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Le Crépuscule du monde, Werner Herzog (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 09 Juin 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Séguier

Le Crépuscule du monde, Werner Herzog, avril 2022, trad. allemand, Josie Mély, 144 pages, 18 € Edition: Séguier

 

Amateur de destins hors du commun, réalisateur d’Aguirre ou la colère de Dieu, de Fitzcarraldo et de Kaspar Hauser, Werner Herzog reste à ce jour un des très rares metteurs en scène à avoir menacé un de ses acteurs à l’aide d’un fusil chargé. Que l’acteur en question ait été un personnage aussi antipathique que Klaus Kinski, avec son faciès de gargouille gothique, n’enlève rien à la gravité du geste.

Lors d’un séjour au Japon, on demanda à Herzog qui il souhaiterait rencontrer au Pays du Soleil levant. La réponse du cinéaste désarçonna ses interlocuteurs : Hiroo Onoda. « Qui ? ». En réalité, c’eût été la question d’un Occidental connaissant mal l’Empire. Les Japonais savaient qui était Onoda et lui témoignaient la révérence ambiguë qu’on accorde aux héros d’hier.

La Pensée de Carl Schmitt (1888-1985), David Cumin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 30 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, L'Harmattan

La Pensée de Carl Schmitt (1888-1985), David Cumin, décembre 2021, 1020 pages, 2 volumes, 45 €, 42 € Edition: L'Harmattan

 

Dans un volume hommage à George Steiner (Avec George Steiner, Les chemins de la culture, Albin-Michel, 2010, p.96), Jeffrey Mehlman a raconté comment, en 1979, le philosophe et talmudiste Jacob Taubes (1923-1987), fils du grand-rabbin de Zurich, passa les fêtes du Nouvel An juif en compagnie d’un antisémite notoire, qui « était, hélas, le grand penseur politique du XXe siècle ». Comme avec le fameux « Victor Hugo, hélas ! » de Gide, tout est dans l’interjection.

À l’instar de Heidegger, avec qui il possède plus d’un point commun (entre autres le goût de la poésie – il fut fasciné par l’immense épopée de Theodor Däubler, Nordlicht, qu’il qualifiait de « grand cours d’eau qui emporte tout sur son passage : du limon, des troncs d’arbres, des chats crevés, mais aussi des pépites d’or », propos cité par Nicolaus Sombart, Chronique d’une jeunesse berlinoise, trad. O. Mannoni, Quai Voltaire, 1992, p.308), Carl Schmitt – c’est de lui qu’il s’agissait – se tient à la limite entre canonisation et exécration.

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Allons-nous continuer la recherche scientifique ?, Alexandre Grothendieck, Éditions du Sandre, mars 2022, 102 pages, 9 €

 

Une silhouette voûtée par l’âge appuyée sur une canne de bois. Une longue barbe blanche, des yeux d’enfant derrière des lunettes à monture métallique, l’ébauche peut-être d’un sourire. Un vêtement qui ressemble à une robe de bure, le capuchon relevé sur la tête. L’homme parlait aux plantes, distillait de l’eau-de-vie et rédigeait dans la solitude des milliers de pages dont il brûla une partie. Un personnage à mi-chemin entre Merlin et un rabbin de l’ancienne Russie, d’où était venu son père (disparu dans les chambres d’Auschwitz). Ainsi apparaissait, sur une des dernières photos qui aient été prises de son vivant, Alexandre Grothendieck (disparu en 2014), médaille Fields (le Prix Nobel des mathématiciens) 1966.

Comme le sont les recherches des mathématiciens de premier plan, les travaux scientifiques d’Alexandre Grothendieck demeurent obscurs au profane. Son évolution intellectuelle fut en revanche limpide, à défaut d’être linéaire. Né en 1928, il grandit dans un milieu libertaire et marginal.

Colombey est une fête, Aurélie Chenot (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Inculte

Colombey est une fête, Aurélie Chenot, mars 2022, 192 pages, 15,90 € Edition: Inculte

 

Le domaine de La Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), est entré dans l’Histoire en même temps que son dernier propriétaire, Charles de Gaulle, qui l’avait acquis en 1934. Ce fut à la fois une maison familiale et un endroit où il recevait ses fidèles, mais également le lieu où le Général écrivit ses Mémoires. Mais De Gaulle n’a pas fait construire La Boisserie et l’histoire de la demeure ne commence pas avec lui. Dans Colombey est une fête, Aurélie Chenot consacre à un précédent occupant le livre qu’il mérite. Le nom d’Eugene Jolas ne dit pourtant plus rien à personne, si ce n’est à quelques érudits et bibliophiles.

Il était né en 1894 près de New York et, du fait de circonstances qu’on découvrira, avait grandi en Moselle, qui n’était pas alors un département français, mais faisait partie du Reich allemand. L’enfant vécut dans un univers multilingue, où se croisaient l’allemand, le français, le luxembourgeois, l’alsacien et le platt (dialecte alémanique de la Moselle).

Éthique, Baruch Spinoza sous la direction de Maxime Rovere (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Mai 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Flammarion

Éthique, Baruch Spinoza, novembre 2021, édition et traduction, Maxime Rovere, 956 pages, 35 € . Ecrivain(s): Maxime Rovere Edition: Flammarion

 

La question du progrès, appliquée à la littérature ou à la philosophie, est d’un maniement délicat, même s’il est difficile de prétendre qu’elle n’a aucun sens. Dans des disciplines comme l’astronomie, la médecine ou les mathématiques, les progrès accomplis en, disons, cinq siècles, sont immenses et permettent seulement aux optimistes de rêver à ceux qui pourront encore l’être dans les cinq autres à venir. Le moins inspiré des doctorants en sait plus que l’astronome peint par Vermeer, où une longue tradition a voulu voir un portrait de Spinoza. L’idée d’un corps humain virtuellement immortel et réparable presque à l’infini par échanges de pièces ou d’organes n’appartient plus tout à fait à la science-fiction, même si les implications éthiques et politiques soulevées par cette perspective sont prudemment mises de côté, puisque cette immortalité virtuelle pourrait bien n’être que le privilège d’une caste très étroite. En mathématiques, les découvertes de la géométrie non-euclidienne, l’existence possible d’une infinité d’univers infinis, dans une infinité de dimensions, ne sont même pas assimilables par l’esprit humain.