Ovaine, La Saga, Tristan Felix (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Ovaine, La Saga, avril 2019, 228 pages, 23 €
Ecrivain(s): Tristan Felix Edition: TinbadLes folles aventures d’Ovaine
Les aventures d’Ovaine avancent d’elles-mêmes ou plutôt à coups de l’imaginaire hors prix d’une auteure dont l’industrie de faux s’organise en vol d’étourneaux. Ces oiseaux ne sont pas les seuls : le chant ou la fable s’organise (entre autres) comme un bestiaire là où tout avance staccato et sprezzatura.
Monté chronologiquement, ce roman (mais est-ce le bon mot même s’il est ici revendiqué comme tel ?) crée une étrange humanité. Dans chaque moment, Tristan Felix ne rate jamais sa cible là où est pourtant tout affaire de segmentions et biffures joyeuses.
Séquences par séquences, temps par temps, s’inscrit non une vie mais sa multiplicité de postulations en rafales et éclairs fulgurants. D’où la renaissance perpétuelle d’Ovaine en ses métamorphoses. Ovide et Cervantès ne sont jamais loin. Kafka non plus (et paradoxalement). Mais un Kafka enjoué et excité et qui passerait outre la majesté de l’autorité. Ovaine est ici fêtée et autoproclamée dans une frénésie vitale et jubilatoire qui repose autant en harmoniques qu’en dissonances.
Il y a de la texture, de la sensation là où l’objectivation est remplacée par des suggestions, des possibilités de suites sans suite, en contrastes et ouvertures. Les causes deviennent des effets et les effets des causes. L’ensemble donne au lecteur la sensation d’extase magnétique tant l’écriture – sans jamais forcer – crée un univers infranchissable ailleurs. Car si Cervantès, Ovide ou Kafka peuvent être rameutés, tout est métamorphosé par la quasi préséance animalière dont l’héroïne fait bon cœur et corps donc bonne fortune.
Tout reste fulgurant et n’oblitère jamais (bien au contraire) la science des possibles comme des impossibles. L’écrivaine ignore la triste figure, elle traverse la vie de son héroïne sans la réduire en monnaie de singe (ce qui peut sembler un comble dans un tel zoo).
Roman de la démesure, cette saga – où l’imbrication de la nature est omniprésente – crée moins la confusion qu’une sorte d’hystérie en rien métaphorique là où pourtant une sorte de surréalisme est au fourneau. Existe un travail de forçage et de déflagration. Si bien qu’Ovaine elle-même devient un animal merveilleusement sensible mais pas domestique.
Tout travaille à la fois du dedans et du dehors dans la fantaisie libre. Elle ne s’arrête jamais. Ce que l’auteure caresse, transpose, recrée, se noue et dénoue en surface comme en profondeur. D’une vague à l’autre, de plongées en remontées quelque chose a lieu. La recherche d’un centre à peine perceptible. Le balancement. La berceuse. La valse. A mille temps ou presque. C’est là et ça insiste. Si bien que peut alors se poser la question : qu’était le roman avant qu’Ovaine n’apparaisse ?
Jean-Paul Gavard-Perret
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