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Roman

Une jeunesse en fuite, Arnaud Le Guern (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 17 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions du Rocher

Une jeunesse en fuite, janvier 2019, 232 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Arnaud Le Guern Edition: Les éditions du Rocher

 

« J’ai vécu quinze ans fin de la terre, j’y reviens chaque année, en juillet, pour une poignée de jours. Maison de famille, entre Brest et le Conquet, où habitent mes parents. La commune se nomme Plougonvelin. Je préfère le nom de la plage sur laquelle donnent les terrasses de la villa : le Trez-Hir. Mon snobisme. Là-bas, j’ai vue sur l’océan et la campagne dans le dos. Repos du guerrier urbain après trop de derniers verres. Je suis cerné par les paysages de mon enfance. Horizon balnéaire et verdure aux fesses ».

Une jeunesse en fuite est le roman de cette jeunesse balnéaire bretonne, qui s’éternise et s’étire, comme si elle sortait d’une douce sieste face à l’océan. Une jeunesse en fuite est aussi le roman mélancolique d’une chanson d’été de Niagara, Christophe, Vanessa Paradis, ou des Guns N’Roses. Une jeunesse pétillante, amusée, joyeuse, qui flirte avec la vie et ses courbes délicieuses, où rien n’a plus d’importance qu’une certaine nonchalance affective et élective. L’écrivain narrateur possède l’insouciance des personnages des films de Vadim ou des livres de Beigbeder, il lit Charles Bukowski, France Football, l’Idiot International, et Jacques Laurent qu’il préfère lorsqu’il signe Cecil Saint-Laurent.

Un bâtard en Terre promise, Ami Bouganim (par Zoé Tisset)

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 17 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Israël

Un bâtard en Terre promise, Editions La Chambre d’Echos, février 2018, 173 pages, 16 € . Ecrivain(s): Ami Bouganim

 

C’est l’histoire d’un exil voulu espéré, ce couple mère et fils quitte Casablanca dans les années soixante pour rejoindre Israël. Ils font partie de la diaspora juive marocaine, le fils est un bâtard judéo-berbère : « Une partie en moi haïssait l’autre en moi. Le juif, l’arabe ; l’arabe, le juif. Je n’ai pas connu la haine de soi. Mais une double haine de soi ». C’est la voix du fils qui s’épelle dans ce livre, douloureusement, car jamais il ne trouvera la paix et la joie. « Je n’ai pas la patience de vivre. Ce n’est pas absurde, c’est incongru ».

On assiste peu à peu à une sorte de désincarnation du narrateur qui perd toute relation avec ce monde étranger qui le renie et l’ignore. Sa seule source « d’être » est de se retrouver sur une terrasse comme s’il était encore à Casablanca. Là-bas, il était promu pour faire des études, il aurait eu une bourse, ici, en Israël, on l’a retoqué à des travaux de champs. On lui refuse la possibilité de devenir médecin. « C’était la même personne que le boursier de l’Alliance, endurcie par les corvées agricoles et galvanisée par trois ans de service militaire, qu’on recalait. Sans raison ; sans excuse ».  Sa mère, volontaire pour ce voyage vers la terre promise, n’osera jamais se révolter ou même critiquer ouvertement le pays d’accueil.

Pas pleurer, Lydie Salvayre (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Mercredi, 16 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points

Pas pleurer, 288 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Lydie Salvayre Edition: Points

 

Prix Goncourt 2014, Pas pleurerrevient après près de 80 ans sur la guerre civile espagnole, au travers de deux témoignages antithétiques offrant au lecteur une vue aussi nuancée qu’engagée d’un épisode important de l’Histoire européenne et de l’histoire familiale de Lydie Salvayre : d’un côté, le récit de Montse, la mère de la narratrice née en France de parents républicains ayant fui la guerre, qui en 36, lors du soulèvement libertaire mené par son frère à Lérima en Catalogne, connut le « plus bel été de sa vie » ; de l’autre, le témoignage déchiré de George Bernanos dans un ouvrage malheureusement trop peu lu, intitulé Les grands cimetières sous la lune, dans lequel l’écrivain catholique monarchiste résidant alors à Majorque dénonçait les exactions du camp nationaliste et la complicité de l’Eglise.

L’été radieux de ma mère, l’année lugubre de Bernanos dont le souvenir est resté planté dans sa mémoire comme un couteau à ouvrir les yeux. Deux scènes d’une même histoire, deux expériences, deux visions qui depuis quelques mois sont entrées dans mes nuits et mes jours, où, lentement, elles infusent.

Né d’aucune femme, Franck Bouysse (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Manufacture de livres

Né d’aucune femme, janvier 2019, 336 p. 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

Au bout du chemin il y a une bâtisse, appelée Les Forges, la maison du maître. Là commence l’histoire de Rose. Franck Bouysse va en surprendre plus d’un parmi ses lecteurs. La « trilogie des Marches » est finie – Grossir le ciel, Plateau, Glaise – on ne quitte pas vraiment le rural noir mais on assiste à un basculement complet dans l’œuvre de Franck. Et c’est le genre qui fait rupture.

Comme dans toute sa jeune œuvre, Bouysse prend, encore une fois, le contrepied de l’air littéraire du temps. A l’assommoir que nous infligent nombre de romans français d’aujourd’hui, autofictions ou exofictions à la queue-leu-leu, qui tirent leur inspiration qui d’un fait-divers célèbre, qui d’une biographie d’homme illustre, qui d’un événement historique connu de tous – paresse moderne des imaginations – Franck Bouysse crée de toutes pièces une histoire venue de nulle part, si ce n’est de sa plume et de son univers propre. Venue de nulle part, située on ne sait trop où (un indice cependant au long du livre), on ne sait trop quand (XIXème siècle ? Début du XXème ?). Seul le domaine magique de la littérature lui sert d’écrin.

Le Livre d’Amray, Yahia Belaskri (par Mona)

Ecrit par Mona , le Lundi, 14 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Maghreb, Zulma

Le Livre d’Amray, mai 2018, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Yahia Belaskri Edition: Zulma

 

Le Livre d’Amray c’est la profession de foi d’un poète « depuis deux mille ans en quête d’amour », blessé par des « voleurs de rêves », qui cherche en vain sa place dans la cité. Yahia Belaskri met en forme « rien d’autre qu’une tragédie sans fin ni mesure ».

L’auteur plante le décor dans une terre des temps immémoriaux qu’il choisit de ne jamais nommer, et la majuscule au mot Livre dans le titre inscrit l’histoire du poète « amoureux du monde et de ses mystères » dans un registre sacré et intemporel qu’il faut garder en mémoire (« rappelez-vous de moi »).

Et pourtant, le drame du poète n’a rien d’abstrait : il subit la terreur dans sa chair et on reconnaît bien l’Algérie dans cette terre mutilée à travers les siècles. Le narrateur, né comme l’auteur avec la guerre d’Algérie (« Je suis né et le monde a basculé dans la terreur ») doit porter en terre le corps de sa femme massacrée par les terroristes islamistes lors de la décennie noire. Ce nœud dramatique bouleverse la structure même du récit et fait éclater le point de vue narratif : l’ami, Ansar, prend alors le relais d’Amray le narrateur.