mener à l’amour.

Sept secondes pour devenir un aigle, Thomas Day

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 19 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman, Science-fiction

Sept secondes pour devenir un aigle, septembre 2016, postface de Yannick Rumpala, 384 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Thomas Day Edition: Folio (Gallimard)

 

Thomas Day (1971) est un des chefs de file du renouveau de la science-fiction francophone, un de ceux qui lui a redonné vigueur et diversité de tons – on songe en particulier au cycle La Voie du Sabre, remarquable de documentation, d’imagination et, surtout, d’allant stylistique. Avec Sept secondes pour devenir un aigle, le présent recueil de nouvelles publié précédemment aux éditions Le Bélial’, il démontre l’étendue de son talent tout en s’attachant à faire vivre la veine spéculative de la science-fiction, celle qui a des préoccupations Terre-à-Terre, si l’on permet les majuscules, puisqu’elle descend des étoiles lointaines pour se demander ce qu’il va advenir de notre petite planète – pas dans des siècles, non, demain. Du coup, qu’on ne s’étonne pas si ces nouvelles se placent dans la droite ligne de Soleil Vert, Tous à Zanzibar ou encore Bleue comme une Orange : si la littérature post-apocalyptique des années cinquante et soixante imaginait la vie, l’humanité après qu’un imbécile a appuyé sur un gros bouton au fond d’un bunker, la même littérature, depuis les années soixante-dix environ, se demande surtout ce qu’il va advenir de l’humanité si elle continue à foncer droit dans le mur écologique (surpopulation, surconsommation, destruction environnementale) sans même se demander s’il existe une pédale de frein.

Born To Run, Bruce Springsteen

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 09 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Biographie, USA

Born To Run, septembre 2016, trad. (excellemment) de l’américain par Nicolas Richard, 640 pages, 24 € . Ecrivain(s): Bruce Springsteen Edition: Albin Michel

 

Avant d’évoquer les « mémoires », terme choisi en lieu et place de « autobiographie » par l’auteur lui-même, de Bruce Springsteen, un petit mot sur la compilation Chapter And Verse publiée de façon simultanée, présentée comme la bande-son du livre. Autant le dire franchement : elle est à éviter. Certes elle contient une douzaine de chansons indispensables du Boss, de Growin’ Up à The Rising en passant par Born To Run et The River, mais elle contient aussi cinq titres inédits, enregistrés avant le premier album avec The E Street Band, entre 1966 et 1972, et ceux-ci n’ajoutent absolument rien à la légende. Au contraire ils sont embarrassants tellement ils sont maladroits et montrent un Springsteen s’essayant à copier ses maîtres de pataude façon. Certes, la chanson Henry Boy annonce les grandes et épiques histoires à venir, mais qu’elle est plate, qu’elle montre un Springsteen cherchant ses marques… C’est le grand tort de l’industrie musicale, depuis l’avènement du cd au moins, que de vouloir à tout prix faire croire au pigeon d’amateur qu’il est bon de tout entendre, que le moindre rogaton de studio doit être publié et écouté avec dévotion.

En Mouchant la Chandelle, Qu You & Li Zhen

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 03 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Nouvelles, Gallimard

En Mouchant la Chandelle, trad. chinois Jacques Dars (révision Tchang Foujouei), 240 p. 8,00 € . Ecrivain(s): Qu You & Li Zhen Edition: Gallimard

 

Le lecteur est un voyageur en fauteuil, et voici que lui est à nouveau offerte l’opportunité de voyager en Chine, au début des Ming (XIVe-XVe siècles) grâce aux vingt et une nouvelles réunies en un mince volume, En Mouchant la Chandelle (référence à l’heure tardive à laquelle on les lit, s’occupe de choses frivoles ou vit d’étranges aventures) par Jacques Dars, qui est aussi leur traducteur, avec la bienveillante révision de Tchang Foujouei. Ces nouvelles sont en fait extraites de deux recueils plus vastes signés Qu You (Jiandeng Xinhua, « Nouvelles Histoires en Mouchant la Chandelle », les quatorze premières) et Li Zhen (Jiandeng Yuhua, « Suites aux Histoires en Mouchant la Chandelle », les sept dernières) ; on peut de bon droit supposer que l’anthologiste a effectué un choix destiné à proposer au lecteur francophone la crème de ces deux recueils.

Ces nouvelles rencontrèrent à l’époque de leur publication un tel succès en Chine qu’elles furent bannies… pour ne pas distraire les étudiants ! Elles furent ensuite traduites célébrées, dès le XVIe siècle, tant en Corée qu’au Japon, deux pays où elles eurent une influence et un impact aussi grands que dans leur pays d’origine. Et l’une d’entre elles, dans sa version japonaise, parvint en Europe sous la plume de l’Anglais Lafcadio Hearn (1850-1904), pour être ensuite traduite en allemand par l’auteur du Golem, Gustav Meyrink.

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, George Prochnik

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Essais, Grasset

L’Impossible Exil. Stefan Zweig et la Fin du Monde, septembre 2016, trad. anglais (USA) Cécile Dutheil de la Rochère, 448 pages, 23 € . Ecrivain(s): George Prochnik Edition: Grasset

Sous-titré Stefan Zweig et la Fin du Monde, L’Impossible Exil tient à la fois de l’essai, d’une mise en scène de l’auteur et de la biographie : George Prochnik, professeur de littérature anglaise et américaine à la Hebrew University of Jerusalem, entremêle au fil des pages des considérations sur l’exil, son expérience propre (ainsi que celle de sa famille, son père ayant fui le régime nazi à son arrivée en Autriche) et narration de la vie de Stefan Zweig (1881-1942). En quelque quatre cents pages, Prochnik tente de pénétrer l’esprit de l’auteur du Monde d’Hier, cette élégie à un monde culturellement riche et cosmopolite que Zweig vit disparaître à l’avènement du régime nazi, durant ses années d’exil, à partir de 1934. Prochnik suit les traces de l’exilé, entre Vienne, les Etats-Unis, le Brésil et le Comté de Westchester, visitant des maisons, rencontrant des témoins ; il le suit aussi au travers de sa correspondance avec ses amis européens et américains ; il le suit de même en citant ou en paraphrasant abondamment Le Monde d’Hier, l’œuvre testamentaire de Zweig, définitivement un des plus beaux livres du vingtième siècle ; il le suit enfin tel un détective privé, allant jusqu’à tâcher de retirer du sens de son suicide, de la mise en scène de celui-ci, photos à l’appui.