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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Freddie Mercury, Selim Rauer (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 24 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Fayard

Freddie Mercury, octobre 2018, 342 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Selim Rauer Edition: Fayard

 

« Nous prêtons peu d’attention, dans les biographies d’hommes illustres, aux événements de l’enfance. Nous tendons à nous concentrer sur l’épopée, les hauts faits de l’âge mûr. Mais moi qui n’ai été qu’une ombre […] je sais ce qu’il en est de l’enfance, de ce que l’enfance laisse comme trace ou comme oubli » (Camille de Toledano). Sur son enfance comme sur ses origines, celui qui se nommait à l’état-civil Farrokh Bulsara fut extrêmement discret. C’était, il est vrai, en ces temps lointains où un individu ne se définissait nullement par son appartenance à telle ou telle communauté ; en ces temps où ni l’Internet, ni le tintamarre hystérique des réseaux « sociaux », ni les smartphones n’existaient, qui font de chaque individu un voyeur et un paparazzo en puissance, un suppôt du panoptisme et de la surveillance généralisée.

La biographie que Selim Rauer a consacrée à Freddie Mercury parut pour la première fois en 2008. Elle est réimprimée dix ans plus tard, comme on le devine, dans le sillage du « film biographique » Bohemian Rhapsody. Elle est, qu’on se rassure, bien supérieure à cette production cinématographique.

Un sacré gueuleton, Jim Harrison (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Flammarion

Un sacré gueuleton, novembre 2018, trad. anglais (USA) Brice Matthieussent, 374 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Jim Harrison est mort le 26 mars 2016, dans sa « résidence d’hiver », en Arizona. Il est rare que, deux ans et demi après son départ, un écrivain adresse à ses lecteurs un salut aussi plein de vie.

Pour diverses raisons, les livres de Jim Harrison se vendaient mieux en France que dans son pays natal. La postérité dira s’il n’y eut pas quelque malentendu dans cette réception (le chef-d’œuvre écrit en neuf jours qu’est Légendes d’automne est ce qu’il y a de moins « harrisonien » chez Jim Harrison). Mais il est indéniable que la France l’aimait et il le lui rendait bien. Son itinéraire gastronomique le conduisait de Paris à Collioure en passant par Lyon, Arles et le Morvan. Il ne faisait pas partie de ces Américains qui, en période de brouille diplomatique, achètent des flacons de vins français pour les vider à l’égout (imagine-t-on une manière de protester plus stupide ?). Certes, le vin français acheté par Jim Harrison au long des ans a également fini à l’égout, mais non sans un certain nombre d’étapes, de transformations – de sublimations.

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, Henri Vermorel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais

Sigmund Freud et Romain Rolland, Un dialogue, août 2018, 632 pages, 29 € . Ecrivain(s): Henri Vermorel Edition: Albin Michel

 

La correspondance entre Sigmund Freud et Romain Rolland fut publiée pour la première fois en 1966, dans une thèse de la Faculté de médecine de Paris. À qui s’en étonnerait, on rappellera que Freud était médecin et que la psychanalyse entretient avec la médecine des rapports, certes ambigus, mais réels. Cette correspondance est d’un faible volume et l’on peut de prime abord s’étonner que la republication d’une vingtaine de lettres (il n’y en a pas davantage) aboutisse à un volume de six cents pages. C’est que l’intérêt de cette correspondance est inversement proportionnel à ses modestes dimensions matérielles et Henri Vermorel, qui les republie, les annote et les éclaire, a fait un authentique acte de lecture, digne de tous les éloges. Il reprend le livre qu’il avait publié en 1993 (Sigmund Freud et Romain Rolland, Correspondance 1923-1936, Presses Universitaires de France), en le mettant à jour pour tenir compte de la découverte de nouveaux documents dans les archives de la maison Fischer, l’éditeur de Freud.

Un bâtard en Terre promise, Ami Bouganim (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Roman

Un bâtard en Terre promise, Editions La Chambre d’Echos, février 2018, 173 pages, 16 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

La parution de Sérotonine, de Michel Houellebecq, fut l’occasion de rappeler ce principe bien connu des études littéraires : la distinction entre auteur et narrateur. Non, ce n’est pas Houellebecq qui a critiqué telle ville de l’Ouest de la France, mais son narrateur ; de même que c’était le narrateur d’Extension du domaine de la lutte qui affirmait que « Rouen a dû être une des plus belles villes de France ; mais maintenant tout est foutu. Tout est sale, crasseux, mal entretenu, gâché par la présence permanente des voitures, le bruit, la pollution. Je ne sais pas qui est le maire, mais il suffit de dix minutes de marche dans les rues de la vieille ville pour s’apercevoir qu’il est complètement incompétent, ou corrompu » (chapitre 3).

D’un côté, on ne peut s’empêcher de penser que cette distinction entre auteur et narrateur dégage un net parfum de sophistique, qui permet à l’auteur d’écrire ce qu’il a envie d’écrire et de s’abriter ensuite derrière un être de papier. Mais, d’un autre côté, admettre l’existence d’un narrateur permet de résoudre d’inévitables contradictions, voire des apories (qui est le porte-parole de l’auteur, à supposer qu’il y en ait obligatoirement un ?). Le narrateur des Particules élémentaires ou de Sérotonine est et n’est pas Michel Houellebecq. Du point de vue de la logique aristotélicienne, c’est difficile à admettre, mais si Aristote jugeait la fiction supérieure à l’histoire au point de vue de la vérité, il aurait pu en dire autant de la fiction par rapport à la logique.

Trois jours à Jérusalem, Stéphane Arfi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Jean-Claude Lattès

Trois jours à Jérusalem, octobre 2018, 316 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Stéphane Arfi Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les « vies de Jésus » forment une sous-catégorie particulière du genre littéraire appelé « biographie » et aucun être humain, si longue que soit son existence, ne pourra les lire toutes. Comme cela se produit invariablement, cet amoncellement de volumes, qui soutiennent des positions contradictoires, finit par s’auto-annuler et par s’affaisser sous sa propre masse. On en revient alors au point de départ, à ces quelques dizaines de pages du Nouveau Testament, dues à de très grands écrivains, de même qu’on revient toujours à Platon ou à Shakespeare, quand les yeux et l’esprit sont fatigués d’avoir compulsé des piles de thèses et d’études critiques à leur sujet.

Loin d’être une biographie exhaustive, le mince recueil que l’on désigne sous l’expression de Nouveau Testament garde un silence infranchissable sur des pans entiers de la vie du Christ. De même que certains individus ne supportent pas le silence et éprouvent le besoin de le remplir par ce qui vaut rarement mieux que lui – du bruit ou du verbiage – on a très tôt tenté de meubler le silence des Évangiles. Une bonne part de ce qu’on appelle la littérature apocryphe n’est rien d’autre qu’une tentative, très rarement réussie, de briser ce silence.