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Roman

Rouge de soi, Babouillec (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 07 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Rivages

Rouge de soi, mars 2018, 142 pages, 15 € . Ecrivain(s): Babouillec Edition: Rivages

Expérience d’immersion totale, Babouillec nous offre avec son Rouge de soiun roman spirale qui nous entraîne dans son tourbillon jusqu’au centre, là où l’auteur ne fait plus qu’un avec son personnage. Éloïse Othello est un alter ego plus intégré, indépendant, autonome, à qui l’auteur peut confier ce qui se trouve à l’intérieur d’elle-même, au plus rouge de soi, au cœur de l’être : ses rêves, ses élans, ses désirs, sa liberté de voir, de penser, de bouger, ses profonds questionnements existentiels. Éloïse Othello danse, a des amis, des projets, des poids et des peurs aussi dont elle veut se libérer en suivant une thérapie. Elle est perçue comme différente mais c’est une nana qui rebondit. Cependant, plane sur elle une peur ultime et on ne peut s’empêcher de frissonner en lisant ceci parce qu’on comprend à quel point l’auteur est tout près derrière ces mots-là :

« Entrer dans la confusion de l’amour et de la folie est ordinaire dans ce monde qui bombarde nos vies de slogans ordinaires, un amour fou, fou d’amour. Alors pour une personne traquée par la folie depuis son enfance, l’amour est synonyme de piège. Sa vie a pris des allures d’animal traqué. Pour dominer ses peurs, pour chasser ses angoisses, elle se réfugie dans ses entrailles où elle devient son ombre, une zombie sociale hantée par une peur ultime, la folie, l’enfermement ».

La connaissance et l’extase, Eric Pessan (par Sylvie Zobda)

Ecrit par Sylvie Zobda , le Lundi, 07 Janvier 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La connaissance et l’extase, éd. L’Attente, décembre 2018, 92 pages, 13 € . Ecrivain(s): Eric Pessan

 

Eric Pessan est un écrivain engagé. Ses textes évoquent bien souvent la politique, au sens large du terme, mot hérité du grec ancien politikos « relatif aux citoyens », mot qui déclenche une série de questions : comment vivre ensemble et accepter chacun ? Quelles sont nos valeurs communes ? Les liens qui soutendent notre société ?

Chacun de ses romans porte en lui son lot de cris, de révoltes, de combats. Il écrit pour la défense des migrants, des plus défavorisés, des plus concernés par toutes formes de violence.

On retrouve son regard empathique et juste sur les laissés-pour-compte de notre société dans son dernier ouvrage La connaissance et l’extase.

Tout commence dans un café où l’écrivain a quelques moments à tuer en attendant son train. La télé vomit son flot d’informations en continu. Les habitués commentent les arrestations dans les milieux islamistes radicaux. Petites phrases de violence ordinaire :

Des jours d’une stupéfiante clarté, Aharon Appelfeld (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 20 Décembre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Olivier (Seuil)

Des jours d’une stupéfiante clarté, janvier 2018, trad. hébreu Valérie Zenatti, 272 pages, 20,50 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Le dernier livre de l’écrivain israélien Aharon Appelfeld, qui nous a quittés cet hiver, raconte un voyage de retour chez soi et en soi : l’errance du jeune Théo à travers les paysages d’Europe centrale lorsque, à la libération du camp de concentration, il décide de quitter ses camarades prisonniers pour rentrer chez lui. Nimbé de brouillard, le jeune rescapé des camps avance sur une longue route sinueuse vers la lucidité cristalline « des jours d’une stupéfiante clarté ». Dans cette rencontre avec le silence de la plaine, on est frappé par la récurrence des mots « contempler » et « visions » qui ponctuent tout le récit du voyage, récit à la fois d’une pérégrination et d’une plongée en soi.

Ce voyage de retour chez soi, c’est d’abord l’histoire d’une intimité enfin retrouvée : Théo recherche son âme, ce qui l’a nourri comme ceux qui l’ont nourri et dont il a été brutalement arraché par la déportation. En route, il reconstitue les lambeaux de son passé : la vision de sa magnifique mère qu’il revoit sans cesse, en extase devant les icônes des monastères et les couchers de soleil, émue autant par les sonates de Bach que par la beauté des lacs. Il se souvient aussi, enfant, des délicieux bains chauds qu’elle lui donnait, de sa coquetterie frivole pour le maquillage et belles parures.

Celui qui est digne d’être aimé, Abdellah Taïa (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mercredi, 19 Décembre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb, Seuil

Celui qui est digne d’être aimé, 2017, 136 pages, 15 € . Ecrivain(s): Abdellah Taïa Edition: Seuil

 

 

Le roman d’Abdellah Taïa s’appuie sur un dispositif particulièrement soigné, à la fois sur le plan chronologique et narratif, pour dresser le portrait croisé d’Ahmed, homosexuel marocain, et double de l’auteur, à travers quatre lettres qui se répondent entre elles et donnent à voir, soit directement quand il en est lui-même à l’origine, soit indirectement par l’intermédiaire de ceux qui l’ont connu et qui lui écrivent, les évolutions de sa personnalité et son endurcissement progressif. Quatre lettres, de 2015, 2010, 2005 et 1990, selon l’ordre temporel inversé adopté par le livre, écrites donc pour deux d’entre elles (2015 et 2005, peut-être l’année charnière) par Ahmed et les deux autres par Vincent (2010) et Lahbib (1990). De ce point de vue, le texte est une sorte de tour de force, une remémoration chorale à plusieurs entrées, exercice intime à trois voix, sombre et violent, qui n’a rien d’un exercice de style.

Et la mariée ferma la porte, Ronit Matalon (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Décembre 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, Israël

Et la mariée ferma la porte, octobre 2018, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, 142 p. 15,80 € . Ecrivain(s): Ronit Matalon Edition: Actes Sud

 

Le court roman d’adieu de la regrettée Ronit Matalon, disparue hélas il y a un an, est un trésor littéraire et un formidable cri de femme. On pourrait dire de femme israélienne, tant l’héroïne de cette histoire, Margui (la mariée), associe les détresses diffuses d’une jeune femme confrontée à la perspective d’un destin fermé, et celles d’un pays, Israël, qui vit avec la même peur d’un lendemain impossible. C’est un roman de la fragilité, de l’inquiétude. Pas seulement celle de la mariée qui refuse soudain son destin immédiat, mais aussi celle du marié, Matti, qui, derrière la porte close de sa fiancée, va endosser peu à peu toutes les peurs, tous les doutes, tous les refus de celle qui est enfermée de l’autre côté. Margui, Matti, Ronit Matalon n’a pas choisi ces prénoms si proches par hasard. Ils sont miroirs l’un de l’autre et renvoient, métaphoriquement, aux deux peuples qui vivent, « de chaque côté de la porte », en Israël.