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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Histoire d’une baleine blanche, Luis Sepúlveda, Joëlle Jolivet (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 14 Février 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Roman, Métailié

Histoire d’une baleine blanche, Luis Sepúlveda, Joëlle Jolivet, septembre 2019, trad. espagnol (Chili) Anne-Marie Métailié, 118 pages, 12 € . Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: Métailié

 

« Si l’art est une force digne de respect, même aux yeux de ceux qui ne s’y intéressent pas, c’est en partie à cause de la facilité avec laquelle le mythe avale la vérité… sans le moindre rot d’indigestion ». La formule de Stephen King manque sans doute d’élégance, mais elle n’en est pas moins exacte. Herman Melville n’a inventé ni les baleines, ni les histoires de chasse à la baleine. Il a même placé au début de Moby-Dick, en une satire à la fois mordante et mélancolique de l’érudition, un florilège de citations anciennes et modernes, de la Bible à Darwin, en passant par Montaigne, Milton et Cuvier. Melville n’a pas davantage inventé le cachalot blanc : comme dans la plupart des espèces animales, les albinos sont rares (a-t-on jamais observé des gorilles blancs ?) ; cependant ils existent. En revanche, Melville a tiré de cette singularité naturelle et des vieux récits de chasse un roman d’une rare puissance, mais dont la postérité fut ténue (on ne recense pas les versions de Moby-Dick comme celles de Don Juan et, malgré les progrès accomplis par les effets spéciaux, le cinéma en est pour le moment resté au film de John Huston).

Anatomie de l’horreur, Stephen King (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 03 Février 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais, Fantastique, USA

Anatomie de l’horreur, 2018, trad. anglais (USA) Jean-Daniel Brèque, 620 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Stephen King Edition: Albin Michel

 

Adulé par le public, mais longtemps boudé par les critiques qui écrivent dans les suppléments littéraires des quotidiens, Stephen King a consacré sa carrière à un sous-genre considéré (à tort) comme mineur, voire infréquentable : le roman d’horreur. Il s’intéressa également au cinéma, à la fois comme spectateur de films et lorsque le 7ème art vint frapper à la porte de son bureau pour transposer ses livres (King semble un des rares écrivains satisfaits des adaptations cinématographiques de leurs œuvres. Il est vrai que John Carpenter, Brian De Palma et surtout Stanley Kubrick ne sont pas les premiers venus).

Anatomie de l’horreur fournit une occasion privilégiée d’ouvrir la porte de ce bureau et d’y jeter un long regard. King y présente le bilan d’une vie de lecture et d’écriture, à travers les œuvres qui l’ont marqué et non sans insister sur les différences radicales entre la littérature et le cinéma (les œuvres les plus « littéraires » étant les moins « cinématographiques », comme l’ont montré les échecs répétés – quand on a seulement tenté l’entreprise – des adaptations de Cervantès, Proust, Borges ou Joyce).

La Filiale, Sergueï Dovlatov (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 29 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Russie, La Baconnière

La Filiale, mai 2019, trad. russe Christine Zeytounian-Beloüs, 136 pages, 18 € . Ecrivain(s): Sergueï Dovlatov Edition: La Baconnière

 

Le milieu des expatriés, quels que soient leur nationalité d’origine et leur pays de résidence, est en général un terrain fertile pour l’observateur. Installé aux États-Unis depuis 1978, Sergueï Dovlatov décrit dans La Filiale un milieu qu’il connaît bien, celui des intellectuels russes exilés en Amérique du Nord. Il n’est pas rare que l’on se proclame intellectuel à peu de frais : il suffit d’avoir publié un bref article dans un périodique, pas forcément très lu, ou une plaquette vendue à quatorze exemplaires, pour se parer de ce titre.

Dans son petit roman largement autobiographique, Dovlatov se met en scène à travers un double transparent, Dalmatov, journaliste russe vivant aux États-Unis pendant « l’ère Gorbatchev » (qui dura en fait moins d’un septennat) et travaillant dans une publication destinée à ses compatriotes en exil. Vivant à New York, il est chargé par sa rédaction de « couvrir » un colloque d’intellectuels russes à l’autre bout du pays, en Californie.

Le Guérisseur des Lumières, Frédéric Gros (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 21 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais

Le Guérisseur des Lumières, août 2019, 172 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Frédéric Gros Edition: Albin Michel

 

Le nom de Franz Anton Mesmer n’est pas tout à fait oublié. Il survit dans les limbes de la culture générale. Les anglicistes savent que le verbe to mesmerize (avec ses dérivés) est un synonyme de to hyponotize. En français, l’importation lexicale n’a jamais pris (le malsonnant mesmériser est un anglicisme à l’état pur). Cette simple différence linguistique est à elle seule représentative de la postérité du docteur Mesmer, à qui l’Angleterre fit un bel accueil (Paris ne l’avait pas ignoré, loin de là, mais ce fut une mode qui dura ce que durent les modes).

Avec bonheur, Frédéric Gros redonne vie à un genre littéraire qu’on pouvait à bon droit croire périmé : le roman épistolaire. Son Guérisseur des Lumières se présente sous la forme de dix lettres, plus ou moins longues, adressées entre janvier et mars 1815 par Mesmer à un correspondant et confident. Le médecin avait alors 81 ans – un fort bel âge à son époque et, à toutes les époques, un âge où il est temps de mettre en ordre ses affaires et ses souvenirs. Ces dix lettres sont l’occasion de revenir sur ce qui fut la grande affaire de sa vie : la théorie du magnétisme.

L’État secret, Jacques Follorou (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Fayard

L’État secret, Jacques Follorou, 282 pages, 20 € Edition: Fayard

 

 

Dans les démocraties numériques, les citoyens ordinaires renoncent à une part croissante de leur intimité, de leur privauté (le mot ne traduit qu’imparfaitement l’anglais privacy, « l’arrière-boutique » de Montaigne), à travers les « réseaux sociaux », qui réalisent le vieux rêve de Bentham (à moins qu’il ne s’agisse d’un cauchemar), le panopticon, la prison de verre où l’on peut tout savoir de tout le monde à chaque instant. Il faut préciser que ce renoncement à la vie privée est volontaire. Il ne résulte pas d’un espionnage généralisé et coercitif, exercé par l’État (comme chez Orwell), même si – dans la pratique – le résultat est identique. Que deviennent toutes les données que nous déversons librement sur la Toile ? La question est régulièrement posée. On devine qu’elles ne sont pas perdues pour tout le monde.