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Roman

Une boîte de nuit à Calcutta, Nicolas Idier, Makenzy Orcel (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 05 Juillet 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Robert Laffont

Une boîte de nuit à Calcutta, mai 2019, 306 pages, 20 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier, Makenzy Orcel Edition: Robert Laffont

 

« … Calcutta m’a regardé, et j’ai baissé les yeux. Je n’aurais pas dû les baisser. J’ai vu s’allonger à même le sol cette Nouvelle jeunesse (1) qui se cherche, cherche une sortie, à travers une foule aussi compacte que les murs des palais vides, dans les ordures, le regard éteint des dieux » (Makenzy Orcel).

« … Quand un écrivain écrit, ce n’est pas seulement le monde qui entre dans son rythme, c’est la création d’un rythme du monde. Un mélange de bénédiction et de malédiction. Car il faut prendre sur nous tant de poids, traverser tant de strates de pierre sèche encombrée de mots et d’espoirs avortés… » (Nicolas Idier).

Une boîte de nuit à Calcutta est le roman épistolaire de deux écrivains, deux voyageurs, entre Pékin, Paris et Calcutta, deux amis qui se livrent et livrent ce qu’ils voient, pensent, sentent, et lisent. Deux écrivains armés d’un sismographe qu’ils maîtrisent à merveille : la littérature. Le roman est une arme qui fait voir le réel, même lorsqu’il semble s’en détourner, et Une boîte de nuit à Calcutta en est au centre.

Au Pays des choses dernières, Paul Auster (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 04 Juillet 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Babel (Actes Sud)

Au Pays des choses dernières (In The Country Of Last Things), trad. américain Patrick Ferragut, 267 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Paul Auster Edition: Babel (Actes Sud)

 

Où est Anna Blume ? Elle a assurément quitté ses pénates pour aller se perdre – à jamais ? – dans une ville effrayante, lieu des plus grands désordres qu’elle ait jamais connus, un quelque part de terreur, de douleur et de misère. L’épigraphe du roman, signée Nathaniel Hawthorne, est seule à donner nom à cette ville sans nom.

 

« Il n’y a pas si longtemps, ayant fran-

chi les portes du rêve, j’ai visité cette

Région de la terre où se trouve la

Célèbre Cité de la Destruction ».

L’année des nuages, Lilyane Beauquel (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

L’année des nuages, février 2019, 162 pages, 16 € . Ecrivain(s): Lilyane Beauquel Edition: Gallimard

 

Le roman commence par la fin. Le corps d’un jeune homme tué par un véhicule est découvert dans les fourrés. Mais ce n’est pas la fin de l’histoire qui reste ouverte, et qui tisse plusieurs vies jeunes et moins jeunes à Montpellier et en Syrie.

D’abord le couple Chloé et Adam. Moins de vingt ans d’âge. Étudiants en médecine. Couple ? Façon de parler ou de les voir de loin puisqu’ils vivent ensemble. Chloé veut aimer, faire l’amour ; Adam se refuse, est obsédé par Nora, premier et unique amour abandonné, laissé en quittant la Syrie – le contexte est bien celui de la guerre qui ravage ce pays « où a commencé l’art de cultiver les épis de blé et de les multiplier ». Obsédé semble un mot faible pour dire l’état d’esprit d’Adam. Il voit, sent, devine Nora partout et tout le temps ; au point d’être involontairement mais très clairement cruel.

« A travers le vêtement de nuit, il aperçoit son sexe mais ce sont les hanches de Nora qu’il voudrait tenir. La voix de Chloé n’a pas le cristal de celle de Nora, les aréoles de ses seins sont roses, celles de Nora sont brunes. Chloé est jolie, il l’a vue porter des meubles, courir au même rythme que lui, cette fille ne devrait pas souffrir de l’indifférence d’un garçon, pourtant il est ce garçon ».

Romans et récits I, II, Romain Gary en La Pléiade (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mardi, 02 Juillet 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, La Pléiade Gallimard

Romans et récits I, II, mai 2019, édition publiée sous la direction de Mireille Sacotte, Coffret de deux volumes, 3264 pages, 129 € jusqu’au 31 décembre 2019 . Ecrivain(s): Romain Gary Edition: La Pléiade Gallimard

 

Romain Gary dans le « saint des saints littéraires ». Le romancier entre dans la collection La Pléiade, avec à la clef deux volumes réunissant des romans et des récits, ainsi qu’un album. Enfin pourrait-on dire, près de quarante ans après sa mort. S’il a fallu tant de temps (en tout cas plus qu’à d’autres), c’est parce que l’écrivain a longtemps été jugé comme trop « populaire » par certains « gardiens du temple ». Son style a aussi été décrié et jugé pas assez « écrit ». Sa vie a pu aussi pu le desservir, tant elle a été auscultée, au détriment de son œuvre.

Il n’est pas forcément question de « justice » que Romain Gary intègre la prestigieuse collection de Gallimard, mais, on peut raisonnablement affirmer qu’il ne fera pas tache parmi les autres auteurs imprimés sur papier Bible. Et, clin d’œil de l’histoire, l’ancien compagnon de la Libération ne sera sans doute pas mécontent de voisiner, alphabet oblige, avec Charles de Gaulle.

La conquête des îles de la Terre Ferme, Alexis Jenni (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 28 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

La conquête des îles de la Terre Ferme, 449 pages, 7,99 € . Ecrivain(s): Alexis Jenni Edition: Gallimard

 

Alexis Jenni a le sens de l’histoire. Cette aptitude à resituer les guerres coloniales de la France dans l’exercice d’un art, illustrée à merveille dans son premier roman L’art français de la guerre, il la met en œuvre dans ce roman La conquête des Îles de la Terre Ferme. Comme le rappelle l’auteur dans son texte d’avertissement précédent celui du roman : « Tout est vrai, donc sauf les imprécisions, exagérations, condensations et menteries, qui sont dues au principe de débordement qui réside au cœur de tout roman ». Effectivement, le lecteur ressent cette vérité de la conquête dans ses aspects humains, économiques, religieux, idéologiques. Sans nous faire éprouver de la sympathie pour ces hommes, Alexis Jenni prend soin de nous rappeler qui ils étaient : d’abord, des individus humiliés à l’origine par leur éducation : « Je m’appelle Juan de Luna (…) Je me souviens parfaitement du jour où je cessais de répondre, ce jour précis où mon père que j’indifférais se mit à me haïr, ce qui est un sentiment plus noble que l’indifférence, car plus intense, et plus propre à générer des prouesses ».