Identification

Articles taggés avec: Banderier Gilles

Wuhan, ville close. Journal, Fang Fang (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Wuhan, ville close. Journal, Fang Fang, traduit du chinois par Frédéric Dalléas et Geneviève Imbot-Bichet, Paris, Stock, collection « La Cosmopolite », paru le 9 septembre 2020, 23 €.

 

 

Le monde entier connaît désormais, pour le maudire, le nom de Wuhan. Le 28 décembre 2019, le Dr Ai Fen, directrice des urgences à l’hôpital central, attirait l’attention de ses collègues sur l’apparition, trois semaines plus tôt, d’un virus à la fois inconnu, dangereux et contagieux. Les éléments qu’elle avait divulgués furent repris et plus largement diffusés par un ophtalmologue du même hôpital, le Dr Li Wenliang, ce qui lui valut des ennuis avec les autorités. Aucune dictature, si rigide soit-elle, ne peut empêcher la propagation d’un virus. La suite appartient à l’Histoire en train de s’écrire et le Dr Li Wenliang mourut à trente-trois ans, emporté par cette nouvelle maladie. Les autorités chinoises décidèrent de placer Wuhan en quarantaine – trop tard pour empêcher le virus de se répandre dans le monde.

Spectres balkaniques, Un voyage à travers l’histoire, Robert D. Kaplan (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 29 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Spectres balkaniques, Un voyage à travers l’histoire, Robert D. Kaplan, Buchet-Chastel, 2018, trad. anglais (USA) Odile Demange, 492 pages, 26 €

 

Journaliste américain, Robert D. Kaplan a parcouru la péninsule balkanique « à l’ancienne », ce qui ne veut pas dire qu’il a voyagé à pied ou à cheval, mais qu’il avait fait ce qu’on faisait en général aux XVIIIe et XIXe siècles, avant de partir et parfois même sur la route : on lisait ce que des voyageurs du passé avaient écrit, ce qui permettait d’affiner le regard, d’enrichir les impressions et, sur place, de les confronter à celles des devanciers. Kaplan avait pris comme viatiques Entre fleuve et forêt de Patrick Leigh Fermor et, surtout, Agneau noir et faucon gris de dame Rebecca West (1941), un ouvrage qui mit soixante ans à être traduit en français et qui est à présent épuisé… On pourrait reprocher à Kaplan de contempler le présent avec les lunettes du passé, mais s’il y a bien une zone de l’Europe où le poids des siècles écoulés, des haines recuites et des rancœurs immémoriales accumulées se fait constamment sentir, ce sont les Balkans, sorte d’angle mort de l’Europe, dont on ne parle qu’à l’occasion d’événements tragiques.

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Septembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Christian Bourgois, Hermann

Joseph, Un jeune Hébreu devenu vice-roi d’Égypte, Maurice-Ruben Hayoun, 2018, 256 pages, 25 € Edition: Hermann

Maurice-Ruben Hayoun est professeur de philosophie, mais son livre sur Joseph n’illustre pas cette spécialité universitaire. Il s’agit d’un ouvrage au carrefour de l’exégèse et de ces études de littérature comparée qui examinent la survie (Nachleben) d’un personnage ou d’un mythe à travers les siècles. Louise Vinge et Raymond Trousson ont ainsi publié des sommes érudites sur Narcisse et Prométhée. La vie de Joseph est racontée dans Genèse/Berechit 37 à 50 et le livre se clôt avec sa mort, de même que le Deutéronome/Devarim s’achève à la mort de Moïse.

M.-R. Hayoun part, avec raison, d’un constat qui est souvent négligé : les textes de la Bible sont de grands textes au point de vue « littéraire », par leur sens de la narration et de la construction, indépendamment du fait qu’on y accorde foi ou non. Joseph a vécu l’essentiel de son existence ailleurs que sur la terre de ses pères, en Égypte, la grande puissance de la région, les États-Unis de l’époque, mentionnée à mille cinq cents reprises dans la Bible, une civilisation brillante, monumentale et hantée par la mort, une civilisation à côté de laquelle les Hébreux paraissaient à tous points de vue insignifiants.

Lève-toi et tue le premier, L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël, Ronen Bergman (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Lève-toi et tue le premier, L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël, Ronen Bergman, Grasset, février 2020, trad. anglais, Johan-Frédérik Hel Guedj, 938 pages, 29 €

 

Une main avec une bague ornée d’un rubis. C’est tout ce qui était resté en ce bas monde – mais ce fut suffisant pour l’identifier – du général iranien Qassem Soleimani, un des individus les plus dangereux de la planète, après que son convoi eut été touché par un missile sur l’aéroport de Bagdad, le 3 janvier 2020. Soleimani n’était pas un ami d’Israël, qui avait failli l’éliminer douze ans plus tôt, en même temps qu’un autre malfaisant, Imad Moughniyeh. Ce ne fut cependant pas un doigt israélien qui poussa le bouton, même si l’État hébreu a sans doute fourni des renseignements (le tir d’un missile depuis un drone est l’aboutissement d’une longue chaîne d’informations et de décisions). L’ordre était venu du président Trump, qui avait fait sienne une des méthodes les plus caractéristiques des services secrets israéliens.

Le Labérynthe, Mireille Huchon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Le Labérynthe, Mireille Huchon, éd. Droz, décembre 2019, 300 pages, 22,80 €

Le petit milieu des spécialistes universitaires du XVIe siècle abrite la même proportion de génies, de crapules, de bons, de brutes, de justiciers, de traîtres et de saints que n’importe quelle autre communauté professionnelle. Il se livre aux mêmes activités que tous les universitaires du monde : enseigner (ou essayer de le faire), publier, organiser des colloques, chercher des financements, se chamailler par revues interposées. C’est également un milieu savant où (à l’instar des études grecques, par exemple), le temps des grandes découvertes est passé. La probabilité de découvrir un roman inconnu de Rabelais ou des essais inédits de Montaigne est virtuellement nulle. Exhumer ne serait-ce qu’un quatrain de Ronsard qui eût échappé aux investigations antérieures relève déjà de l’exploit.

Auteur de la remarquable édition de Rabelais dans La Bibliothèque de la Pléiade, Mireille Huchon a, voici quelques années, brisé un tabou – au sens anthropologique du mot – en affirmant que Louise Labé n’a pas existé (Louise Labé, Une créature de papier, Droz, 2006) ou, en tout cas, que si une nommée Louise Labé, qu’elle eût ou non été prostituée de luxe, a réellement parcouru les rues du vieux Lyon, elle n’est pas l’auteur du très mince recueil (662 vers) paru sous son nom en 1555.