Identification

Roman

Des hommes en noir, Santiago Gamboa (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 12 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Des hommes en noir, avril 2019, trad. espagnol (Colombie) François Gaudry, 368 pages, 21 € . Ecrivain(s): Santiago Gamboa Edition: Métailié

La réalité est une forêt sauvage, ses yeux de serpent brillent dans l’obscurité avant qu’elle attaque sa proie. Mais le plus dangereux au monde est l’amour qui s’assèche. Celui qui n’a pas pu sortir du tronc de l’arbre, qui s’est enroulé sur lui-même et a mordu son propre cœur.

 

Voilà un polar à la fois subtil et énergique, une enquête captivante dans une Colombie qui soigne tant bien que mal ses blessures, menée par des personnages plutôt atypiques : Julieta Lezama, quarante ans, qui vit à Bogotá, « journaliste indépendante aguerrie » et reconnue, mère de deux ados, en cours de divorce, supporte mal son corps ; libido cependant bien active, elle compense par du sexe alcoolisé. Son péché pas mignon justement : l’alcool, avec un goût prononcé pour le gin tonic en dose très déraisonnable. Et sinon elle se passionne pour « la mort violente que des êtres humains, un beau jour, décident d’infliger à d’autres, pour tous les motifs possibles ». La journaliste pour son travail s’appuie sur l’aide de Joana Triviño, originaire des quartiers pauvres de Cali, secrétaire assistante multifonctions et entre autres « le maniement de tout types d’armes, des plus petites aux moins conventionnelles car elle a passé douze ans dans le bloc occidental des FARC ».

Âmes, Histoire de la souffrance I, Tristan Garcia (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 11 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Âmes, Histoire de la souffrance I, janvier 2019, 720 pages, 24 € . Ecrivain(s): Tristan Garcia Edition: Gallimard

 

L’humanité en souffrance. C’est l’objet de ce roman, qui raconte la passation de la souffrance à travers les âges, son oubli, ses moments de splendeur et ses grandes misères. Tout commence quand apparaît la vie, il y a des milliards d’années : un ver se retrouve mangé. De ce dédoublement et division originels s’ensuit la multiplication des âmes, le peuplement de la Terre en une gigantesque contamination de la souffrance et une lutte des individus pour survivre.

Chaque chapitre ou conte suit alors les aventures et mésaventures de quatre âmes au fil du temps, comme un jeu où ces quatre couleurs se croisent et vivent les pires choses que l’on puisse imaginer, avant de se perdre et se retrouver dans une autre vie.

Faim, soif, fatigue, froid, chaleur accablante, blessure, torture, viol. La souffrance est déclinée sous toutes ses formes. Et quand on a trouvé le moyen de ne plus ressentir de douleur physique, reste tout de même la peur, la haine, la frustration, le ressentiment, l’abandon, la jalousie ou l’humiliation. Le bonheur se limite alors aux affects les plus bruts…

Né d’aucune femme, Franck Bouysse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Manufacture de livres

Né d’aucune femme, janvier 2019, 336 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

 

Bouysse est de la dernière génération d’écrivains francophones, assez féconde et diverse pour proposer des noms aussi éclairants que Laurent Mauvignier, Réginald Gaillard, Marion Fontana, Olivier Adam, Arno Bertina, dans des registres d’écriture différents, certes.

Remarqué pour deux de ses livres, Grossir le ciel, et Plateau, le voici de retour dans ses terres ancestrales et marginales d’une France profonde, recluse et reculée où il fait vivre pour nous des personnages étonnants, émouvants ou revêches, attachants ou répugnants, ne cédant jamais à la caricature binaire mais proposant un échantillon d’âmes humaines, plus ou moins grises, plus ou moins noires, ou hautement blanches et pures.

On ne sort pas de ce livre indemne et il ne faudrait guère parler d’une histoire à rebondissements car on risquerait, à trop l’étendre, de passer outre la beauté d’une écriture soucieuse autant de réalisme que de poésie, ou encore d’émincer la haute qualité de dialogues insérés dans la trame du récit, ou encore de manquer la sombre beauté d’un réel mortifié.

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, Anita Pittoni (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Baconnière

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, mai 2019, trad. italien Marie Périer, Valérie Barranger, 209 pages, 20 € . Ecrivain(s): Anita Pittoni Edition: La Baconnière

 

« Je m’active, je m’agite, je me démène et me cache derrière des sentiments sublimes. Mais la vérité, c’est que je ne suis rien. (…) En moi rien n’est vrai, rien ne part d’un sentiment profond, tout provient d’un désir obscur, contraignant, impérieux de mouvement ».

Celle qui se fustige ainsi, c’est la brillante Anita Pittoni, tisserande d’art et créatrice du Zibaldone, maison d’édition de Trieste où affluèrent à partir de 1949 les plus grandes figures de la littérature italienne. On ne s’attardera pas ici sur cette célébrité trompeuse qui aurait laissé dans l’ombre une authentique écrivaine si d’autres éditeurs diligents n’y avaient mis bon ordre.

Les deux groupes de proses narratives et poétiques rassemblées sous le titre intimiste de Confession téméraire font apparaître une sensibilité inquiète, une imagination visionnaire et un grand souci d’élaboration littéraire sous l’égide de Nietzsche, cité en épigraphe : « Le plus remarquable est le caractère involontaire de l’image, de la métaphore (…) tout se présente comme l’expression la plus immédiate, la plus juste, la plus simple ».

Sabena, Emmanuel Genvrin (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Sabena, mars 2019, 215 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Genvrin Edition: Gallimard

 

Emmanuel Genvrin, auteur réunionnais, inscrit les péripéties de cette saga haletante dans un itinéraire historique et géographique qui entraîne le lecteur d’une île à l’autre du sud de l’océan indien, Grande Comore, Anjouan, Mohéli, Mayotte, La Réunion, Madagascar, sur une période d’une quarantaine d’années.

La saga commence avec Faïza, Malgache d’origine Comorienne, qui, enfant, est exfiltrée vers les Comores après avoir échappé de justesse aux massacres perpétrés en 1976 à Majunga par des nationalistes malgaches à l’encontre de la nombreuse population comorienne que comptait cette capitale provinciale du nord-ouest de Madagascar. Les exilés ayant été transportés par la compagnie belge Sabena, chacun d’eux a alors été affublé de l’appellation éponyme.

Aux Comores, Faïza, alias Sabena, devenue une adolescente qui affole les hommes, a une liaison avec… le mercenaire Bob Denard, alors en position de force dans le pays. De cette relation naît une fille, Bibi, qui donnera une quinzaine d’années plus tard elle-même le jour à une fille, Echati, dite Chati.