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Roman

Ce que cela coûte, Wilfred Charles Heinz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Monsieur Toussaint Louverture

Ce que cela coûte, février 2019, trad. anglais (USA) Emmanuelle et Philippe Aronson, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Wilfred Charles Heinz Edition: Monsieur Toussaint Louverture

 

Monsieur Toussaint Louverture continue à nous surprendre avec des œuvres oubliées et plus stupéfiantes les unes que les autres. Avec ce roman – est-ce un roman, un récit fictionnel ? – nous sommes dans le monde âpre et mâle de la boxe dans les années 1950. Un journaliste sportif Franck Hugues, va suivre pendant trois semaines la préparation, l’entraînement minutieux d’un superbe boxeur, Eddie Brown, avant son prochain match où se jouera le titre de champion du monde des poids moyens. Nous suivrons ainsi avec lui la vie quotidienne dans un hôtel-restaurant spécialisé, à quelques kilomètres de New-York, avec salle d’entraînement équipée. Eddie Brown n’est pas le seul boxeur en préparation pour des rencontres, même s’il est le plus grand espoir de la boxe de son temps. Ces boxeurs sont entourés de leurs coaches, leurs médecins, leurs sparring-partners – c’est donc une petite colonie que le narrateur Franck Hugues va observer pendant cette période. Observer au détail près, comme le ferait un peu un anthropologue devant une étrange peuplade.

Le Maître du Talmud, Éliette Abécassis (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 07 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Le Maître du Talmud, février 2018, 360 pages, 22 € . Ecrivain(s): Eliette Abécassis Edition: Albin Michel

 

« Le peuple juif a créé le Talmud et le Talmud a créé le peuple juif », disait le rabbin Adin Steinsaltz, qui a fait plus que tout autre pour que ce livre infini devienne accessible à l’humanité entière. Il existe un miracle du Talmud : que cet ouvrage nous soit parvenu, même incomplet (il en manque près de la moitié et les traités disparus paraissent avoir été perdus de bonne heure), relève du prodige, compte tenu des efforts qui furent déployés pour le faire disparaître. Le parallèle avec le peuple juif est évident et lumineux. Durant des siècles, certains traités ne survécurent qu’en un seul exemplaire manuscrit, à la merci des hommes, des animaux ou des éléments.

Le nouveau roman d’Éliette Abécassis plonge son lecteur dans un de ces moments paroxystiques et s’inspire de faits avérés. Une fois n’est pas coutume, la menace venait des rangs mêmes du judaïsme, en la personne d’un certain Nicolas Donin, un Juif qui refusait l’autorité du Talmud, se convertit au christianisme, écrivit au Pape pour accuser ses anciens coreligionnaires d’étudier un livre (le Talmud) qui blasphémait le Christ et la Vierge. Le Pape demanda au roi de France d’éclaircir ce point.

Vesoul, le 7 janvier 2015, Quentin Mouron (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 06 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Olivier Morattel éditeur

Vesoul, le 7 janvier 2015, janvier 2019, 120 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Quentin Mouron Edition: Olivier Morattel éditeur

 

« Le picaro est cadre, homme d’affaire, plasticien, écrivain. Il n’a ni attache, ni patrie ; il ne reconnaît aucune frontière, aucune religion. Il est planétaire. Il saute les méridiens. Il glisse autour du globe. Son visage est jeune, lisse, pur ; sans échancrures ethniques, sans miasmes historiques. C’est un ange. Mon maître dans son Audi, me semblait un ange ».

Vesoul, le 7 janvier 2015, nous plonge dans l’histoire ubuesque d’un cadre supérieur adepte de grosses cylindrées, de manifestations culturelles, du jazz, d’alcools forts, de la gymnastique traditionnelle chinoise, de bars sympas, de plans cools et de spots de princes. Le narrateur qui fait du stop va tomber sur ce personnage issu de romans picaresques, un futé bien affuté que rien n’effraie. Comme Don Quichotte et Sancho dans La Mancha, ils vont tourner en rond dans Vesoul. D’une escale très arrosée au vin d’Arbois dans une gargote délabrée occupée par une douzaine de silhouettes ployées sur les godets à l’Hivernale des Poètes, le narrateur passe à la moulinette les comportements et la novlangue de ces artistes, plus ridicules les uns que les autres, et persuadés que La poésie rend libre. Nos aventuriers vont alors traverser le Tunnel des citations, où des centaines d’extraits de poèmes, de romans ou d’essais, sont mutilés de mots et de phrases qui n’ont plus leur place dans ce nouveau monde.

Mon frère et moi, Erik Sven (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 05 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Mon frère et moi, éditions Murmure des Soirs, février 2018, 126 pages, 18 € . Ecrivain(s): Erik Sven

 

Dans cette fiction d’un auteur néerlandophone qui écrit admirablement dans la langue de Molière tout est inventé et tout semble vrai.

Les personnages principaux, deux enfants, Colline et Aubin (et aussi leur amie Béatrice) ont parfois des comportements d’adulte frisant l’étrange initié par une ambiance à la fois de village et de forêt comme si on passait sans cesse d’un monde à l’autre (on songe à Alice aux Pays des merveilles) ; une adulte, un peu à l’écart de la société, Berthe, fera office de bonne sorcière usant de sortilèges très humains pour amadouer Colline et Aubin qui ne demandent qu’à trouver une affection diluée entre une mère excessive et malade et un père activement restreint dans son rôle professionnel de chef de chantier. On n’oubliera pas, à cet égard, qu’un des « personnages » principaux est… une autoroute catalysant la progression du récit, Berthe ayant des choses à régler d’anciennes situations : « Selon le journaliste, qui se prenait pour Sherlock Holmes, tout indiquait que la grande Berthe avait enlevé le petit Aubin. Enlèvement qui (et là, le journaliste se fit psychologue) trouvait son origine dans une histoire non résolue entre papa et Berthe ». Voilà donc, une ébauche de cette intrigue calquée sur des non-dits autant que sur des gestes très physiques entre les personnes, à la limite des émotions « courantes » et notamment entre enfants :

Les impatients, Maria Pourchet (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les impatients, janvier 2019, 187 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Maria Pourchet Edition: Gallimard

Relisez tous les titres ; les livres de Maria Pourchet rendent possible le mouvement, rendent sensible la vitesse, tous sont une course. Incarnent un certain essoufflement. D’emblée vous propulsent. Maria Pourchet a ce sens de l’accueil. L’auteure qui sait accueillir un lecteur, l’inviter dans son salon, sait le mettre à l’aise et surtout ! sait ne pas le lâcher au bord du. Ou le laisser en plan, appelez ça comme vous voulez.

« Quelque chose commence ici » sont les premiers mots. Cinq chapitres comme les cinq doigts de la main, cette main qui ne fait plus qu’utiliser une souris, un clavier, elle fait, elle défile, elle conçoit, elle déplace, elle copie, elle sélectionne. Elle efface.

Reine ? a ici encore l’adolescence dans le corps, le corps qu’on renie.

« Oui Reine va très vite. On tourne une page, on ne fait pas attention, on s’est pris dix-huit ans dans la vue ». Reine avance. Diplômée, une grande école, dites-vous, Reine appartient à cette génération que vous nommez en entreprise la génération Y. Un talent. Les entreprises justement, Reine les avale, les consomme, postule, repart, un boulot puis un autre. Vous ne parlez plus d’instabilité mais de plan de carrière. Reine bosse en mode projet. Sans contraintes déterminées. Jeune femme dynamique, tirée à quatre épingles, lisse et parfaite. Reine n’est pas tirée, Reine contrôle.