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Articles taggés avec: Banderier Gilles

Le Guérisseur des Lumières, Frédéric Gros (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 21 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais

Le Guérisseur des Lumières, août 2019, 172 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Frédéric Gros Edition: Albin Michel

 

Le nom de Franz Anton Mesmer n’est pas tout à fait oublié. Il survit dans les limbes de la culture générale. Les anglicistes savent que le verbe to mesmerize (avec ses dérivés) est un synonyme de to hyponotize. En français, l’importation lexicale n’a jamais pris (le malsonnant mesmériser est un anglicisme à l’état pur). Cette simple différence linguistique est à elle seule représentative de la postérité du docteur Mesmer, à qui l’Angleterre fit un bel accueil (Paris ne l’avait pas ignoré, loin de là, mais ce fut une mode qui dura ce que durent les modes).

Avec bonheur, Frédéric Gros redonne vie à un genre littéraire qu’on pouvait à bon droit croire périmé : le roman épistolaire. Son Guérisseur des Lumières se présente sous la forme de dix lettres, plus ou moins longues, adressées entre janvier et mars 1815 par Mesmer à un correspondant et confident. Le médecin avait alors 81 ans – un fort bel âge à son époque et, à toutes les époques, un âge où il est temps de mettre en ordre ses affaires et ses souvenirs. Ces dix lettres sont l’occasion de revenir sur ce qui fut la grande affaire de sa vie : la théorie du magnétisme.

L’État secret, Jacques Follorou (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Fayard

L’État secret, Jacques Follorou, 282 pages, 20 € Edition: Fayard

 

 

Dans les démocraties numériques, les citoyens ordinaires renoncent à une part croissante de leur intimité, de leur privauté (le mot ne traduit qu’imparfaitement l’anglais privacy, « l’arrière-boutique » de Montaigne), à travers les « réseaux sociaux », qui réalisent le vieux rêve de Bentham (à moins qu’il ne s’agisse d’un cauchemar), le panopticon, la prison de verre où l’on peut tout savoir de tout le monde à chaque instant. Il faut préciser que ce renoncement à la vie privée est volontaire. Il ne résulte pas d’un espionnage généralisé et coercitif, exercé par l’État (comme chez Orwell), même si – dans la pratique – le résultat est identique. Que deviennent toutes les données que nous déversons librement sur la Toile ? La question est régulièrement posée. On devine qu’elles ne sont pas perdues pour tout le monde.

Comment le dire avec circoncision ?, Gérard Ejnès (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 06 Janvier 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Comment le dire avec circoncision ?, Gérard Ejnès, Le Passeur, août 2019, 460 pages, 21 €

Le 12 juillet 1998 et les jours qui suivirent ne furent pas euphoriques pour tout le monde (avant tout pour ceux qui abhorrent le football). La victoire de l’équipe de France en finale de la Coupe du monde sonna le début d’une véritable curée contre les journalistes sportifs et les chansonniers qui, les mois précédents, avaient critiqué sans ménagements et pas toujours de manière loyale le sélectionneur, Aimé Jacquet. Parmi ces journalistes se trouvait Gérard Ejnès, alors directeur adjoint de la rédaction de L’Équipe. « Je n’ai jamais cogné personne, mais je cognerai un jour Gérard Ejnès », avait déclaré « Mémé » Jacquet. L’effondrement de l’équipe de France à la Coupe du monde suivante montrera que les critiques qui lui avaient été adressées n’étaient peut-être pas toutes infondées.

L’esprit souffle où il veut et frappe quand il veut, même lorsqu’on est en train de satisfaire un besoin aussi naturel que pressant non loin d’un terrain de golf. C’est dans cette posture humble et a priori peu propice à l’introspection ou au questionnement métaphysique que Gérard Ejnès prit nettement conscience d’un manque. Cette prise de conscience ne fut pas douloureuse, la douleur remontant à plus loin, quand il avait été circoncis (pratiquée à huit jours, la circoncision juive ne laisse aucun souvenir, contrairement à la circoncision musulmane, qui s’effectue à treize ans). Mais que signifie être Juif ?

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim, Honoré-Champion, Coll. Bibliothèque d’études juives, n°66, février 2019, 282 pages, 45 €

 

Qu’est-ce que l’antisémitisme ? Au niveau rudimentaire, la forme de haine la plus ancienne et – paradoxalement (ou par conséquent) – la plus vivace qui soit. Dès le livre d’Esther (composé sans doute au IIe siècle avant Jésus-Christ), Haman déclare au roi Assuérus (3, 8) : « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n’est donc pas dans l’intérêt du roi de les conserver » (trad. Bible du Rabbinat). Le reproche traversera les siècles. On trouve chez les écrivains latins des propos peu amènes ; mais – et en l’occurrence le paradoxe est strident – ce fut avec le christianisme, au départ une variante du judaïsme parmi d’autres, que le discours anti-juif acquit une virulence particulière. L’Église a fait amende honorable. Trop peu, trop tard ?

De bonnes raisons de mourir, Morgan Audic (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Polars, Roman

De bonnes raisons de mourir, mai 2019, 492 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Morgan Audic Edition: Albin Michel

 

Clemenceau disait qu’on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. Il aurait pu ajouter, s’il avait connu ce genre de tragédie : on ne ment jamais autant qu’avant, pendant et après une catastrophe nucléaire. Avant, en affirmant qu’elle ne risque pas de se produire ; pendant, en prétendant que la situation est sous contrôle, et après, en racontant que les retombées radioactives se sont sagement arrêtées aux frontières.

On aurait pu penser qu’une fois les populations évacuées, avec ce mélange d’héroïsme et d’impréparation caractéristique de l’ancienne Union soviétique (mais comment se préparer à un événement dont on refuse d’envisager l’irruption ?), la région de Tchernobyl demeurerait gaste terre, sinon pour l’éternité (notion qui a peu de sens dans notre monde sublunaire), au moins pour quelques siècles, le temps que s’estompent les patientes radiations. C’était sans compter l’appétit de lucre de certains voyagistes, ne demandant qu’à flatter l’impudeur, l’inconscience, l’absence de common decency, la bêtise d’idiots venus par milliers faire des selfies au milieu du monde d’après l’Apocalypse, dans cet état intermédiaire où l’humanité a déjà disparu mais où la nature n’a pas entièrement repris ses droits.