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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Rêver sous le IIIe Reich, Charlotte Beradt (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 22 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande, Payot Rivages

Rêver sous le IIIe Reich, mars 2018, trad. allemand Pierre Saint-Germain, 240 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Charlotte Beradt Edition: Payot Rivages

 

Un des dirigeants nazis les moins connus, Robert Ley (mais qui en avait fait assez pour estimer raisonnable, la guerre perdue, de se pendre avant même de passer en jugement) eut cette phrase : « La seule personne qui soit encore un individu privé en Allemagne c’est celui qui dort. En Allemagne, il n’y a plus d’affaires privées. Si vous dormez c’est votre affaire privée, mais dès le moment où vous vous réveillez et où vous rentrez en contact avec une autre personne vous devez vous rappeler que vous êtes un soldat d’Adolf Hitler » (cité p.30). La formule est glaçante. Peut-être fut-elle en-dessous de la réalité.

Rien ne prédisposait Charlotte Beradt (1907-1986) à devenir célèbre grâce aux rêves des autres. Elle travaillait dans une grande maison d’édition allemande, la Fischer Verlag, où elle rencontrait beaucoup de monde. À partir de 1933, elle entreprit d’interroger ses connaissances, qu’elles appartinssent à des professions libérales ou qu’elles fussent artisans, femmes au foyer, à propos de leurs rêves.

Le Train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu, Boualem Sansal, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 16 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Maghreb, Roman, Gallimard

Le Train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu, août 2018, 248 pages, 20 € . Ecrivain(s): Boualem Sansal Edition: Gallimard

Très rares sont les écrivains qui, dès le seuil de leur œuvre, acceptent de reconnaître leurs dettes à l’égard de leurs prédécesseurs. En général, les auteurs entendent surtout que l’on admire leur puissante originalité créatrice. Dès lors, c’est le travail – plutôt ingrat – de la critique littéraire et de l’exégèse universitaire, que d’indiquer les « sources » auxquelles l’auteur a bu, les influences subies, qu’elles aient ou non été conscientes.

Boualem Sansal salue Thoreau, Baudelaire, Kafka, Gheorghiu, et Buzzati : du beau monde, comme on dit. Certains passages du Train d’Erlingen sont des commentaires de leur œuvre, qui feraient honneur à un critique professionnel. Le roman entrelace de façon subtile deux histoires, aussi fictives, mais pas aussi vraisemblables, l’une que l’autre. Boualem Sansal est un authentique créateur – un des derniers ? – qui ne se réfugie pas derrière la tentation facile de la biographie écrite ou filmée. Les protagonistes sont deux femmes (le mot « héroïne » ne leur convient guère) que tout sépare : le lieu, la fortune (aussi bien la richesse que le destin), le statut social. Riche héritière d’un conglomérat alimentaire, Ute von Ebert vit à Erlingen, une de ces bourgades allemandes où le temps semble s’être arrêté, désormais en proie à une fièvre obsidionale.

Les Mirages de la certitude, Essai sur la problématique corps/esprit, Siri Hustvedt (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Les Mirages de la certitude, Essai sur la problématique corps/esprit, Siri Hustvedt, Actes-Sud, mars 2018, trad. anglais (USA) Christine Le Bœuf, 408 pages, 23,50 €

 

À plusieurs reprises, George Steiner a constaté – pour le déplorer – que les écrivains composaient leurs œuvres sans le moins du monde tenir compte des avancées scientifiques considérables accomplies au cours des dernières décennies : « Aujourd’hui, la grande aventure de l’âme, ce sont les sciences qui se trouvent placées devant les trois portes – ne disons pas ultimes mais phénoménales : réussir à créer de la vie humaine complètement in vitro, et à la cloner ; comprendre ce qu’est le moi, la conscience […] ; découvrir les limites de l’univers en déterminant quand a commencé le temps (les recherches comme celles de Stephen Hawking). Devant de telles questions, que voulez-vous, j’éprouve un certain ennui à lire un roman sur le thème d’un adultère à Neuilly. Les écrivains de nos belles-lettres ne veulent pas suer un peu, faire le boulot pour avoir une approche, même la plus rudimentaire, de l’univers de l’imagination dans les sciences et de cette poétique de l’énergie pure qu’on y trouve » (Le Monde de l’éducation, décembre 1999, p.19a-b ; repris dans Pierre Boncenne, Faites comme si je n’avais rien dit, Le Seuil, 2003, p.537-538).

Ma vie dans les monts, Antoine Marcel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Arléa, Récits

Ma vie dans les monts, avril 2018, 226 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Marcel Edition: Arléa

 

Après avoir, comme on dit familièrement, roulé sa bosse et exercé des professions aussi diverses que, parfois, surprenantes, dont celle de scaphandrier sur (ou plutôt sous) une plate-forme pétrolière au large de l’Afrique, Antoine Marcel, auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux spiritualités orientales, s’est retiré dans un coin de France qui s’appelait jadis la Xaintrie, entre la Corrèze et le Lot, plus précisément dans la commune d’Altillac, où réside déjà une autre personnalité, Marcel Conche, dont c’est le village natal. Le philosophe d’Épicure en Corrèze est également (ce n’est pas l’aspect le mieux connu de son œuvre) traducteur de Lao-Tseu.

Ma Vie dans les monts revêt la forme d’une suite de notations non datées, alternant considérations sur le zen et remarques sur l’existence quotidienne dans une campagne reculée. Pour un lecteur qui réside dans une grande ville et passe plusieurs heures chaque jour dans des métros ou des trains de banlieue, les remarques sur le bois qu’il faut couper et empiler, le terrain environnant à entretenir, les arbustes à planter, seront d’un exotisme roboratif. Pour quelqu’un qui se trouve dans la même situation qu’Antoine Marcel et qui accomplit les mêmes besognes, de telles observations seront banales.

Holocauste, Une nouvelle histoire, Laurence Rees (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 05 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Iles britanniques, Essais, Histoire

Holocauste, Une nouvelle histoire, janvier 2018, trad. anglais Christophe Jaquet, 636 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Laurence Rees Edition: Albin Michel

Pourquoi recenser, dans un site voué à la littérature, un livre d’histoire traitant de la Shoah ?

Parce que l’entreprise génocidaire nazie marque une des limites de la « littérature » et, peut-être, un de ses échecs, en tant que mode de connaissance du monde et de l’être humain. Aucun écrivain, si audacieux ait-il été, ne l’a vue arriver. Jules Verne a pu anticiper le sous-marin de guerre, le voyage sur la Lune, la télévision et bien d’autres choses, mais ni lui, ni personne d’autre n’a imaginé l’anéantissement programmé, rationalisé, technicisé, de tout un groupe humain. À l’autre extrémité du temps, rares sont les œuvres littéraires, les textes de fiction (en excluant donc les témoignages) qui se soient hissés au niveau de cette tragédie. On pense au finale du Dernier des justes ou à l’avant-dernier chapitre de La librairie Sophia.

Un mot du titre : désigner la solution finale par le terme d’holocauste est commun dans le monde anglo-saxon (Meryl Streep fit une de ses premières apparitions dans une série télévisée portant ce titre). En français, l’acception religieuse du mot (« Chez les Juifs, sacrifice où la victime était entièrement consumée par le feu. La victime ainsi sacrifiée », Littré) pose problème. On ne voit en effet pas à quelle divinité perverse et impie il aurait fallu sacrifier des millions d’êtres humains.