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Portrait du baron d’Handrax, Bernard Quiriny (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 01 Février 2022. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Recensions

Portrait du baron d’Handrax, Bernard Quiriny, janvier 2022, 170 pages, 17 € Edition: Rivages

 

Le baron Archibald d’Handrax, petit-neveu d’un peintre local oublié, Henri Mouquin d’Handrax (1896-1960), a-t-il existé ? La question se pose en ces termes, au passé, puisqu’au lendemain de sa mort, ses proches reçurent une carte postale qu’il avait écrite : « Je suis parti en voyage pour longtemps, vers un pays très lointain. Pour le moment, je suis en route ; il fait plutôt sombre, si bien que je n’ai pas tellement de paysages à vous décrire ». Cette interrogation est d’importance secondaire (Lichtenberg a bien donné, grâce au langage, une forme de réalité à un objet qui n’existe pas). Si Archibald d’Handrax avait été réel, comme il aurait eu le droit de l’être, et que Bernard Quiriny l’avait rencontré, il aurait gîté dans l’Allier, un département qu’on se contente en général de traverser sans vraiment s’y attarder et sans prendre le temps d’y admirer ce qui mérite de l’être. Peu de gens auraient par exemple l’idée de s’offrir un séjour à Montluçon, alors qu’il s’agit d’une belle cité, qu’on peut arpenter en toute quiétude, sans être incommodé par les hordes de touristes. À un étranger qui voudrait se faire une idée de la France, de sa nature séculaire, de ses rythmes profonds, on ne pourrait que conseiller de visiter l’Allier, qui vit en outre naître plusieurs écrivains, parmi lesquels Valery Larbaud, à qui le baron d’Handrax – qu’il ait ou non existé – emprunte plus d’un trait (petit clin d’œil, p.31).

La Vie derrière soi, Fins de la littérature, Antoine Compagnon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 24 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions des Equateurs

La Vie derrière soi, Fins de la littérature, septembre 2021, 382 pages, 23 € . Ecrivain(s): Antoine Compagnon Edition: Editions des Equateurs

 

Toute vie se termine un jour, la nôtre, aussi bien que celle de Mozart ou de Thersite. L’évidence et la prévisibilité absolues de cette fin ne la rendent pas moins inquiétante (les seules questions, pour nous qui vivons encore et en dehors d’une décision délibérée, étant celles du lieu, du moment et de la manière).

Même si l’exercice est vain, on ne peut s’interdire de se demander ce que Mozart eût encore donné au monde s’il n’était pas mort à trente-cinq ans (et de quoi meurt-on à cet âge-là ?). Une réponse possible consisterait à dire qu’il aurait achevé son Requiem, mais aurait-il pu écrire quelque chose de plus grand (interrogation corollaire : peut-il exister quelque chose de plus grand ?) ?

La question se pose également pour les créateurs qui, à l’inverse de Mozart, reçurent la grâce d’une longue vie et parfois même celle de l’Uralter, l’âge au-delà de la vieillesse (Fontenelle, Jünger) : que valent les œuvres écrites en l’hiver d’une existence ?

La Déroute des idées, Appel à la résistance, Philippe-Joseph Salazar (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 18 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Essais

La Déroute des idées, Appel à la résistance, Philippe-Joseph Salazar, Piranha Editions, octobre 2021, 252 pages, 18 €

 

 

La rhétorique ? Un mot très ancien pour désigner une chose plus ancienne encore. Selon d’aucuns, le mot et la chose sentent le renfermé, le moisi, la naphtaline, la toge mitée, les estrades vermoulues, les péroraisons prévisibles d’avocat commis d’office ou de sous-préfet d’arrondissement aux comices agricoles, les effets de manche, les figures de style aux noms qu’on imagine échappés des pages d’un dictionnaire médical (chleuasme, épanorthose, tapinose, etc.).

Et s’il s’agissait d’autre chose ?

Lignes de crêtes, Promenades littéraires en montagne, Collectif (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 10 Décembre 2021. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Recensions, Editions Noir sur Blanc

Lignes de crêtes, Collectif, mai 2021, 296 pages, 29 € Edition: Editions Noir sur Blanc

Excellente idée que celle des Éditions Noir sur Blanc, de marier anthologie littéraire et guide touristique ; encore ce dernier adjectif est-il peut-être mal choisi, car on n’imagine guère des personnes âgées en tenues courtes venir par autocars entiers pour effectuer ces itinéraires, dont certains ne semblent pas vraiment faciles. Précisons encore que les montagnes sont celles de la Suisse, pays bien pourvu dans ce domaine, et les écrivains avant tout ceux de la Confédération, également bien pourvue, ce que la France et l’Allemagne voisines ignorent en général (la littérature helvète étant au moins bilingue). Cela dit, on croise également au fil des pages et des cimes des écrivains aussi divers que Hegel, D. H. Lawrence, Mark Twain, Rimbaud, Herman Melville, André Maurois, Chateaubriand, Musil, Tolkien (qui, comme il le reconnut dans une lettre, s’inspira des paysages suisses pour ses contrées fantastiques), Amiel, Maupassant, Proust, Goethe, James Baldwin ou Paul Celan. Sans qu’elle s’en vante outre mesure, la Suisse se trouve au centre de l’Europe et, avec son mélange de langues allemande, française et italienne, constitue un microcosme du continent entier, une autre « terre du milieu », une Mitteleuropa paisible. Nombreux furent les écrivains qui ne s’y trompèrent pas. De plus, la Confédération offrait un îlot de paix et de stabilité politique au milieu des conflits incessants et des révolutions en tous genres.

Mauthausen, Iakovos Kambanellis (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 29 Novembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Albin Michel, Recensions, Bassin méditerranéen, Récits

Mauthausen, Iakovos Kambanellis, janvier 2020, trad. grec, Solange Festal-Livanis, 374 pages, 22,90 € Edition: Albin Michel

 

Il en va de la « littérature des camps » comme du Livre de sable borgésien : tout se passe comme s’il restait toujours quelque chose à découvrir, un livre qui viendrait ajouter sa touche à un tableau déjà effroyablement précis et pourtant à jamais incomplet. On sait peu que, parmi les victimes de la machine de mort nazie, il y eut un contingent non négligeable de Grecs, parmi lesquels un jeune homme, Iakovos Kambanellis, né en 1922, arrêté à Innsbruck alors qu’il avait fui sa patrie occupée et envoyé dans le camp le plus proche de l’Autriche, à Mauthausen, où il fut détenu d’octobre 1943 à la libération par les troupes américaines. Il eut la bonne fortune d’échapper à la chambre à gaz, aux médecins impies et au Wiener Graben, la carrière de granit – avec son escalier interminable, propice à toutes les blessures – où les prisonniers extrayaient des tonnes de roche, jusqu’à ce que mort s’en suive. De retour en Grèce, pour trouver un sens à sa vie et exorciser les mauvais souvenirs, Kambanellis entama une carrière d’écrivain et de dramaturge. Mauthausen fut publié en 1965, vingt ans après la fin de la guerre.