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Roman

Mon frère et moi, Erik Sven (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 05 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Mon frère et moi, éditions Murmure des Soirs, février 2018, 126 pages, 18 € . Ecrivain(s): Erik Sven

 

Dans cette fiction d’un auteur néerlandophone qui écrit admirablement dans la langue de Molière tout est inventé et tout semble vrai.

Les personnages principaux, deux enfants, Colline et Aubin (et aussi leur amie Béatrice) ont parfois des comportements d’adulte frisant l’étrange initié par une ambiance à la fois de village et de forêt comme si on passait sans cesse d’un monde à l’autre (on songe à Alice aux Pays des merveilles) ; une adulte, un peu à l’écart de la société, Berthe, fera office de bonne sorcière usant de sortilèges très humains pour amadouer Colline et Aubin qui ne demandent qu’à trouver une affection diluée entre une mère excessive et malade et un père activement restreint dans son rôle professionnel de chef de chantier. On n’oubliera pas, à cet égard, qu’un des « personnages » principaux est… une autoroute catalysant la progression du récit, Berthe ayant des choses à régler d’anciennes situations : « Selon le journaliste, qui se prenait pour Sherlock Holmes, tout indiquait que la grande Berthe avait enlevé le petit Aubin. Enlèvement qui (et là, le journaliste se fit psychologue) trouvait son origine dans une histoire non résolue entre papa et Berthe ». Voilà donc, une ébauche de cette intrigue calquée sur des non-dits autant que sur des gestes très physiques entre les personnes, à la limite des émotions « courantes » et notamment entre enfants :

Les impatients, Maria Pourchet (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les impatients, janvier 2019, 187 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Maria Pourchet Edition: Gallimard

Relisez tous les titres ; les livres de Maria Pourchet rendent possible le mouvement, rendent sensible la vitesse, tous sont une course. Incarnent un certain essoufflement. D’emblée vous propulsent. Maria Pourchet a ce sens de l’accueil. L’auteure qui sait accueillir un lecteur, l’inviter dans son salon, sait le mettre à l’aise et surtout ! sait ne pas le lâcher au bord du. Ou le laisser en plan, appelez ça comme vous voulez.

« Quelque chose commence ici » sont les premiers mots. Cinq chapitres comme les cinq doigts de la main, cette main qui ne fait plus qu’utiliser une souris, un clavier, elle fait, elle défile, elle conçoit, elle déplace, elle copie, elle sélectionne. Elle efface.

Reine ? a ici encore l’adolescence dans le corps, le corps qu’on renie.

« Oui Reine va très vite. On tourne une page, on ne fait pas attention, on s’est pris dix-huit ans dans la vue ». Reine avance. Diplômée, une grande école, dites-vous, Reine appartient à cette génération que vous nommez en entreprise la génération Y. Un talent. Les entreprises justement, Reine les avale, les consomme, postule, repart, un boulot puis un autre. Vous ne parlez plus d’instabilité mais de plan de carrière. Reine bosse en mode projet. Sans contraintes déterminées. Jeune femme dynamique, tirée à quatre épingles, lisse et parfaite. Reine n’est pas tirée, Reine contrôle.

Mare Nostrum, Philippe de La Genardière (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Vendredi, 22 Février 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud

Mare Nostrum, janvier 2019, 272 pages, 21 € . Ecrivain(s): Philippe de la Genardière Edition: Actes Sud


« Un livre de pure fiction (d’imagination, disait-il de préférence), dont la dramaturgie reposait entièrement sur les pouvoirs de la langue, dont l’auteur avait su restituer la voix primordiale, les mythes et les légendes, qu’il était parvenu à rendre vivants dans une aventure se situant de nos jours » (p.63). Ainsi parle le personnage éditeur, expliquant quel serait son livre idéal. Difficile de ne pas y voir un commentaire de Philippe de La Genardière, parlant de son roman.

Plus généralement, Mare Nostrum raconte l’histoire d’un sexagénaire fatigué du monde, qui peine à se remettre d’une rupture et cherche le réconfort en se rendant sur la côte méditerranéenne pour comprendre le naufrage de leur couple, l’origine de cette haine qui s’est immiscée entre un vieux blanc et une jeune noire.

Le retour du Phénix, Ralph Toledano (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 22 Février 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Le retour du Phénix, août 2018, 408 pages, 22 € . Ecrivain(s): Ralph Toledano Edition: Albin Michel

 

Parmi les innombrables « romans de la rentrée », Le retour du Phénix détone et fait entendre une mélodie singulière. À la manière de la clef sur une portée, le premier chapitre, qui voit passer la silhouette de Bernard Berenson (de son vrai nom Bernhard Valvrojenski), le célèbre expert et critique d’art, donne le ton et installe le lecteur à une certaine altitude. En lisant le premier chapitre, on songe à Mario Praz (d’ailleurs mentionné page 303) et à ce qu’il écrivit sur les magnats américains qui collectionnent sans vraiment les comprendre des merveilles de l’art européen. Par un phénomène que l’on s’explique mal, les œuvres perdent quelque chose d’impondérable – leur âme ? – en franchissant l’Atlantique. Les cloisterssi soigneusement démontés puis remontés à New-York rendent un son faux.

Ce n’est pas aux États-Unis que commence réellement Le retour du Phénix, mais à Rome. L’héroïne, née Juive au Maroc, n’a eu qu’à traverser la Méditerranée. Ce fut assez. Hier comme aujourd’hui et peut-être comme toujours, Rome n’est plus dans Rome. Dans la Ville éternelle se réfracte mieux qu’ailleurs la crise spirituelle du monde occidental. Cette crise, qui peut passer inaperçue au milieu de l’agitation new-yorkaise, apparaît de manière poignante parmi les fastes et les vestiges romains.

La Folie Elisa, Gwenaëlle Aubry (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 21 Février 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Mercure de France

La Folie Elisa, août 2018, 141 pages, 15 € . Ecrivain(s): Gwenaëlle Aubry Edition: Mercure de France

 

La folie est au cœur du dernier roman de Gwenaëlle Aubry, comme son titre l’indique, La Folie Elisa, Elisa, anagramme d’asile. Le récit est construit sur la dialectique « dedans », titre des trois premières pages en ouverture et « dehors », titre des trois pages finales avec en exergue l’appel poétique de Rainer Maria Rilke à quitter la maison.

On entre dans la maison de L et dans son crâne comme dans un moulin, et quatre « runaway girls », « filles de la fuite et de la perte » y trouvent asile au double sens du terme : abri et maison de folles (« Mes petites folles, je vous héberge et vous protège »). Chacune porte en elle un naufrage personnel et cherche son salut : Emy, la chanteuse, devenue cinglée après le Bataclan ne peut plus remonter sur scène ; Sarah, la danseuse, victime d’une kamikaze palestinienne, échoue à se reconstruire à Berlin et chute à nouveau ; Ariane, la comédienne, ne peut plus jouer la comédie après le départ d’une gamine en Syrie ; et Irini, la sculptrice, porte en elle la folie de sa mère (prénommée paradoxalement Sophia, la sagesse). Elles larguent toutes les amarres à l’instar de la folie d’un monde qui court à sa perte comme le soulignent trois courts chapitres « camera obscura » insérés dans le récit et composés de gros titres et dépêches d’agences sur la crise des migrants ou la montée de l’extrême-droite en Europe.