Identification

Récits

Devant la beauté de la nature, Alexandre Lacroix (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mercredi, 14 Novembre 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Voyages, Allary Editions

Devant la beauté de la nature, septembre 2018, 400 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Alexandre Lacroix Edition: Allary Editions

Alexandre Lacroix navigue avec bonheur depuis une vingtaine d’années entre romans et essais, entre fictions de soi et enquêtes philosophiques. Mais ses romans pourraient de même être considérés comme des enquêtes [que l’on pense à La Muette (1) ou à Voyage au centre de Paris (2)], et ses essais comme des fragments autobiographiques, puisque le « je » y est toujours présent. L’auteur, qui dirige par ailleurs Philosophie Magazine depuis 2006, ne s’encombre pas des frontières génériques traditionnelles et explore tout aussi bien le « moi » [Quand j’étais nietzschéen (3), L’Orfelin (4)], que le monde, comme en témoigne ce dernier livre qu’il consacre à la beauté de la nature.

Alexandre Lacroix part ici d’une expérience vécue il y a quelques années, au Sunset Café, sur l’île grecque de Santorin. Vers 18h30, les touristes s’installent sur les terrasses des cafés et s’abandonnent au spectacle qui se joue devant leurs yeux : le soleil se couche. Tous y assistent « muets d’admiration » et applaudissent à la fin de cette représentation mise en scène par mère nature. Une question, qui fait tout l’objet du présent livre, se pose alors au spectateur-philosophe : « pourquoi, nous autres humains, trouvons-nous beaux les paysages naturels en général et les couchers de soleil en particulier ? ».

Je remballe ma bibliothèque, Alberto Manguel (par Carole Darricarrère)

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mardi, 13 Novembre 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Actes Sud

Je remballe ma bibliothèque, octobre 2018, 160 pages, 18 € . Ecrivain(s): Alberto Manguel Edition: Actes Sud

 

« Dans le courant de l’année 1931, Walter Benjamin écrivit un bref essai, aujourd’hui célèbre, sur la relation des lecteurs à leurs livres. Il l’intitula Je déballe ma bibliothèque, une pratique de la collection (…) ».

Remballant à sa suite ses livres par la pensée (« Remballer, au contraire, c’est s’exercer à l’oubli »), comme l’on rebattrait les cartes sur cette « majorité silencieuse »*, « ces présences parmi lesquelles nous demeurons », tant « la réalité des livres contamine tous les aspects de notre vie », voici l’ouvrage élégant d’un collectionneur casanier, érudit rompu au voyage qui du haut de ses 70 ans confesse ses pensées et nous ouvre les portes de son intimité, c’est-à-dire de sa bibliothèque, façon de partager, virtuellement, les ouvrages précieux qu’il aura souvent soustraits à la passation des mains, trésors de l’ombre fugitivement exposés ici dans une galerie de papier, offerts aux regards par vitrines d’écriture interposées, à la faveur d’un déménagement, soit d’une petite mort (« La perte fait naître l’espoir comme le souvenir »).

La pluie à Rethel, Jean-Claude Pirotte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 29 Octobre 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

La pluie à Rethel, septembre 2018, 176 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Jean-Claude Pirotte Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Publié la première fois en 1981, aux éditions Luneau Ascot, le récit de Pirotte mêle, dans un délicieux amalgame, le roman d’un écrivain se regardant écrire, et les aventures autobiographiques de l’auteur, jouant des deux registres pour mener par le bout du nez son lecteur.

Le titre, qui s’éclaire à la page 78, restitue certes un climat, une atmosphère, celle d’une petite ville de province aussi stérile pour le narrateur que ce qu’il semble relater, mais aurait pu donner « L’homme qui se souvient écrit ».

Jean, Jan par le passé hollandais, arrivé à Rethel et au moment de sa vie où il pense devoir sacrifier à la mémoire, surtout amoureuse, et latéralement amicale et soulographique. Les prénoms féminins, Mina, Virginia, Mara, les trois C. ponctuent un parcours circonstancié : les canaux, les bords de mer de la Gueldre, les berges d’Amsterdam, qui ménage aussi des étapes plus anciennes encore quand le narrateur, déjà épris de voyages et de baguenaudes, menait à 15-16 ans des jours de « fraude ».

Journal d’un étranger à Paris, Curzio Malaparte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 09 Octobre 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Journal d’un étranger à Paris, juin 2018, trad. italien Gabrielle Cabrini, 368 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Trois parties (« 1947 », « 1948 », « Non daté ») constituent ce journal tenu par l’Etranger à l’étranger, dans cette ville que l’auteur a eu l’occasion de connaître dès les années 20, et mieux, dans les années 30, son dernier séjour. Il revient en 1947, 1948, et tient registre de ses rencontres, de ses dîners, de tout le climat intellectuel de l’époque, en pleine vague existentialiste. L’esprit indépendant du romancier de La peau et de Kaputt ne cache pas ses détestations, ses partis-pris (nombreux), sa « vision » des choses écornée par un rejet de tout ce qui n’est pas dans son esprit. Il s’en donne à cœur joie – l’intelligence n’est pas toujours au rendez-vous – pour égratigner même les plus gentils (ainsi son portrait de Camus), pour répéter à l’envi que la France, c’est la grâce, que Cocteau, c’est la grâce et l’esprit français. Bon, on a compris : il n’aime pas les gens des pays balkaniques, il n’aime pas l’esprit cartésien ; on le comprend : il multiplie les sophismes, les postulats délirants et il suffit de se reporter à la partie « Non daté » pour s’en convaincre :

Ma vie dans les monts, Antoine Marcel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Octobre 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Arléa

Ma vie dans les monts, avril 2018, 226 pages, 17 € . Ecrivain(s): Antoine Marcel Edition: Arléa

 

Après avoir, comme on dit familièrement, roulé sa bosse et exercé des professions aussi diverses que, parfois, surprenantes, dont celle de scaphandrier sur (ou plutôt sous) une plate-forme pétrolière au large de l’Afrique, Antoine Marcel, auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux spiritualités orientales, s’est retiré dans un coin de France qui s’appelait jadis la Xaintrie, entre la Corrèze et le Lot, plus précisément dans la commune d’Altillac, où réside déjà une autre personnalité, Marcel Conche, dont c’est le village natal. Le philosophe d’Épicure en Corrèze est également (ce n’est pas l’aspect le mieux connu de son œuvre) traducteur de Lao-Tseu.

Ma Vie dans les monts revêt la forme d’une suite de notations non datées, alternant considérations sur le zen et remarques sur l’existence quotidienne dans une campagne reculée. Pour un lecteur qui réside dans une grande ville et passe plusieurs heures chaque jour dans des métros ou des trains de banlieue, les remarques sur le bois qu’il faut couper et empiler, le terrain environnant à entretenir, les arbustes à planter, seront d’un exotisme roboratif. Pour quelqu’un qui se trouve dans la même situation qu’Antoine Marcel et qui accomplit les mêmes besognes, de telles observations seront banales.