Devant la beauté de la nature, Alexandre Lacroix (par Arnaud Genon)
Devant la beauté de la nature, septembre 2018, 400 pages, 22,90 €
Ecrivain(s): Alexandre Lacroix Edition: Allary EditionsAlexandre Lacroix navigue avec bonheur depuis une vingtaine d’années entre romans et essais, entre fictions de soi et enquêtes philosophiques. Mais ses romans pourraient de même être considérés comme des enquêtes [que l’on pense à La Muette (1) ou à Voyage au centre de Paris (2)], et ses essais comme des fragments autobiographiques, puisque le « je » y est toujours présent. L’auteur, qui dirige par ailleurs Philosophie Magazine depuis 2006, ne s’encombre pas des frontières génériques traditionnelles et explore tout aussi bien le « moi » [Quand j’étais nietzschéen (3), L’Orfelin (4)], que le monde, comme en témoigne ce dernier livre qu’il consacre à la beauté de la nature.
Alexandre Lacroix part ici d’une expérience vécue il y a quelques années, au Sunset Café, sur l’île grecque de Santorin. Vers 18h30, les touristes s’installent sur les terrasses des cafés et s’abandonnent au spectacle qui se joue devant leurs yeux : le soleil se couche. Tous y assistent « muets d’admiration » et applaudissent à la fin de cette représentation mise en scène par mère nature. Une question, qui fait tout l’objet du présent livre, se pose alors au spectateur-philosophe : « pourquoi, nous autres humains, trouvons-nous beaux les paysages naturels en général et les couchers de soleil en particulier ? ».
Vaste et passionnante question qui a pourtant été esquivée très longtemps par la philosophie. La faute en revient particulièrement à Hegel qui avait banni de son Esthétique (1832) « toute allusion à la nature », au prétexte que le beau esthétique, fruit de l’esprit, était supérieur au beau naturel. Ainsi, il faudra attendre les années 1960 pour que cet « interdit » soit transgressé grâce, notamment, aux travaux du philosophe Ronald Hepburn (1929-2008) consacrés à un nouveau champ de recherche : « l’esthétique environnementale ».
Alexandre Lacroix mène l’enquête sur tous les terrains, le « pourquoi », mais aussi le « comment ». La deuxième partie du livre est ainsi consacrée aux sensations qui sont l’outil de notre contact au monde naturel. Il y passe ainsi au crible chacun de nos sens et constate que le progrès, la civilisation les ont émoussés, distendant notre relation à la nature que seul un nouveau rapport au temps (troisième partie), au temps de la nature, pourra régénérer.
Dans cet essai foisonnant où la philosophie côtoie les sciences, la psychologie, la littérature et l’histoire de l’art, Alexandre Lacroix nous entraîne à ses côtés dans une réflexion inédite des plus passionnantes. A travers son regard singulier, il nous donne à penser, à repenser la nature qui nous entoure. Il nous appelle à la voir, à la vivre autrement et, finalement, nous amène à l’aimer à sa juste valeur…
Arnaud Genon
(1) La Muette, Don Quichotte, 2017
(2) Voyage au centre de paris, Flammarion, 2013
(3) Quand j’étais nietzschéen, Flammarion, 2009
(4) L’Orfelin, Flammarion, 2010
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